(Photo : Mohamed Hassanein)
En haut des deux rues principales du Caire fatimide, Al-Darb Al-Ahmar et Abou-Hereiba, se dresse l’une des plus belles mosquées oubliée du Caire : celle de Qagmas Al-Ishaqi. Elle est reliée à son sabil et son couteau par une allée voûtée passant en dessus de la rue, lui donnant un aspect bien spécifique.
Mais cette beauté architecturale vient d’être violée par la construction d’un nouveau bâtiment de cinq étages qui s’élèvent jusqu’au minaret de la mosquée. Nombre d’autres violations ceinturent cette mosquée. « Il y a trois ans, juste après la révolution, l’empiétement des constructions autour de la mosquée est devenu une véritable menace pour le bâtiment », explique Omniya Abdel-Bar, architecte et membre de la fondation « Sauvez Le Caire ».
D’anciens bâtiments datant de plus de 300 ans ont été démolis pour laisser la place à des constructions modernes qui anéantissent l’aspect authentique du quartier. « On avait demandé au gouverneur du Caire de faire cesser toute violation. Mais le problème, au lieu d’être pris en compte, s’est aggravé. L’absence de coordination entre le ministère des Antiquités et celui des Waqfs fait que les choses vont de mal en pis », regrette Omniya Abdel-Bar.
Corruption
Les responsables du quartier ne cessent de délivrer des permis de construire à tout-va sans prendre en considération les spécificités du Caire historique. D’après les habitants, c’est avant tout une question de corruption. Ils dénoncent les atteintes à leur quartier et la gestion qui en est faite. « On n’a aucune confiance dans les responsables. Il faut sauver notre quartier car lorsque le tourisme reviendra, il sera à nouveau fréquenté... sauf si on détruit tous les monuments historiques ! », s’indigne Moustapha, un habitant du quartier.
Mais les habitants aussi contribuent à la dégradation du quartier. Contre un des murs du sabil, un marchand expose sa marchandise. Si certains se plaignent de la dégradation que cet étal entraîne, les responsables, au contraire, banalisent les choses. « C’est un pauvre marchand d’oeufs qui ne menace pas le monument », se défend Emad Osman, inspecteur des antiquités du quartier.
Mais ce marchand est loin d’être le seul: des dizaines de boutiques et d’étals encerclent la mosquée, le sabil et le kottab.
Ces deux derniers sont aussi menacés d’effondrement. Régulièrement, des camions trop hauts viennent cogner contre le pont les reliant à la mosquée. Selon l’architecte Abdel-Bar, « cette partie du pont peut s’effondrer à n’importe quel moment ».
Hormis la voûte du pont, des infiltrations d’eau souterraine fragilisent les fondations. Récemment, deux incendies ont frappé le quartier derrière la mosquée. « La cause de ces incendies reste inexplicable », s’étonne Moustapha, qui habite à côté.
« Il faut nettoyer les alentours des monuments historiques et essayer de les sauver », dit Amr Abdel-Kérim, membre d’une ONG travaillant en collaboration avec le ministère des Antiquités.
Al-Darb Al-Ahmar
De nombreux contes se rattachent à cette rue qui renferme plus de 65 monuments islamiques majoritairement mamelouks. Les habitants croient que le nom de la rue Al-Darb Al-Ahmar (la ruelle rouge) provient du massacre de la Citadelle en 1811. Mohamad Ali, voulant se débarrasser des Mamelouks, les avait conviés à un grand déjeuner à la Citadelle avant de tous les tuer. Le sang qui a coulé dans cette rue lui a donné le nom de Dam Al-Ahmar (le sang rouge) puis d'Al-Darb Al-Ahmar (la ruelle rouge).
Bab Zoweila (1092)
Bawabet Al-Metwalli, plus connue sous le nom de Bab Zoweila, est une porte médiévale du Caire fatimide. Elle marque la fin de la rue Al-Moezz et le début de la rue Al-Darb Al-Ahmar. Zoweila est le nom d’une tribu de guerriers berbères venant du Désert occidental et qui gardait la porte pendant la période fatimide (973-1171). Le nom de la porte a ensuite changé en Al-Metwalli au cours de la période ottomane. Certains habitants croient jusqu’à nos jours que son « âme » est capable de les protéger. « On vient devant la porte pour tout demander, on envoie aussi nos enfants lancer leur dent de lait pour qu’elle soit remplacée par une autre », témoigne un habitant de la rue.
Qagmas Al-Ishaqi, mosquée de l’époque mamelouke
La mosquée Qagmas Al-Ishaqi, construite vers 1479-1481, fut également connue sous le nom d’Abou-Héreiba, en raison du cheikh Abou-Héreiba, qui y vécut, et est enterré dans une tombe non loin de la mosquée. Cette mosquée est considérée comme l’une des plus importantes construites à l’époque des Mamelouks circassiens en général et sous le sultan Qaïtbay en particulier, vu l’architecture particulière du dôme et du minaret, des caractéristiques ornementales des portes ainsi que du minbar. « C’est une mosquée suspendue », dit Moustapha Abdel-Hadi, locataire d’un petit magasin tout près du sabil et du kottab et dont l’architecture est la même que celle de la mosquée. C’est cette mosquée que l’on retrouve sur les billets de 50 L.E.
Première mesure de destruction
Pour la première fois, le Conseil des ministres a approuvé la destruction immédiate d’un immeuble résidentiel construit illégalement dans la zone archéologique de la mosquée historique Abdi Beq, dans le Vieux-Caire. Le gouvernorat a pris toutes les mesures visant la mise en oeuvre de la destruction pour éliminer tout empiétement menaçant la mosquée. Une décision saluée par les archéologues ainsi que par tous les amoureux du Caire fatimide.
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