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Quelle politique africaine pour Donald Trump ?

Ola Hamdi , Mercredi, 13 novembre 2024

En dépit des positions conservatrices à l’égard du continent africain qu’il a exprimées au cours de son premier mandat, Trump cherchera sans doute à protéger les intérêts américains en Afrique pour contrer l’influence croissante de la Chine et de la Russie.

Quelle politique africaine pour Donald Trump ?

La victoire de Donald Trump suscite des interrogations sur l’orientation future des relations américano-africaines. Et comment la nouvelle Administration américaine gérera-t-elle les conflits et les tensions du continent ? Trump pourra-t-il redorer le blason terni des Etats-Unis, éclipsé par la montée en puissance de la Chine et de la Russie ? « L’élection de Trump s’est déroulée dans des circonstances régionales et internationales différentes de celles de son premier mandat », explique l’ambassadeur Salah Halima, vice-président du Conseil égyptien pour les affaires africaines. « Il est encore tôt pour juger la politique étrangère de Trump envers l’Afrique puisqu’il n’a pas encore formé son équipe », affirme Ashraf Singer, expert en politique internationale résidant aux Etats-Unis. Et d’ajouter : « Le président américain n’est pas le seul acteur de la politique étrangère américaine. Il y a le Congrès avec ses deux chambres, la Chambre des représentants et le Sénat. Il ne sera donc pas seul à décider des questions de politique étrangère. En outre, les républicains au Congrès et au Sénat ne sont pas tous des Trumpistes ».

Une relation aux multiples facettes

En fait, les interactions entre les Etats- Unis et le continent africain sont complexes et s’articulent autour de multiples enjeux : relations économiques, programmes d’aide américaine, sécurité, immigration ou encore climat. Les relations commerciales ont connu une croissance sous l’Administration Biden et les investissements américains sur le continent ont dépassé la barre des 22 milliards de dollars, comme en témoignent d’importants projets stratégiques, tels que le corridor ferroviaire de Lobito, qui traverse trois pays africains : l’Angola, la République démocratique du Congo et la Zambie. Les craintes grandissent quant à la possibilité d’un déclin de ces investissements dans le contexte des tendances protectionnistes bien connues de Trump sous le slogan « Les Etats- Unis d’abord ». Le sort de l’African Growth and Opportunity Act (AGOA) (loi sur la croissance et les opportunités en Afrique), qui représente depuis 2000 un élément vital pour les exportations africaines vers le marché américain, est inconnu, surtout que Trump a déclaré, lors de son premier mandat, qu’il n’avait pas l’intention de renouveler cette loi lorsqu’elle expirerait en 2025. De même, il a promis d’imposer un droit de douane unifié de 10 % sur toutes les marchandises importées. « Si Trump tente de supprimer cette loi ou de resserrer les relations commerciales avec le continent, il rencontrera une opposition au Congrès, qui sait très bien que quitter l’Afrique ne servira pas les intérêts des Etats- Unis », explique Halima.

Réduire l’aide

Concernant l’aide américaine, au cours de son premier mandat, Trump a tenté à plusieurs reprises de réduire l’aide étrangère au niveau mondial, mais le Congrès a repoussé ces tentatives. Il convient de noter que l’aide annuelle américaine à l’Afrique s’élève à environ 3,7 milliards de dollars. Les Etats-Unis sont considérés comme le pays qui fournit le plus d’aide à l’Afrique. « De telles réductions auront des répercussions économiques et sociales difficiles sur le continent en général et sur les pays les plus pauvres en particulier dans des domaines importants tels que la sécurité alimentaire et les soins de santé », souligne Jehan Abdel- Salam, professeure d’économie à l’Université des études africaines. « Concernant la question du climat, Trump a indiqué qu’il ne se souciait pas beaucoup de cette question. Il a appelé à un retour à l’utilisation du charbon et du pétrole dans le cadre de ses efforts pour rendre les Etats-Unis grands encore une fois. Le déclin du soutien américain aux initiatives climatiques et le retrait des politiques vertes pourraient saper les objectifs climatiques mondiaux et aggraver la dégradation de l’environnement dans les zones vulnérables », souligne Abdel-Salam.

Contrer l’influence chinoise et russe

La Chine est en tête de liste des partenaires commerciaux de l’Afrique, aux dépens de Washington, depuis 2009. Les échanges commerciaux de Pékin avec le continent se sont élevés à 282,1 milliards de dollars en 2023, contre 80 milliards de dollars pour les Etats-Unis. « Contenir le rôle croissant de la Russie et de la Chine pourrait être l’une des raisons qui pousseraient Trump à considérer l’Afrique sous une nouvelle perspective pour ne pas laisser le champ libre à ses concurrents », explique Halima. Quant au domaine de la sécurité en Afrique, il a connu des transformations majeures pendant l’absence de Trump. La Russie a saisi l’opportunité pour renforcer sa présence sur le continent, en apportant un soutien militaire et sécuritaire à des pays comme le Mali, le Niger et le Burkina Faso, confrontés à des défis terroristes.

La question du traitement des migrants africains par Trump suscite une vive inquiétude au sein des pays africains, en raison de la politique discriminatoire à laquelle les migrants ont été confrontés. Les chiffres révèlent une augmentation significative du nombre de migrants africains à la frontière entre les Etats-Unis et le Mexique, passant de 13 000 migrants en 2022 à 58 000 en 2023. Le Bureau de recensement des Etats-Unis prédit que la population totale d’Africains nés d’immigrants illégaux doublera d’ici 2060, pour atteindre 9,5 millions d’individus. Trump a promis, lors de sa campagne électorale, d’expulser un million de personnes qui ne détiennent pas de documents de résidence légaux. « La concurrence américano-chinoise complique considérablement le retrait américain du continent africain », conclut Halima.

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