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Dominique Baudis : le dernier défenseur des Arabes s’en va

Lundi, 21 avril 2014

Le Français Dominique Baudis, ex-président de l'Institut du Monde Arabe (IMA) à Paris et auteur de nombreux romans sur l'histoire arabe, s'est éteint la semaine dernière. En ami proche, le journaliste et écrivain Ahmed Youssef lui rend hommage.

Dominique Baudis
Dominique Baudis

Si la france a été grièvement affligée par le décès d’un homme d’Etat hors pair, qui est Dominique Baudis, l’affliction ressentie par l’Egypte et le monde arabe est non moindre. L’homme qui s’est éteint à l’âge de 66 ans, aux premières lueurs du jour de vendredi 11 avril à l’hôpital militaire du Val-de-Grâce à Paris, était incontestablement un amoureux de l’Egypte, à un degré frôlant le sens pathologique du terme. Bien plus, il était l’un des militants et ardents défenseurs des causes des Arabes et de leur image en France comme en Occident. Il était donc tout à fait normal que le président Nicolas Sarkozy le nomme à la tête du prestigieux Institut du Monde Arabe (IMA, à Paris).

Le président socialiste français, François Hollande, ainsi que les hommes d’Etat français, toutes tendances confondues, lui ont rendu hommage, ce qui n’est pas de coutume en France. Il va donc sans dire que Baudis, connu pour ses appartenances au centre-droit, fait l’objet du respect et de l’estime de tous les acteurs de la scène politique française sur tous les échelons. En ce qui nous concerne, la valeur de Baudis va au-delà d’un simple hommage rendu à un homme d’Etat. Baudis était renommé pour être « le dernier défenseur des Arabes » non pour des fins politiques ou opportunistes, mais partant d’une conviction bien ancrée d’un homme natif du sud de la France, c’est-à-dire au carrefour de la civilisation andalouse et de la civilisation française en connexion avec la civilisation arabo-islamique. A ses yeux, la connexion de la France avec la civilisation arabo-musulmane est gérée par des facteurs géographiques et historiques.

Il considérait que les intérêts de son pays avec les épicentres politiques arabes à l’est comme à l’ouest étaient la dernière ligne de défense de la France en tant que force politique et économique et centre de rayonnement culturel. Son mariage avec Isabelle Baudis, d’origine algérienne et musulmane, est la preuve de sa fusion avec la civilisation arabo-musulmane, qui s’est manifestée dans ses livres, dont le dernier en date est intitulé Les Amoureux de Gibraltar, narrant l’itinéraire du conquérant arabe Tarek Ibn Ziyad. A tel point que d’aucuns se sont demandés si les origines de Baudis étaient arabo-musulmanes et qu’il y avait un lien de parenté avec le progressiste islamique algérien Malek Ibn Badis.

Une passion particulière

Il n’est pas facile de parler de l’homme qui a commencé sa carrière comme correspondant de presse, couvrant la guerre civile au Liban, pour finir au poste de président de l’Organisme national français pour la défense des droits de l’homme, en France comme dans le monde entier. Il a également été un homme politique, député, membre du Parlement européen avant d’être nommé par Jacques Chirac président du Conseil supérieur de l’audiovisuel, organisant la radio et la télévision françaises. Cependant, il avait une passion particulière pour l’écriture et les lettres. Il a porté un intérêt spécial à l’histoire du conflit confessionnel entre les catholiques et les protestants et a écrit une série de romans sur cette période. Il s’est par la suite orienté vers l’ère de Mohamad Ali en Egypte, accordant un intérêt particulier à l’impact scientifique et civilisationnel de l’Expédition française en Egypte, mis en relief dans son célèbre roman Il faut tuer Chateaubriand. Il a également rédigé de nombreux livres politiques, dont les plus célèbres sont La Guerre civile au Liban, et un autre sur les factions chrétiennes en Orient.

Sa présidence de l’IMA, qui a duré 4 ans, a été l’un des aspects éminents de sa vie qui a fait sa renommée auprès de notre monde arabe. Il a organisé plusieurs expositions, et celle qui a été le dividende commun ayant réuni les Arabes, à l’Est comme à l’Ouest, et les Européens fut celle portant sur la Diva de l’Orient, Oum Kolsoum. Le ministre égyptien de la Culture de l’époque, Farouk Hosni, qui entretenait des liens d’amitié avec lui, a accepté de lui prêter les robes que la Diva a portées au cours de ses concerts à l’Olympia de Paris. Ce qui a été à l’origine du succès de l’exposition.

L’homme a été connu pour ses relations étroites avec les écrivains et intellectuels égyptiens, surtout Mohamed Salmawy et Youssef Chahine. Baudis m’a raconté que le feu Youssef Chahine lui avait légué un enregistrement rare des funérailles d’Oum Kolsoum. Alors que son épouse, Isabelle Baudis, possédait une collection rare des photos de l’Astre du Moyen-Orient, qui ont fait partie d’un catalogue ayant récemment vu le jour et qui, selon Mme Baudis, ne comportait que 10% de la collection qu’elle préservait.

Si son dernier livre a pour sujet Tarek Ibn Ziyad, ses derniers écrits sont la préface d’un livre sur la vie du prophète Mohamad, publié il y a un siècle par le ministère français de la Défense en hommage aux musulmans du Maghreb. Il y tenait. Puis il a rendu l’âme.

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