C’est ce qu’assure l’équipe de transition du président élu qui justifie cet ordre de priorité par le fait que la République islamique est la cheville ouvrière des menaces auxquelles Israël est confronté et parce qu’elle continue d’enrichir de l’uranium qui peut rapidement être transformé en armes.
La politique de « pression maximale » sur Téhéran pourrait ainsi être de retour. Les membres de l’équipe de transition de Trump parlent déjà de plans pour déclencher une nouvelle vague de sanctions économiques sévères contre l’Iran et travailler à couper ses exportations de pétrole tout en renforçant le soutien à Israël. Ils ont déclaré que Trump réorganiserait sa stratégie de pression maximale consistant à isoler l’Iran, à augmenter la pression économique et à maintenir une menace crédible de force militaire comme moyen de dissuasion.
Face à ces risques, l’Iran tente de montrer à la nouvelle Administration Trump qu’il est à nouveau ouvert à un accord négocié sur son programme nucléaire. Avec ses alliés du Hezbollah et du Hamas gravement endommagés et ses propres défenses aériennes se révélant vulnérables aux attaques aériennes israéliennes, l’Iran veut éviter une confrontation militaire directe avec Israël et obtenir un soulagement des sanctions économiques imposées en raison de son programme nucléaire. Il a donc hâte d’afficher une volonté renouvelée de négocier son enrichissement de l’uranium avant que Trump n’entre en fonction. Il tente par là même de faire appel aux ambitions de conclusion d’accords de Trump, faisant miroiter la possibilité d’un nouvel accord nucléaire. C’est pour cette raison qu’il a renoué le 29 novembre à Genève le dialogue avec les pays européens qui avaient signé l’accord nucléaire de 2015, le Royaume-Uni, la France et l’Allemagne. Ceux-ci cherchent actuellement à explorer la possibilité d’un nouvel accord, couplé à des discussions sur la manière de désamorcer les tensions au Moyen-Orient. L’espoir est de convaincre Trump de s’abstenir de mettre en oeuvre une nouvelle série de sanctions économiques sévères dès son retour à la présidence. Au cours de son premier mandat, Trump s’est retiré de l’accord nucléaire de 2015, insistant sur le fait que ce n’était pas assez dur. Il a mis en place une politique de « pression maximale », réimposant de sévères sanctions économiques contre l’Iran et en ajoutant d’autres.
Mais le Moyen-Orient en 2024 est radicalement différent de celui que Trump connaissait lorsqu’il a quitté ses fonctions en 2021 et cela change les variables qui détermineront si des stratégies similaires fonctionneront pour affaiblir l’Iran. La brutale offensive militaire d’Israël contre la bande de Gaza, provoquant une catastrophe humanitaire, a déclenché une condamnation mondiale et une réaction contre Israël et son allié indéfectible, les Etats-Unis. En conséquence, Trump devra naviguer avec un capital diplomatique et géopolitique américain réduit. Pendant ce temps, Téhéran approfondit sa coopération avec la Russie, ajoutant une nouvelle complexité à la politique iranienne de Trump. Il existe également un risque d’escalade supplémentaire entre Israël et l’Iran qui pourrait entraîner l’armée américaine dans son sillage. Biden a poussé Israël à ne pas cibler les sites nucléaires iraniens dans ses frappes aériennes de représailles le mois dernier pour empêcher l’escalade des attaques réciproques entre les deux puissances rivales, même s’il a mis en place quelque 700 sanctions contre l’Iran pour maintenir la pression économique sur le pays. Trump n’essaierait probablement pas de mettre des garde-fous sur Israël, ce qui rendrait plus important le risque d’une implication militaire américaine.
C’est pour cette raison qu’un désaccord est apparu entre ceux de l’entourage de Trump qui prônent une pression maximale et sa propre préférence déclarée pour une non-implication dans des conflits extérieurs et pour la conclusion d’accords. Mais un accord sur le nucléaire iranien n’est qu’une pièce très difficile d’un puzzle complexe, surtout si Trump pousse à relancer une normalisation saoudo-israélienne qui semblait dans les cartes avant la guerre de Gaza. Après la mort de dizaines de milliers de Palestiniens, une normalisation semble plus éloignée que jamais, l’Arabie saoudite réclamant des progrès concrets vers un Etat palestinien et un réchauffement des relations avec leur ennemi traditionnel, l’Iran. Contrairement au premier mandat de Trump, Riyad — ainsi que les autres monarchies du Golfe — est désormais moins désireux d’affronter l’Iran que de gérer leurs difficiles relations bilatérales, s’orientant davantage vers une détente qui lui permettrait de se concentrer sur ses ambitieux plans de restructuration de l’économie saoudienne.
Les dirigeants saoudiens ne se font aucune illusion sur l’Iran. Ils estiment qu’il pourrait encore déstabiliser la région même avec un Hezbollah affaibli. Pour eux, un Iran plus faible n’est pas nécessairement moins dangereux. S’il n’y a pas d’accord nucléaire et que la pression maximale américaine est renforcée, l’Iran, affaibli par sa confrontation avec Israël, pourrait alors choisir d’aller de l’avant et de développer sa propre dissuasion nucléaire. Ce risque pourrait entraîner la région vers un nouveau cycle de violence étant donné qu’Israël et les Etats-Unis ont juré d’empêcher par la force l’Iran d’obtenir la bombe atomique.
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