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Zoom sur le sacré, cadrage sur le profane

Dina Kabil, Mardi, 15 avril 2014

Le film Noé a récemment rouvert le débat sur la représentation des prophètes au cinéma. Avec Des prophètes dans le cinéma mondial, Sameh Fathi apporte un nouvel éclairage sur les rapports entre sacré et grand écran.

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Passionné de cinéma, Sameh Fathi signe son second livre sur le 7e art : Anbiya fil cinéma al-alamiya. Après un ouvrage illustré où il sélectionnait les affiches des films égyptiens, il se lance ici dans l’analyse et la recherche, sans toutefois négliger sa passion pour les affiches des films traités.

Pourtant, Fathi n’est pas un critique. C’est un chercheur, fan de cinéma, qui se penche sur 13 films relatant l’histoire des prophètes. Il y fait sa propre lecture du synopsis et compare la trame du film avec les données des textes, que ce soit la Bible ou le Coran.

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« Il faut noter l’effort de l’auteur dans sa sélection des photos de chaque film, souligne le critique Youssef Chérif Rizqallah, dans sa préface du livre. Cet effort a souvent exigé des correspondances avec des institutions étrangères, afin d’acheter des photos rares des films ».

Fathi a publié son livre à compte d’auteur, afin de garantir une impression luxueuse qui fasse ressortir la beauté des photographies et des affiches, plus proches des peintures à l’huile que du marketing.

Son objectif est de rendre au cinéma « religieux » ses titres de noblesse. Il voulait, à travers la panoplie de films classiques traités dans son ouvrage, montrer à l’Etat qu’il existe de nombreux longs métrages de qualité qui traitent l’itinéraire des prophètes tels qu’ils figurent dans les textes sacrés. « Il est temps que les prophètes se montrent à l’écran de nouveau, afin de présenter leur rôle religieux et missionnaire d’une manière cinématographique vivante », avance l’auteur.

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Mais dans cette veine, le rôle du cinéma n’est pas limité au côté missionnaire : il doit s’ouvrir à partir d’un texte parfois dogmatique sur une multitude d’interrogations. Reste à Sameh Fathi, le passionné cinéphile, la vertu de présenter des oeuvres phare des années 1920 aux années 1960.

Il passe en revue des films comme The King of the Kings (1927), ou Salomé (1953), The Robe (1953), Les Dix commandements (1956), Ben Hur (1959) ou Barabbas (1961). Demeure surtout le défi de soulever encore une fois la question du droit du public à connaître l’histoire en chair et en os. L’image de Jésus à l’écran a toujours été sujette à la division entre ceux qui refusent son incarnation à travers un comédien (comme dans Gladiators, Quovadis ou Ben Hur), et ceux qui optent pour sa représentation comme King of the Kings.

En partant du film The Robe (la tunique) d’Henry Koster, sorti en 1958, l’auteur retrace son contexte historique (le premier film en cinémascope, 3 Oscars et une production à plus de 4 millions de dollars), reprend la trame du film, puis compare des séquences du film et des passages de l’Ancien et du Nouveau Testament, ainsi que du Coran.

Le film relate l’histoire de Marcellus, un tribun militaire romain. Envoyé à Jérusalem, il dirige l’unité qui met à exécution la crucifixion de Jésus. Après la mise à mort, il gagne aux dés la tunique que portait Jésus. Il est alors en proie à des cauchemars qui le mènent au bord de la folie et vont l’amener à se poser des questions sur l’homme qu’il a fait mettre à mort.

L’auteur reprend cette séquence de jeu de dés et compare la crucifixion avec le texte coranique. Il voulait, au-delà de la vision esthétique du film et de ses techniques, lui donner plus de légitimité ou, du moins, rouvrir une fois de plus un débat jamais clos.

Anbiya fil cinéma al-alamiya (prophètes dans le cinéma mondial) de Sameh Fathi, à compte d’auteur, 2014.

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