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Les merveilles de l’art contemporain et de l’Egypte Antique

Névine Lameï , Névine Lameï , Mercredi, 06 novembre 2024

Douze artistes participent à l’exposition internationale Forever is Now 4. Ils proposent des oeuvres créatives entretenant un dialogue avec les monuments emblématiques de la région des pyramides à Guiza.

Les merveilles de l’art contemporain et de l’Egypte Antique
(Photo : Névine Lameï)

Organisée par la plateforme Culturvator/Art D’Egypte, sous les auspices des ministères égyptiens de la Culture, du Tourisme et des Antiquités, des Affaires étrangères et de l’UNESCO, Forever is Now est un grand événement culturel qui marie l’art visuel au patrimoine. A sa 4e édition, 12 plasticiens venus du monde entier invitent le public visitant les pyramides de Guiza à interagir avec des installations géantes et de nouvelles expériences artistiques où fusionnent le réel et le virtuel pour repousser les frontières de l’art et de la technologie moderne.

« Cette année, Forever is Now appelle à l’interaction entre le public et les oeuvres d’art. Et ce, à travers un jeu de contraste entre le passé et le présent, le naturel et l’industriel, le vieux et le contemporain, simulant à la fois l’histoire, la terre, l’environnement et l’humanité. D’où un voyage contemporain et une aventure sensorielle à la recherche des significations cachées de chaque oeuvre d’art », déclare la fondatrice de la plateforme Culturvator/Art D’Egypte, Nadine Abdel-Ghaffar.

La visite de Forever is Now 4 commence par l’installation de l’artiste coréen Ik-Joong Kang, intitulée Four Temples (les quatre temples). L’immense cadre extérieur de l’installation, aménagée sous forme de quatre temples, révèle les paroles de la chanson Arirang (chanson traditionnelle et folklorique de la musique coréenne). Cette chanson invite le public à décoder ses mots, voire ses signes et symboles écrits en hangul (alphabet coréen), en anglais, en arabe et en hiéroglyphe. Quant à la couche intérieure de l’installation, elle est composée de 5 016 dessins d’enfants réfugiés et victimes de guerre du monde entier. Ces images d’enfants, crayonnés sur de petites plaques en plastique, sont conjointement agencées dans l’harmonie, dans la quiétude. « Mon installation invite le public à interagir de près avec ces dessins d’enfants, à vivre dans leur monde d’innocence et de pureté. Un monde qui dénonce la guerre et les conflits. Mon installation est porteuse d’un message de paix que je communique d’Egypte, notamment de la pyramide de Khéops, l’une des sept merveilles du monde, au monde entier », déclare Ik-Joong Kang. Et d’ajouter : « L’Arirang, cette chanson inscrite en 2012 par l’UNESCO sur la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité, décrit les efforts éprouvés par des voyageurs (ici c’est le récepteur), alors qu’ils tentent de traverser un col (mon installation). Arirang est le nom de l’un de ces passages montagneux, ce qui va de pair avec la grandeur des pyramides de Guiza ».


We Will Meet Again in the Sky de Jake Michael Singer. (Photo : Névine Lameï)

Art, science et technologie

A quelques mètres de l’oeuvre de Kang, l’installation Padma Lotus, de l’Indienne Shilo Shiv Suleman, est un véritable jeu sensoriel qui prend la forme de fleurs de lotus. Dignement dressées face aux pyramides de Guiza, ces gigantesques fleurs aux longues tiges sont créées en plastique et d’autres matériaux. Padma Lotus est une oeuvre d’art qui utilise la science et la technologie pour percer les secrets enfouis dans le sable du désert égyptien depuis des millénaires. Lorsque le visiteur touche les pétales de lotus (équipées de capteurs inductifs de la réflexion cérébrale), ces derniers lui suggèrent l’épanouissement de l’âme. Une fois le pétale touché, le visiteur entend le battement de son coeur. « Le Lotus Mudra, aussi appelé Padma Mudra, est une pratique thérapeutique qui aide à soulager le stress et la fatigue. Elle permet d’ouvrir le centre du coeur, de faciliter la progression d’un yogi sur le chemin du Dharana (sixième pilier du yoga qui consiste à se concentrer absolument sur un point fixe). Cette mudra met à profit des qualités énergétiques comme la compassion, le pardon, l’affection et la bienveillance. D’ailleurs, les dieux hindous sont représentés avec des lotus dans les mains », explique la porte-parole de Shilo Shiv Suleman.

