Cette fois-ci, de manière directe, par le premier ministre de l’Etat d’occupation israélienne, Benyamin Netanyahu. Partant de ce qu’il considère comme « une victoire » politique et militaire à Gaza et face au Hezbollah au Liban, ainsi que de sa capacité à exécuter des assassinats. Ce n’est pas la première fois que le concept de « nouveau Moyen-Orient » est mis en avant.
A partir des années 1990, la région a connu plusieurs vagues successives de ce concept, suite au lancement du processus de paix en octobre 1991. A cette époque, la nouveauté signifiait le début d’une grande opération de complémentarité économique et financière dans la région entre Israël et le monde arabe, faisant suite au processus de paix. Mais très vite, cette option a connu un déclin suite à l’effondrement de ce processus de paix, pour ensuite ressurgir aux premières années du XXIe siècle.
Dès lors, le concept a revêtu une définition politique à travers les discours d’un « Moyen-Orient démocratique » après la chute du régime de Saddam Hussein en Iraq en 2003. Ce renversement devait jeter les bases d’une vague démocratique dans la région à travers la création d’un état de « désordre créatif ». Il s’agit d’un concept proposé par le Britannique Bernard Lewis dans les années 1980, qui appelait à une nouvelle division de la région sur des bases ethniques et religieuses, suggérant que l’Iraq serait le point de départ. Un appel qui a été renouvelé par l’ancienne secrétaire d’Etat américaine Condoleezza Rice en 2005. L’année suivante, 2006, a vu éclater une guerre ethnique en Iraq.
La vague suivante du « nouveau Moyen-Orient » a coïncidé avec ce qu’il était convenu d’appeler les révolutions du Printemps arabe en 2011, qui ont donné lieu à des guerres civiles et à des chutes de régimes dans plusieurs pays de la région. De nombreux écrits occidentaux ont considéré cela comme le socle qui entraînerait un nouveau Moyen-Orient démocratique à travers une nouvelle répartition des Etats de la région sur des bases religieuses et ethniques, et un affaiblissement des armées arabes sous le slogan de « consolider les libertés et établir la démocratie ».
Ensuite est intervenue la quatrième vague, dans le contexte de l’agression israélienne féroce dans la bande de Gaza et au Liban. Voici quelques déductions : la première est que les discussions sur un « nouveau Moyen-Orient » ont été liées à des guerres civiles dévastatrices ou à la destruction organisée des armées arabes, ou aux deux ensemble, sous plusieurs slogans allant de « imposer une fausse paix » à « promouvoir les libertés et répandre la démocratie », ou encore à « éliminer les organisations terroristes ».
Cela rend le concept de « nouveau Moyen-Orient » synonyme de guerres civiles, de destruction des armées, de division des pays de la région et d’établissement de nouveaux rapports de force. Nous devons être bien conscients que plusieurs segments de l’élite arabe se sont largement identifiés au concept et aux thèses du « nouveau Moyen-Orient ». Ces élites l’ont même défendu en affirmant qu’il s’agissait d’une approche non conventionnelle pour mettre fin aux conflits historiques dans la région. Ce sont des hypothèses qui se sont révélées stratégiquement fausses.
La deuxième déduction est que les trois premières vagues ont toutes échoué pour des raisons différentes. Le processus de paix des années 1990 n’a pas abouti. Ensuite, le processus de reconstruction de l’Iraq sur de nouvelles bases a échoué. Le peuple iraqien a découvert la fausseté de ce projet, même s’il n’a pas complètement éliminé les effets négatifs des guerres civiles. Et avec tout cela, le projet du « nouveau Moyen-Orient » s’est à nouveau effondré, comme l’avaient imaginé les Etats-Unis et leurs alliés. Surtout à l’heure où l’Egypte a réussi à présenter un modèle attractif et inspirant pour sortir du chaos du Printemps arabe. Toutefois, l’échec de ces trois vagues ne doit pas nous faire oublier les coûts exorbitants que les Etats, les sociétés et les économies arabes ont dû payer.
La quatrième vague est également vouée à l’échec, comme les trois qui l’ont précédée, car reposant sur des hypothèses erronées. Le « nouveau Moyen-Orient », tel qu’envisagé par Netanyahu et ses alliés du mouvement religieux extrémiste, repose principalement sur la recherche de nouveaux équilibres de pouvoir dans la région et sur la reconfiguration de la carte d’Israël aux dépens des autres pays arabes. Cela doit aller de pair avec ce qu’ils considèrent comme une paix sans coût pour l’Etat d’occupation, ou encore en infligeant des coûts exorbitants aux Palestiniens et aux Arabes. Il s’agit là d’une hypothèse erronée qui ne pourrait être réalisée et qu’aucune partie spécifique ne saurait imposer. La réalité sur le terrain a dépassé ces perceptions.
La troisième déduction est que l’expérience du Moyen-Orient montre clairement qu’il n’est pas possible de dépasser les conflits traditionnels de la région, que ce soit par le biais de ce que proposent les théories libérales ou par l’économie politique. Parler d’un « nouveau Moyen-Orient » est donc lié à l’entrée de la région dans des guerres civiles dévastatrices ou à la destruction organisée des armées arabes, ou les deux à la fois.
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