L'extrême droite française en a appelé à l'opinion jeudi, au lendemain des réquisitions contre sa cheffe de file Marine Le Pen, accusée d'avoir orchestré le détournement de la dotation de ses élus au Parlement européen pour financer son parti.
Triple candidate à la présidentielle en France (2012, 2017 et 2022), la dirigeante du Rassemblement national, jugée depuis le 30 septembre avec son parti et 24 autres prévenus, est menacée, si le tribunal suit le réquisitoire, de ne pas pouvoir se présenter aux prochaines élections.
L'accusation a requis mercredi cinq ans de prison, dont deux ans ferme aménageables, 300.000 euros d'amende et cinq ans d'inéligibilité contre Marine Le Pen, la jugeant au "centre" d'un "système organisé" visant à faire du Parlement européen la "vache à lait" du RN.
"Je suis ébahi et indigné", a réagi sur Franceinfo Bruno Gollnisch, 74 ans, ex-numéro 2 du Front national, devenu le Rassemblement national.
"Si en Russie, en Amérique latine ou en Afrique, on apprenait demain que le principal leader de l'opposition, en l'occurence Marine Le Pen qui a été deux fois en finale à l'élection présidentielle faisait l'objet de pareille procédure, ce serait une protestation universelle", a-t-il lancé.
Comme Marine Le Pen et d'autres anciens eurodéputés frontistes, Bruno Gollnisch est accusé d'avoir conclu employé et rémunéré des assistants parlementaires qui avaient un contrat de travail mais travaillaient en fait pour le parti entre 2004 et 2016.
"Tout ce que nous avons fait était conforme à ce qui se pratiquait dans toutes les formations politiques du Parlement européen", a-t-il assuré.
Le Parlement européen a évalué son préjudice financier à 4,5 millions d'euros, mais n'en réclame que 3,4 (une partie ayant été remboursée).
Si le tribunal suit le parquet, la peine d'inégibilité, assortie d'une exécution provisoire, serait applicable dès la condamnation, y compris en cas d'appel.
Le procès est prévu jusqu'au 27 novembre, la parole passe lundi à la défense mais le tribunal ne rendra pas sa décision avant plusieurs mois.
A deux ans et demi de l'élection présidentielle normalement prévue en 2027, le parquet manifeste "une volonté de priver les Français de la capacité de voter pour qui ils souhaitent", s'est insurgé Mme Le Pen mercredi soir au sortir des réquisitions.
"C'est une atteinte à la démocratie", a dénoncé Jordan Bardella auquel elle a cédé la présidence du parti.
Comme lui, beaucoup d'élus RN ont immédiatement publié des photos d'eux avec Marine Le Pen sur le réseau social X sous le hashtag #JeSoutiensMarine.
"Candidat de rechange"
Confortée par l'ascension constante du RN ces dernières années, y compris après la dissolution de l'Assemblée nationale qui a suivi les européennes en juin, Marine Le Pen vise désormais 2027.
Le vice-président du RN Sébastien Chenu a dénoncé jeudi "un parquet au service d'une mission politique".
"Dans quel pays vivrions nous dans lequel on empêcherait à la principale femme politique, la femme politique la plus populaire dans les sondages, Marine Le Pen, (...) de pouvoir se présenter", a-t-il critiqué sur RMC-BFMTV.
Hors du champ de l'extrême droite, l'ex-ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin s'est singularisé en jugeant que "combattre Madame Le Pen se fait dans les urnes, pas ailleurs".
"La démocratie, c'est aussi le respect de la justice", a estimé au contraire jeudi l'élu de droite et président de région Xavier Bertrand (LR).
Il a rappelé qu'en 2004, au moment du procès d'Alain Juppé dans le dossier des emplois fictifs du RPR, ce cadre de la droite française pressenti pour être candidat à la présidentielle avait été condamné à une peine d'inéligibilité et Marine Le Pen avait estimé alors qu'"il y en a marre de ces élus qui détournent de l'argent".
"Qu'on arrête avec le déni de démocratie", de faire comme si le Rassemblement national (RN) "ne serait pas capable de présenter un candidat: ils ont un candidat de rechange, il s'appelle Bardella, il n'attend que cela", a-t-il déclaré sur RTL.
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