L’Italien Luca Boffi aborde la relation entre l’homme et la machine en utilisant les technologies les plus avancées dans son installation Monochrome RGB, construite sous la forme de trois grilles vitrées, aux couleurs de l’arc-en-ciel. Celle-ci, éphémère et rayonnante, symbolise l’espoir, la promesse et la connexion entre le ciel et la terre, entre l’humain et le divin. « A travers ces grilles, comme dispositif optique, le visiteur est invité à mesurer, à ordonner et à réinventer l’environnement à travers sa propre vision. Mon installation est née de la trigonométrie égyptienne utilisée dans la construction des pyramides. Pour évaluer le volume d’une pyramide ou sa hauteur, les Egyptiens utilisaient l’une des propriétés du rectangle », explique l’artiste.


4 temples, de Ik-Joong Kang. (Photo : Névine Lameï)

The Race (la course), du plasticien égyptien Khaled Zaki, ramène le visiteur aux anciennes batailles des chevaux royaux de l’Egypte Ancienne. Deux chevaux gigantesques, à effet chrome de couleurs argentées, sont disposés au côté d’objets en fer rouillé ou oxydé. L’effet miroité de l’argent reflète le corps du récepteur qui se voit dans le cheval sauvage, se familiarise avec la charrerie et participe à sa course, foulant les ennemis de l’Egypte. L’installation évoque la puissance des Anciens Egyptiens durant la période ramesside.

Khéops, source d’inspiration

Dans Quadrivium, ou l’intelligence divine du soleil, le Britannique Chris Levine s’inspire de la géométrie sacrée et des proportions astronomiques, notamment celles trouvées dans la Grande Pyramide de Khéops (nombre d’or et nombre Pi présents dans les proportions de la pyramide). Son oeuvre offre un espace de contemplation et d’exploration des vérités cosmiques intégrées dans le plateau de Guiza.

La visite continue. Le Français Jean-Marie Appriou s’inspire dans son installation Vessel of Time (le vaisseau du temps) de la barque solaire de Khéops. Un personnage en bronze monte seul sur cette barque façonnée avec l’argile du Nil et qui voyage de l’est (avec le lever du soleil) vers l’ouest (avec le coucher du soleil), et du passé vers l’avenir.

En mêlant l’argile au bronze, Appriou médite sur le passage de la vie à la mort et à la transformation, faisant ainsi écho à la navigation dans l’Egypte Ancienne. « L’argile, synonyme de la terre égyptienne dans mon installation, est une source de vie pour les Egyptiens. Ce craquelle et ces fissures intentionnellement créés sont synonymes du temps qui passe », explique-t-il.


I See, I See, de Frederica Di Carlo. (Photo : Névine Lameï)

Des messages de paix

A quelques mètres d’Appriou est installée l’oeuvre du Libano-Belge Jean Boghassian Desert Waves (les vagues du désert), travaillée en collaboration avec le plasticien/architecte Gilles Libert. L’oeuvre est formée de grandes feuilles d’acier corten brûlées (de couleurs marron) qui s’élèvent à travers un monticule en forme pyramidale labyrinthique. Ces feuilles d’acier donnent l’impression qu’il s’agit de vagues denses qui racontent des histoires passé/présent, dans un rapprochement Orient/Occident. « Mon installation, qui use du feu et de la fumée comme médium, résonne avec les mystères anciens du Plateau de Guiza. Moi, j’opte pour les frappes de couteaux violentes et tranchantes, alors que Gilles Libert favorise les frappes les plus douces. C’est la vie telle que nous la concevons », déclare Jean Boghassian.

