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Conférence sur Gaza : Mêmes appels, mêmes promesses, mêmes difficultés

Samar Al-Gamal , Mercredi, 04 décembre 2024

Face à la désolation croissante à Gaza, Le Caire a accueilli, lundi 2 novembre, une conférence ministérielle pour répondre à la crise humanitaire et mobiliser au maximum. Après les expressions de solidarité reste la traduction de ces engagements en actions concrètes.

Conférence sur Gaza : Mêmes appels, mêmes promesses, mêmes difficultés

« La situation à Gaza est épouvantable et apocalyptique », a alerté la vice-secrétaire générale de l’ONU, Amina Mohamed, lors d’une conférence sur le « renforcement de la réponse humanitaire pour Gaza », s’exprimant au nom du secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres.

La crise humanitaire dramatique à Gaza a occupé une place centrale lors de la conférence internationale organisée au Caire, où 103 ministres des Affaires étrangères, hauts responsables, représentants d’organisations internationales et institutions financières mondiales se sont réunis pour mobiliser un soutien international en faveur de Gaza, où près de 14 mois de guerre israélienne ont laissé le territoire en ruines.

Coorganisée par l’Egypte et les Nations-Unies, la conférence avait pour objectif de répondre à l’aggravation de la crise, qui entre dans sa deuxième année, et d’élaborer des plans pour améliorer la livraison de l’aide humanitaire, planifier des efforts de relèvement précoce et renforcer la capacité de l’Autorité palestinienne à répondre à la crise le lendemain de la fin de la guerre.

Les conditions auxquelles sont confrontés les Palestiniens dans l’enclave depuis plus de 14 mois pourraient s’apparenter aux « crimes internationaux les plus graves », a ajouté la responsable onusienne. Le bilan est accablant : Israël a tué plus de 44 000 Palestiniens, en grande majorité des femmes et des enfants, sans compter les déplacements forcés massifs et l’effondrement des services essentiels, notamment l’accès à l’eau et à la nourriture.

Des milliers de personnes restent piégées sous les décombres, tandis que d’autres sont confrontées à la mort de la faim et de la maladie, a averti le commissaire général de l’UNRWA, Philippe Lazzarini.

Déjà en juillet 2024, le Haut-Commissariat des Nations-Unies aux droits de l’homme avait lancé un cri d’alarme, annonçant que la famine s’était étendue à l’ensemble de la bande de Gaza. L’organisation a accusé Israël de mener une « campagne de famine intentionnelle et ciblée ». Quelques mois plus tard, en octobre 2024, le Conseil de sécurité des Nations-Unies a, à son tour, averti d’une « famine imminente » dans le nord de Gaza. Ces alertes ont été corroborées par le Programme alimentaire mondial qui a souligné que plus de 1,1 million de Gazaouis, soit près de la moitié de la population, souffrent d’une insécurité alimentaire catastrophique. Israël continue d’imposer des restrictions sévères sur l’entrée de biens essentiels à Gaza, tels que la nourriture, les médicaments et le carburant. En plus, les travailleurs humanitaires ont été pris pour cible et tués dans des attaques israéliennes. L’effondrement de l’ordre public a également favorisé les pillages, réduisant à néant une partie de l’aide humanitaire minime qui parvenait à franchir le passage de Kerem Shalom, seul point de passage terrestre entre Israël et Gaza depuis la fermeture du passage de Rafah en mai.

Appels urgents

Dans son discours, le ministre égyptien des Affaires étrangères, Badr Abdelatty, a lancé un appel urgent, avertissant d’une catastrophe humanitaire imminente à Gaza. « Israël utilise la famine et le blocus comme armes de guerre, soumettant la population palestinienne à un châtiment collectif, en violation flagrante du droit international humanitaire et du droit international », a-t-il dénoncé.

Il a appelé les participants à prendre des engagements financiers immédiats et concrets pour éviter le pire. L’Egypte, a-t-il encore assuré, est prête à faciliter l’entrée quotidienne de convois d’aide humanitaire, sous réserve de garanties de sécurité pour les travailleurs humanitaires et d’une livraison sécurisée des approvisionnements.

Le ministre jordanien des Affaires étrangères, Ayman Safadi, a de son côté présenté un plan visant à améliorer l’aide à Gaza grâce à la livraison quotidienne de 250 camions.

« Gaza est confrontée à un génocide », a insisté le ministre saoudien des Affaires étrangères, Faisal bin Farhan, avertissant que les pratiques israéliennes constituent une menace sérieuse pour la solution à deux Etats.

L’Union européenne a plaidé pour l’octroi d’un accès sûr et sans entrave aux biens et au personnel humanitaires, pour l’ouverture de toutes les voies d’accès à l’aide internationale et pour des mesures urgentes afin de rétablir la loi et l’ordre et mettre fin au pillage de l’aide.

La rencontre a été aussi l’occasion de condamner les violences israéliennes en Cisjordanie, l’expansion des colonies israéliennes illégales ou encore les plans israéliens de forcer les Palestiniens à l’exode.

Impasse politique

Malgré les déclarations de soutien, les appels à l’action et les promesses de tonnes d’aides, la conférence n’a pu masquer l’impasse politique profonde qui paralyse toute résolution durable de la crise à Gaza. Les appels répétés pour qu’Israël, en tant que puissance occupante, se conforme au droit international et ouvre les points de passage, ainsi que les demandes de sécurité pour le personnel humanitaire sont restés sans véritable réponse.

Les participants ont souligné l’urgence d’agir, mais aucun mécanisme concret n’a été mis en place pour contraindre Israël à modifier sa politique et à permettre une aide humanitaire efficace.

Autant que les promesses de soutien ou les condamnations de la politique israélienne, la conférence a aussi mis en évidence l’impasse politique qui entoure la situation à Gaza. L’UNRWA a déclaré que toutes ses tentatives pour acheminer de l’aide dans le nord de Gaza avaient été soit refusées, soit entravées entre le 6 octobre et le 25 novembre 2024, au milieu de violents combats.

« C’est une crise de volonté politique et de respect des principes fondamentaux du droit international humanitaire », a lancé Amina Mohamed lors d’une conférence de presse avec Abdelatty. « Ce qui est nécessaire maintenant, et immédiatement, c’est une position décisive pour mettre en oeuvre les résolutions de l’ONU et les ordres de la Cour internationale de justice appelant à un cessez-le-feu immédiat », a déclaré le chef de la diplomatie égyptienne. Il a souligné la nécessité critique d’un retrait israélien des zones-clés, notamment du poste-frontière de Rafah et du corridor de Philadelphie, et de la remise de leur contrôle à l’Autorité palestinienne de Mahmoud Abbas.

« La catastrophe de Gaza n’est rien d’autre qu’un effondrement total de notre humanité commune », a déclaré Antonio Guterres, par la voix de son adjoint, insistant sur le fait que « le cauchemar doit cesser ». « Nous ne pouvons pas continuer à détourner le regard. Il est temps d’agir ».

Pour Abdelatty, cette action passe également par la reconnaissance de l’Etat de Palestine et l’octroi à celui-ci du statut de membre à part entière des Nations-Unies, affirmant que cela constitue un droit légitime en accord avec le droit international. Le ministre des Affaires étrangères a voulu conclure sur une note d’espoir : « La réunion d’aujourd’hui est une déclaration claire de l’engagement de la communauté internationale à rejeter toute tentative d’imposer un fait accompli et à travailler pour que le peuple palestinien, qui résiste avec courage aux conditions inhumaines, effroyables et inacceptables, puisse avoir l’avenir qu’il mérite, un avenir où il vivra librement, dans la dignité et la paix ».

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