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Gaspar Noé, un chaman joyeux

May Sélim , Mercredi, 27 novembre 2024

Une rencontre-débat avec le réalisateur argentin Gaspar Noé s’est déroulée dans le cadre du CIFF. Elle a été animée par le critique iranien Mo Abdi.

Gaspar Noé, un chaman joyeux
Hommage à Gaspar Noé.

Lors d’une rencontre-débat avec le public du Festival du Caire, le réalisateur argentin Gaspar Noé, qui vit en France dès l’âge de 12 ans, a reçu un trophée d’honneur La Pyramide en or, pour l’ensemble de son oeuvre.

« Je suis venu au festival et je ne m’attendais pas à recevoir un prix. J’en suis vraiment reconnaissant », a dit le cinéaste sexagénaire, qui revient sur sa propre vie en répondant aux questions du modérateur et critique iranien Mo Abdi. « Mon père était à la fois un écrivain et un peintre qui aime jouer avec les canevas sans être limité ni par les cadres traditionnels de la peinture ni par les règles de l’écriture classique. Il était un créateur très original. Ma mère travaillait comme assistante sociale, mais elle était obsédée par le cinéma. Elle m’emmenait régulièrement pour voir des films ». Mais il a été surtout fasciné par deux oeuvres en particulier. « Je me souviens toujours du premier film que j’ai vu. J’avais quatre ans, et c’était Jason et les Argonautes. Puis, à six ans, j’ai vu 2001 : L’Odyssée de l’espace, qui m’a donné l’impression que l’avenir se créait sous mes yeux. J’ai été passionné par ce film, chaque fois qu’il était projeté dans une salle, j’allais le voir ».

Adolescent de 17 ans, Gaspard Noé ne pensait pas à faire du cinéma sa carrière professionnelle. Après avoir terminé ses études scolaires, il ne savait pas trop quelle route il fallait prendre. « Mon père avait un ami directeur de photographie cinématographique. Ce dernier lui a proposé de m’encourager à étudier le cinéma. Je me suis alors inscrit à l’école de cinéma Lumière. C’est là que j’ai découvert la joie de travailler avec des gens que j’aime. Je m’amusais avec mes amis, en essayant de faire des images drôles, effrayantes et osées », a raconté le réalisateur.

Son premier court métrage a été réalisé pendant ses années d’étude. Il était sur l’histoire d’un tueur en série. « J’ai convaincu mon père de jouer le rôle. Et dans l’une des scènes, il étranglait vraiment sa victime mais elle a été sauvée à la dernière minute ! ».

Son premier court métrage professionnel était Carne (1991). Un film de 38 minutes, financé par la chaîne Canal+. Il a également reçu une aide financière du Centre national du cinéma. « Le film a coûté quatre ou cinq fois plus cher que ce que j’avais prévu. J’étais quand même content du résultat. Il a été présenté à la Semaine de la Critique à Cannes et a reçu un prix ».

Depuis, le Festival de Cannes est sa manifestation préférée ; il y a reçu plusieurs prix. « Cannes est le festival de cinéma le plus important au monde. Quand j’étais étudiant, c’était le premier festival auquel j’ai assisté. Depuis, j’y suis régulièrement invité. Cannes m’aime parce qu’à chaque fois que j’y vais, on me demande : Quel est votre film choc cette année ? Et je réponds : Je n’en ai pas cette fois-ci », a dit le cinéaste.

Violence, sensualité et spiritualité

Dans les films de Gaspard Noé, il y a toujours une violence intense, une sensualité indéniable, une approche existentielle et parfois même une spiritualité latente. « Aujourd’hui, je suis une personne beaucoup plus calme qu’auparavant parce que j’ai arrêté de m’inquiéter. Je suis attiré par le drame, et même quand je lis, je préfère les romans noirs. Une fois que vous réalisez que toute la violence dans les films est comme des tours de magie — tout est faux — vous commencez à l’apprécier davantage. C’est une grande joie de voir la réaction du public face à des scènes totalement artificielles sur le grand écran. J’ai vu des gens s’évanouir pendant la projection d’Irréversible (2002), ou pendant certains moments explicites dans Climax (2018). Des filles m’ont même dit qu’elles étaient surexcitées par la passion présente dans ce dernier. C’est drôle, on se sent comme un chaman joyeux, qui apporte aux gens quelque chose dont ils ont vraiment besoin. Tout est un jeu ».

Dans Enter The Void (2009), il s’agit du portrait d’un trafiquant de drogue et de sa soeur qui se trouvent à Tokyo. Pourtant, tout le monde a tendance à sympathiser avec le personnage principal, notamment après son meurtre. Car Noé joue avec ses plans séquences. « Quand vous laissez une scène non coupée et que vous la laissez se dérouler pendant longtemps, elle semble plus réelle. Nous sommes habitués à monter et à couper des scènes, mais dans la vraie vie, tout se passe en continuité ».

Dans son mélodrame Vortex (2021), il a été inspiré par l’hémorragie cérébrale dont il a souffert en décembre 2019 et par la mort de sa mère dans ses bras des suites de la maladie d’Alzheimer.

Vers la fin de la rencontre, le cinéaste a avoué qu’il aimait travailler avec des enfants parce que leurs réactions sont spontanées et qu’il compte tourner un film prochainement avec eux.

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