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L’art de la rue re-censuré

Doaa Elhami, Mardi, 15 avril 2014

L’attaque de la police contre le festival Al-Fan Midan à Alexandrie, le 5 avril, suscite une vague de colère dans les milieux culturels. Une mesure qui confirme, au-delà de la politique, que les arts et la liberté d’expression sont menacés.

L’attaque policière d’une manifestation artistique, tenue par Al-Fan Midan, dans un jardin public à Alexandrie, près du théâtre de Baïram Al-Tonsi, a été vécue comme un choc. Il y a eu aussi l’arrestation de toute l’équipe organisatrice accompagnée de quelques spectateurs. « Lorsque le policier est venu, il nous a arrêtés sans demander de voir notre autorisation », explique Rim Al-Tayeb, organisatrice de la célébration du 3e anniversaire d’Al-Fan Midan, manifestation culturelle née avec la révolution du 25 janvier 2011 visant à diffuser les arts dans les différentes places d’Egypte. Et d’ajouter: « Il nous a dit : votre problème est que le titre de votre cérémonie comprend le mot Midan (place), et cela sans oublier les délicates conjonctures dont souffre le pays. Il vaut mieux alors éviter les rassemblements publics et les réunions ».

Des arguments rejetés par les artistes indépendants et les fondateurs d’Al-Fan Midan. Mohamad Khaled, responsable de la communication à la fondation Al-Mawred Al-Saqafi (la ressource culturelle), qui fait partie des groupes organisateurs d’Al-Fan Midan, s’indigne: « Comment le mot Midan est-il maintenant refusé par la sécurité, bien qu’il soit le symbole du déclenchement de la révolution? En plus, le ministre de la Culture a proposé de lancer certains événements culturels qui le portent, comme par exemple Al-Masrah Midan ou Al-Ghona Midan». Pour lui, c’est un prétexte inventé par la sécurité, afin d’annuler cet événement culturel qui attire un nombre considérable de personnes. Parfois il dépasse les 1000 personnes.

Si cette attaque policière est la plus flagrante pour le festival mensuel Al-Fan Midan (le 1er samedi du mois), il affronte aussi diverses difficultés presque tous les mois. La question des autorisations qu’il faut obtenir de la sécurité représente une entrave fréquente. A Alexandrie, « après avoir pu communiquer avec les responsables, et après avoir obtenu les documents nécessaires, je n’ai pas réussi à obtenir les autorisations. Et ce, malgré la promesse du ministère qu’Al-Fan Midan sera tenu à la date prévue », explique Rim Al-Tayeb.

Tous bénévoles

Outre les autorisations, le carnaval Al-Fan Midan endure des difficultés financières. Tous les acteurs, peintres, chanteurs et même les troupes de théâtre sont bénévoles. Par contre, l’organisation mensuelle de ces festivals exige un certain budget. « L’ex-ministre de la Culture, Emad Abou-Ghazi, nous a donné 30000 L.E. Mais les organisateurs cherchent quand même des sponsors pour donner de l’assiduité à l’événement », reprend Khaled. Pour lui, l’une des missions du ministère de la Culture est d’encourager et de financer toutes les activités culturelles, notamment les indépendantes, dont Al-Fan Midan. Les participants ont alors besoin de se déplacer et de se loger. Plusieurs troupes théâtrales vivent en Haute-Egypte par exemple, et cherchent à présenter leurs spectacles à Alexandrie. Pour ce faire, il faut un budget, afin de couvrir les financements. Alors l’attaque policière d’Alexandrie ne vient pas faciliter les choses, loin de là.

Safaa Youssef, l’une des organisatrices d’Al-Fan Midan à Alexandrie, estime que ce festival a été attaqué à cause des sujets artistiques qui protègent les principes de la révolution du 25 janvier 2011, puisque Al-Fan Midan en est issu. Avis partagé par Mohamad Khaled, qui met l’accent sur la libre pensée et la vision critique des sujets artistiques présentés sans la moindre censure. L’unique critère est de présenter un art distingué et talentueux. Pour lui, ce festival culturel vise à développer la conscience des citoyens et les inviter à penser, afin de prendre des décisions justes dans leur vie privée ou professionnelle.

En réaction à cette attaque, les organisateurs ont publié une pétition dans laquelle ils revendiquent la protection des festivals d’Al-Fan Midan. Ils réclament aussi une autorisation annuelle, pour tous les gouvernorats du pays sans exception. Enfin, estiment-ils, le ministère de la Culture doit financer ces festivités, tout en veillant à protéger l’autonomie des organisateurs et des participants.

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