Selon l'Onu, un millier de Soudanais sont menacés de famine, à cause du conflit dand le plus jeune Etat
du monde.
(Photo: Reuters)
Quatre mois depuis le début du conflit dans la plus jeune nation du monde, le Soudan du Sud semble s’enfoncer davantage dans la crise. Aucune amorce de sortie de crise ne se dessine et la situation devient de plus en plus compliquée. Les troupes gouvernementales qui combattent les rebelles depuis des mois n’ont pas pu trancher l’affaire en leur faveur. Elles enchaînent les défaites face aux assauts répétés des rebelles qui affirment avoir conquis des positions stratégiques. Samedi dernier, les forces du président Salva Kiir ont annoncé avoir « perdu le contact » avec ses troupes qui combattent les rebelles dans un Etat pétrolifère stratégique du nord.
Lorsque le conflit avait éclaté le 15 décembre dernier à Juba, il s’agissait d’un différend politique entre Machar et Kiir. Mais il a pris un tour ethnique et s’est étendu dans tout ce pays très pauvre, dont l’une des rares richesses est le pétrole. Une escalade qui s’est traduite par des niveaux consternants de cruauté contre les civils. Bilan : des milliers de morts, près d’un million de déplacés, et un million d’autres personnes sont menacées de famine, prévient l’Onu, tandis que les experts craignent une régionalisation du conflit.
Selon le Centre de réflexion International Crisis Group (ICG), les négociations ont bien été engagées en Ethiopie mais elles sont dans l’impasse. « Soutenir le gouvernement de Juba et redorer sa légitimité avec une dose de dialogue politique et une once de partage du pouvoir ne mettront pas fin au conflit », estimait récemment l’ICG. Selon ce centre, les forces de maintien de la paix largement dépassées en puissance de feu ne font pas le poids face à des milliers de soldats et miliciens lourdement armés.
En effet, et après avoir pris Bentiu, la capitale, les rebelles (partisans de l’ancien vice-président Riek Machar) auraient réussi cette semaine à mettre la main sur des positions stratégiques, notamment des champs pétroliers. Désemparé, le gouvernement pointe un doigt accusateur vers des groupes venus du Soudan qu’il accuse de participer aux combats. Riek Machar, à la tête des rebelles, avait pourtant annoncé sa nette intention de mettre la main sur les champs pétroliers. Et il est en passe d’accomplir sa mission. L’offensive actuelle de ses hommes, forts de leur victoire à Bentiu, semble payer avec la conquête du « conté de Leer, des champs pétroliers de Mirmir, de Tharjiath et même la ville de Mayom, l’unique voie pour rejoindre Bentiu par l’ouest. Une série de défaites embarrassantes pour le pouvoir qui tire 95 % de ses revenus de la manne pétrolière », relève le site RFI. Il indique aussi que le porte-parole de l’armée loyaliste, le colonel Philip Aguer, soutient que les troupes gouvernementales sont toujours en périphérie de Bentiu, prêtes à reprendre la ville. M. Aguer est allé plus loin, accusant des groupes armés soudanais d’appuyer les rebelles. « L’attaque rebelle a été soutenue par des Janjawids. Une milice arabe du gouvernement soudanais connue notoirement pour avoir commis des atrocités au Darfour. Ils étaient aidés par un autre groupe arabe de la tribu Misséria, appelée Al-Shahama, qui est armée par Khartoum », confie le colonel Aguer qui n’a pas accusé directement l’Etat soudanais. « Je ne peux pas dire si le Soudan soutient directement les rebelles. Cette question nécessite de nouvelles investigations et analyses », indique le colonel.
L’Onu préoccupée
Par ailleurs, la perte de positions stratégiques n’est pas la seule crise à laquelle est affronté le gouvernement du président Kiir. Vendredi dernier, le Conseil de sécurité de l’Onu a exigé du gouvernement sud-soudanais des mesures immédiates pour assurer la sécurité de tous les civils et de toutes les bases de l’Onu qui abritent des civils. Une demande qui survient à la suite d’une attaque meurtrière jeudi dernier contre une des bases de l’Onu à Bor (200 km au nord de Juba), ville de l’est sous contrôle gouvernemental et où sont réfugiés des milliers de civils. Un groupe d’environ 350 jeunes hommes armés en civil avait attaqué la base, dévastée par les combats après avoir changé plusieurs fois de mains. Cette attaque a causé la mort de 58 civils. La base abrite environ 5 000 civils, réfugiés, pour fuir les violences ethniques caractérisant le conflit. Dans une déclaration adoptée à l’unanimité, les 15 pays membres du Conseil « condamnent dans les termes les plus forts cette attaque perpétrée à Bor, ainsi que celles menées précédemment le 14 avril à Bentiu et dans l’Etat d’Unité, et soulignent que s’en prendre aux civils et aux Casques Bleus peut constituer un crime de guerre ». Le Conseil demande aussi aux autorités de Juba « d’enquêter rapidement sur ces incidents et de poursuivre en justice les auteurs ». Il demande aux belligérants « de permettre à la Mission de l’Onu au Soudan du Sud de remplir pleinement son mandat » de protection des civils, et de s’abstenir « de toutes actions ou déclarations susceptibles de faire monter la tension » .
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