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L’Hebdo, une fabuleuse aventure

Fouad Mansour , Samedi, 07 décembre 2024

Les trois premiers rédacteurs en chef d’Al-Ahram Hebdo : Mohamed Salmawy (fondateur du journal), Hicham Mourad et Fouad Mansour s’expriment sur le 30e anniversaire du journal.

L’Hebdo, une fabuleuse aventure

Décembre 1993. Je suis en dernière année à l’université quand un coup de téléphone sonne un après-midi dont je me souviens encore comme si c’était hier. — Pourrais-je parler à Fouad Mansour ? — Oui, c’est moi. — Voudriez-vous travailler dans un journal de la fondation Al-Ahram, en français ? — Moi ? Etes-vous sûr ? J’étudie l’ingénierie depuis cinq ans et je n’ai jamais travaillé comme journaliste. — Oui, mais l’un de vos amis d’école ici présent à Al-Ahram a suggéré votre nom.

Il a dit que vous avez un bon français, que vous vous y connaissez parfaitement bien en sport. Est-ce qu’on peut se voir demain ? Le lendemain, je rencontre Chérif Solimane, qui me demande d’écrire un article puis m’invite à la conférence de rédaction fondatrice d’Al-Ahram Hebdo. Je découvre ensuite que ce grand passionné du jeu d’échecs, qui deviendra notre chef de desk puis notre directeur de la rédaction, n’avait lui aussi jamais travaillé dans le journalisme.

Certes, je lisais la presse égyptienne, j’étais abonné à France Football depuis l’âge de 13 ans, et consultait presque quotidiennement Le Monde à la bibliothèque de l’AUC, mais c’était tout.

La presse francophone, qui comptait une cinquantaine de titres avant 1956, avait perdu beaucoup de son élan après le départ de beaucoup de ses lecteurs étrangers ou d’origine étrangère. Les tensions créées par l’expulsion d’une centaine de milliers de Palestiniens de leur terre en 1948, puis la nationalisation du Canal de Suez et l’agression tripartite sur l’Egypte (menée par une coalition franco-israélo-britannique) en étaient les principales causes. Etant donné le nombre extrêmement limité des journalistes francophones en Egypte, notre rédacteur en chef et fondateur d’Al-Ahram Hebdo, Mohamed Salmawy, décide de former son équipe avec des personnes qui avaient une bonne commande de la langue française et de bonnes connaissances générales sans nécessairement avoir une expérience journalistique. Et c’est ainsi que je me suis retrouvé au sein du premier conseil de rédaction du journal avec des collègues qui, pour la plupart, n’avaient aucune expérience de la presse écrite. Entre janvier et septembre 1994, dans une pièce située au sous-sol de la fondation Al-Ahram, nous avons passé 9 des plus beaux mois de notre vie. Nous y avons produit 10 numéros numéraux expérimentaux qui ont constitué pour la plupart d’entre nous une sorte de formation pratique.

J’ai donc appris mon métier durant ces 9 mois de travail et d’apprentissage avec des collègues dotés d’une grande intelligence et d’une grande perspicacité, même si la plupart avaient très peu ou pas du tout d’expérience en presse écrite, à l’instar de Hicham Mourad, docteur en sciences politiques de la Sorbonne, Chérif Solimane, Soheir Fahmy, professeure de littérature, Bruno Ronfard, un éditeur de livres de profession, Nabila Massrali, actuellement porte-parole de l’Union européenne à Bruxelles, Samer Soliman, Dalia Chams, Hoda Ghali, et Chérine Abdel-Azim, entre autres. Ce groupe était venu s’ajouter aux quelques journalistes « de métier » tels Ahmed Loutfi, journaliste encyclopédique qui avait passé une grande partie de sa vie à l’Agence France Presse (AFP), qui passait chaque jour des heures à nous parler du métier, Achraf Nada, le secrétaire de la rédaction, et le brillant journaliste sportif Fabrice Jouhaud, qui avait fait ses études au CFPJ en France et travaillé au Parisien. Il deviendra, en l’espace de quelques années, journaliste puis directeur de la rédaction du journal L’Equipe en France. Avec cette équipe, les conférences de rédaction hebdomadaires, qui duraient parfois deux heures, étaient une formidable formation ad hoc.

En guise de formation, de multiples rencontres entre l’équipe fondatrice du journal et des professionnels du métier et des personnalités de tous bords ont été organisés au Journal durant les premières années. On a ainsi vu passer dans les locaux de l’Hebdo Esmat Abdel-Méguid, secrétaire général de la Ligue arabe, les ministres des Affaires étrangères libanais et algérien, le président portugais Mario Suarez, la comédienne de légende Fatma Roushdi, et les directeurs de l’Institut du monde arabe à Paris Edgard Pisani et Camille Cabana. Côté médias, nous avons eu droit à des rencontres avec de grands journalistes égyptiens et français tels le caricaturiste du Monde Plantu, le journaliste Robert Solé, ou encore l’expert de la presse écrite Jean-Marie Chappé.

Cette ouverture de l’équipe de rédaction sur le monde était sans doute parmi les grands atouts d’Al-Ahram Hebdo. Quant au contenu, on a décidé de le limiter à l’actualité locale et régionale. Le travail de terrain, les grands reportages et les grandes interviews ont toujours constitué un point fort de notre journal. Un autre atout était sa grande jeunesse et le fait que tout journaliste pouvait écrire dans n’importe quelle discipline. J’ai moi-même été choisi pour diriger le service Economie après les 9 mois de travail expérimental, tout en continuant à écrire dans le sport qui est ma passion. Il y avait aussi des défis et des lacunes, mais le moment d’en discuter viendra peut-être après les célébrations !

Certes, Al-Ahram Hebdo est une expérience inoubliable tant au niveau humain que professionnel. Ebloui par ce nouveau monde, j’avais complètement oublié l’ingénierie.

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