Depuis la bande de Gaza assiégée, des peintres palestiniens ont réussi à faire parvenir leurs oeuvres jusqu'à la capitale jordanienne Amman pour raconter dans une exposition la guerre dévastatrice qui sévit dans le territoire palestinien depuis plus d'un an, lundi 11 novembre.
Pendant six mois, des passeurs anonymes ont transporté les tableaux par petits lots, traversant le poste-frontière de Rafah avec l'Egypte - fermé en mai dernier après qu'Israël en a pris le contrôle - jusqu'en Jordanie, où ils sont désormais exposés jusqu'à la fin de l'année à la galerie Darat al Funun.
Mohammad Shaqdih, directeur adjoint de la galerie, explique que chaque oeuvre de l'exposition intitulée "Sous le feu", "raconte la guerre au quotidien et les jours difficiles vécus par ces artistes déplacés par la guerre".
Les tableaux sont signés par quatre artistes palestiniens: Basel al-Maqousi, Majed Chala, Raed Issa et Souhail Salem, dont les oeuvres étaient déjà familières aux visiteurs de Darat al Funun.
Si leurs oeuvres ont pu quitter Gaza, eux sont toujours coincés dans l'étroite bande de terre assiégée par Israël, où la guerre a fait plus de 43.500 morts, majoritairement des civils, selon le ministère de la Santé à Gaza, et provoqué un désastre humanitaire.
Pour faire parvenir leurs messages, ils ont écrit des lettres accrochées à leurs créations.
L'amour en temps de guerre
Basel al-Maqousi décrit ainsi ses tableaux, à l'instar de celui représentant une enfant amputée, comme "des morceaux de nos corps éparpillés avec les éclats des bombes".
"Ce sont nos cris, nos souffrances (...) les sourires de nos enfants disparus avec leurs écoles. C'est l'amour en temps de guerre, la peur de la mort, de la perte de proches et de l'inconnu", écrit-il.
Dans un message accompagnant le dessin d'un homme serrant sa femme dans ses bras au milieu des destructions, Majed Chala décrit "des scènes qui rappellent ce que nos parents nous ont raconté sur la Nakba de 1948", le départ forcé des Palestiniens de leurs terres lors de la création de l'Etat d'Israël.
"Mais ce qui se passe aujourd'hui est dix fois plus grave", ajoute cet artiste qui raconte avoir été déplacé du nord de la bande de Gaza vers le sud, après avoir perdu sa maison, son atelier et ses oeuvres vieilles de 30 ans.
Langage universel
"Ces simples pages (...) témoignent de moments poignants de la guerre à Gaza", écrit de son côté Souhail Salem, dont les oeuvres ont été dessinées aux stylos à bille sur des cahiers.
L'exposition réunit 79 oeuvres réalisées avec des matériaux de fortune comme des emballages de médicaments ou des pigments naturels tels que l'hibiscus, la grenade ou le thé.
Elles représentent des personnes sous les bombardements, des déplacés sur des charrettes tirées par des ânes, des tentes, des visages fatigués, des enfants émaciés, ou des hommes menottés et entourés de véhicules militaires.
"Le langage de l'art est universel. Nous essayons, à travers ces peintures, de faire parvenir au monde notre voix, nos cris, nos pleurs et nos cauchemars", confie depuis Gaza Bassel al-Maqousi, 53 ans, joint par l'AFP.
Parmi les visiteurs de l'exposition, Victoria Dabdoub, 37 ans, architecte, semble émue. "Il est important que de telles oeuvres soient exposées partout dans le monde afin que les gens puissent ressentir la souffrance (...) de la population de Gaza", estime-t-elle.
A proximité, sur la lettre envoyée par l'artiste Raed Issa et accrochée à un mur, on peut lire: "les bombardements et la terreur ne s'arrêtent ni de nuit ni de jour! Gaza est triste et attend une aide divine".
Article modifiée par Ahraminfo
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