La fête de la Heb-Sed ou fête trentenaire, également connue sous le nom de fête d’Horus ou fête de Sokar mentionnée dans les inscriptions de la ville d’Habou, est une célébration royale qui avait beaucoup d’importance dans l’Egypte Ancienne. Elle marquait le 30e anniversaire de la montée du roi sur le trône. Cette fête était perçue comme l’un des moments majeurs de la vie du pharaon. « Lorsqu’un pharaon célébrait la Heb-Sed ou la 30e année de son règne, cela signifiait que son règne avait apporté la stabilité et le développement à l’Egypte et qu’il était devenu un souverain plus fort et plus sage, une fierté pour le peuple et pour toutes les classes sociales du pays », explique l’archéologue Ahmed Amer.
La Heb-Sed dans l’Egypte Ancienne n’était donc pas une simple célébration, elle était une sorte de réaffirmation du pouvoir royal, un renouvellement de l’autorité et de la légitimité du pharaon après un règne de trois décennies, ainsi qu’une incarnation de la doctrine de la continuité de la vie et de l’éternité. Cette fête soulignait le rôle central du pharaon en tant que « protecteur de la terre » et en tant que « guide » garantissant la prospérité et la sécurité de son peuple. A travers cette fête, le pharaon était célébré non seulement comme un souverain mais aussi comme une divinité.
Les célébrations et les rituels de la Heb-Sed
La cérémonie célébrant le 30e anniversaire du règne du pharaon comprenait une série de rituels religieux et de festivités symbolisant le renouvellement de la loyauté et la soumission au pharaon. Le pharaon était célébré en tant que divinité vivante qui représente la continuité du pouvoir et l’ordre dans le pays. Le roi devait, lui-même, accomplir des rites spécifiques comme le fait de s’habiller d’une manière particulière. Les cérémonies avaient lieu à la fois en Haute et en Basse-Egypte. Selon Amer, l’une des pratiques liées à la Heb-Sed était que le roi courait sur une certaine distance, accompagné d’un prêtre, tenant un petit fouet. Ce geste symbolisait la vigueur et la force physique du roi. « C’est un rituel que l’on croyait nécessaire pour garantir la fertilité des champs et l’abondance des récoltes. Durant la fête, un cortège mené par un prêtre se rendait dans la cour des temples où les dieux étaient rassemblés pour approuver la légitimité du roi à gouverner », poursuit l’archéologue.
D’après les archéologiques, le roi se rendait ensuite dans l’un des temples du sud pour recevoir la couronne blanche de la Haute- Egypte, et il faisait ensuite la même chose en Basse-Egypte pour recevoir la couronne rouge qui symbolisait l’unification des deux royaumes. Il s’agissait d’une couronne de fleurs de lotus et de papyrus liées autour d’un piquet fixé au sol. Elle symbolisait la légitimité du roi aux yeux des dieux et du peuple.
En effet, les célébrations religieuses occupaient une place centrale de la Heb- Sed. Le pharaon, en tant que médiateur entre les dieux et les hommes, accomplissait des rituels dans les principaux temples du pays, comme ceux de Karnak ou de Louqsor, pour demander la bénédiction divine et montrer qu’il avait toujours la faveur des dieux.
Les défilés et les célébrations populaires étaient l’un des aspects essentiels de la Heb- Sed. Des défilés massifs étaient organisés avec la participation de la population, avec de la danse, de la musique et des spectacles. Ces événements permettaient de renforcer la relation entre le peuple et le pharaon.
Des démonstrations militaires étaient également organisées. Elles avaient pour objectif de renouveler la loyauté des forces armées, qui se proclamaient prêtes à défendre le pharaon et à protéger le pays.
Les arts et la culture étaient également au rendez-vous. Et pendant les célébrations, des projets de construction de temples ou de restauration de monuments étaient lancés pour montrer la force de l’Etat et les progrès dans les domaines de l’architecture et de la culture.
Connotations historiques
Les grands pharaons ont tenu à documenter les célébrations de la fête de la Heb-Sed. « Les inscriptions égyptiennes anciennes, comme celles de la plaque du roi Den qui date de l’Ancien Empire (première dynastie), sont l’une des sources les plus importantes qui documentent les célébrations de la fête de la Heb-Sed. Elles montrent le rituel de la course. Il y a aussi les inscriptions du temple solaire du roi Né-User-Rê à Aboussir », explique l’archéologue Magdi Shaker.
Shaker mentionne aussi les scènes gravées sur les murs du grand temple du roi Amenhotep III en Nubie datant du Nouvel Empire (XVIIIe dynastie). « On trouve aussi des scènes de cette fête remontant à la XXIe dynastie au temple d’Osorkon II à Bubastis, actuel Tell Basta au gouvernorat de Charqiya. Cet immense temple abrite un sanctuaire en granit rouge où le roi Osorkon II est représenté en train d’accomplir les rituels de la fête, vêtu des habits cérémoniels. Des scènes ont également été découvertes à la chapelle de Kheruf à Thèbes, datant de la XVIIIe dynastie, illustrant les célébrations de la Heb-Sed du roi Thoutmosis III. Tout ceci sans oublier le papyrus de Ramsès et les représentations figurant sur certains obélisques royaux », précise Magdi Shaker. Selon lui, Ramsès II (1279-1213 av. J.-C.) a célébré le 30e anniversaire de son règne en organisant des festivités somptueuses et en lançant des projets de construction monumentaux, comme ceux des temples d’Abou-Simbel. Ramsès II n’était pas le seul pharaon à célébrer la Heb-Sed de cette manière. Certains rois ont construit des temples complets pour commémorer leur 30e anniversaire sur le trône, tandis que d’autres ont réservé des cours spéciales dans des temples à cette célébration. Le roi Djoser a construit dans son complexe funéraire à Saqqara un lieu réservé à cette célébration, ce qui reflète son importance et sa valeur.
L’archéologue mentionne également que le roi Pepi Ier de la VIe dynastie a célébré la Heb-Sed et que des scènes ont été trouvées dans la tombe du roi Snéfrou à Dahchour, où le roi est représenté portant le vêtement cérémoniel de la Heb-Sed. A Karnak, on a découvert des vestiges montrant un petit temple construit par Amenhotep II spécifiquement pour les célébrations de la Heb-Sed.
Shaker note que le roi Akhenaton a célébré la Heb-Sed dans la salle hypostyle dédiée au dieu Aton au temple de Karnak. La Heb- Sed a continué à être célébrée au temple de Karnak sous le règne de presque tous les rois du Nouvel Empire, jusqu’à la XXIIe dynastie comme Sheshonq III, Sheshonq V, Osorkon Ier et Osorkon II. L’archéologue souligne également que de nombreux dieux sont associés à la Heb-Sed. Les temples des rois Né-User-Rê, Amenhotep III et Osorkon II sont parmi les plus connus pour avoir représenté les dieux liés à cette fête, en particulier le temple d’Osorkon II à Bubastis. L’une des fresques du temple funéraire de ce roi montre 79 divinités représentant les dieux de la Haute-Egypte, en plus de 21 sanctuaires représentant les rois de la Haute- Egypte et 15 autres dédiés aux dieux de la fête, appelés les grands dieux. « La Heb- Sed était un symbole du renouvellement du pouvoir royal qui montre comment la royauté égyptienne s’appuyait sur les dieux pour justifier et maintenir son pouvoir », conclut Shaker.
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