« J’ai créé cette installation il y a dix ans à Vancouver, au Canada. Toutes mes installations prennent la forme de la calligraphie arabe. Conçus pour accueillir les invités, les bancs que j’installe sur le sable du désert égyptien sont créés sous forme de lettres de l’alphabet arabes : B H B (en arabe), ou Baheb (j’aime). I Love est le titre de mon installation. Asseyons-nous et discutons », convie la sculptrice Marie Khouri. Née en Egypte, élevée au Liban et installée au Canada, notamment à Vancouver, l’artiste invite son public à s’asseoir sur ses bancs blancs aux formes fluides imprégnées de la calligraphie arabe. Ils sont créés dans un lien subtil entre le concept, la forme, le message sous-jacent, l’art, le design et la fonction, rappelant ainsi la pensée moderniste que l’école de Bauhaus illustre parfaitement. « Le blanc, c’est la couleur de la paix et de la pureté. Mon installation, qui propose un lien inextricable, historique et personnel, unit les communautés et transmet des messages de paix, de connexions et d’unité », explique Khouri.


Exodus de Xavier Mascaro. (Photo : Névine Lameï)

Les mythes des divinités égyptiennes

La balade nous emmène ensuite vers l’installation de l’artiste espagnol Xavier Mascaro, mariant à son tour l’architecture, le design et la sculpture. Son installation monumentale, à la taille démesurée et à l’apparence inachevée, amène le récepteur à s’interroger sur les frontières, entre ce qui est ancien et ce qui est nouveau. D’innombrables petites barques solaires sont créées en fer brut avec des voiles. Ces barques ressemblent à des gardiens alignés qui explorent les mythes et légendes de l’Egypte Ancienne et de son dieu soleil Rê.

La tournée nous amène un peu loin, vers l’installation gigantesque de l’artiste grecque basée à Athènes et à Londres Nassia Inglessis. Son oeuvre intitulée Liquid Solid invite le récepteur à passer par un pont mobile, aménagé entre deux colonnes pyramidales. Ces immenses colonnes usent de la technologie moderne (plastique recyclé, verre de faïence et l’acier à ressort). Ancré dans le sable du désert, le pont cinétique d’Inglessis est une passerelle entre le passé, le présent et le futur. « Je traite du sable du désert et sa membrane poreuse », conçoit Inglessis.

Tout près de la plasticienne grecque, une autre installation colossale de Frederica Di Carlo prend la forme d’un grand oeil. C’est l’oeil de Horus/Râ, composé de milliers de lentilles optiques graduées et muni d’un tout petit trou maculaire au centre de son champ de vision. « I See, I See est connectée à la lumière du soleil, notamment aux heures de son lever et de son coucher. Elle est associée à Râ en tant que seigneur suprême et dieu créateur qui régnait sur le pays des vivants et des morts. Chaque lever de soleil est une victoire remportée par Râ sur les forces des ténèbres. Il est le dieu solaire qui a créé les humains à partir de ses larmes », estime l’artiste.


The Race de Khaled Zaki. (Photo : Névine Lameï)

A travers une représentation de formes aviaires dans un essaim fascinant, Jake Michael Singer, d’Afrique du Sud, résume le symbolisme divin profondément enraciné dans la cosmologie égyptienne. Dans ce symbolisme divin, les dieux et les esprits sont souvent représentés comme des êtres anthropomorphes étroitement liés aux éléments naturels. Son immense installation en débris de fer rouillé s’intitule We Will Meet Again in the Sky. Ces oiseaux, de tailles gigantesques, symboles de transcendance et de liberté dans l’Egypte Ancienne, sont étroitement liés les uns aux autres. Ils vivent aux temps modernes et communiquent avec le monde divin.

Au Plateau des pyramides de Guiza, jusqu’au 16 novembre. Tous les jours de 8h à 16h.

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