Depuis le début en 2011 de la "révolution", plus de 100.000 personnes ont péri dans ses prisons, notamment sous la torture, estimait en 2022 l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH).
Un homme immortalise la scène avec son téléphone: des hommes armés font sauter les verrous des cellules de Saydnaya, la prison syrienne témoin des pires exactions du pouvoir de Bachar al-Assad. Des hommes, des femmes et des enfants hagards en sortent, peinant à croire que le président est vraiment tombé.
"Vous êtes des hommes libres, sortez! C'est fini, Bachar est parti, on l'a écrabouillé!", crie l'homme au portable, quelques heures après l'entrée des rebelles dans Damas, et la fuite en Russie du président Bachar al-Assad.
Par la porte, des dizaines d'hommes, visages émaciés, certains portés par des camarades car trop faibles pour avancer seuls, sortent de la cellule carrelée.
Aucun mobilier n'est visible si ce n'est quelques maigres couvertures jetées au sol. Et des murs rongés par l'humidité et la saleté.
"Que s'est-il passé?": la question revient en boucle sur les lèvres des prisonniers, désormais libres.
Dès la chute d'Assad, les rebelles ont foncé vers les prisons.
A Saydnaya, à une trentaine de kilomètres de Damas, libérer tous les prisonniers s'annonce plus dur.
Le groupe de secours des Casques blancs dit chercher les "cellules souterraines cachées" de ce sinistre établissement. Pour le moment, en vain. Et ses volontaires défoncent depuis dimanche murs et recoins à coups de masse ou de barres de fer pour tenter de les localiser.
"Il y a des centaines, peut-être des milliers de prisonniers retenus deux ou trois étages sous terre, derrière des verrous électroniques et des portes hermétiques", prévient Charles Lister, du Middle East Institute.
Dans une autre aile, ce sont des cellules de femmes. "J'ai peur", hurlent plusieurs d’entre elles, visiblement apeurées à l'idée d'être piégées ou de nouveau violentées par les hommes en armes qui sillonnent les coursives.
Devant une porte, un enfant attend, perdu. Il n'a peut-être jamais vu ce couloir, derrière la porte.
En 2011, l'OSDH rapportait qu'environ 30.000 personnes avaient été détenues à Saydnaya, dont seulement 6.000 avaient été relâchées.
Amnesty International, de son côté, a recensé des milliers d'exécutions et dénonce "une véritable politique d'extermination" à Saydnaya, un "abattoir humain".
Dans les rues de la capitale, aujourd'hui, ils déferlent par vagues. Reconnaissables de loin parce qu'ils portent encore les stigmates de ce qui a fait la triste notoriété de Saydnaya, comme d'autres prisons avant elle en Syrie: la torture, la maladie et surtout la faim.
Certains sont incapables de dire un mot. Pas même leur nom ou leur ville d'origine. D'autres répètent en boucle des borborygmes, traumatisés par la torture, assurent leurs compagnons d'infortune.
Certains sont là depuis peu. D'autres avaient disparu depuis l'époque d'Hafez al-Assad.
Dans le chaos, peu savent où aller, qui retrouver.
En ligne, des familles ressortent les photos en noir et blanc de jeunes hommes fringants ou celles de manifestants sous les drapeaux de la "révolution" qui ont fleuri dans les provinces rebelles en 2011. Elles demandent si quelqu'un a vu ces hommes. S'ils étaient à Saydnaya.
Ou s'ils sont vraiment morts, emportés dans les 14 années de chaos en Syrie, sans espoir de les voir ressurgir au coin de la rue, amaigris mais en vie.
Après ce tournant historique pour la Syrie, qui met fin à un demi-siècle de règne sans partage du pouvoir Assad, le groupe de secours des Casques blancs a entamé d'intenses fouilles dans la prison de Saydnaya, symbole des pires exactions du pouvoir déchu, aux abords de la capitale.
Invoquant l'existence de "cellules souterraines cachées", il a précisé y avoir déployé "des unités de recherche et de sauvetage, des spécialistes de l'abattage des murs, des équipes chargées d'ouvrir les portes en fer, des unités canines entraînées et des intervenants médicaux".
Sur les réseaux sociaux, des Syriens partagent des photos de prisonniers déjà libérés au fil de l'avancée rebelle, dans un effort collectif pour réunir les familles.
A Damas, des habitants en liesse sont rassemblés sur la place des Omeyyades, après la levée du couvre-feu nocturne imposé par la coalition rebelle.
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