Le président Abdel Fattah Al-Sissi s’est rendu le 6 octobre en Erythrée à l’invitation de son homologue érythréen, Issayas Afeworki. Il s’agit non seulement de la première visite du président Al-Sissi à Asmara, mais également de la première visite d’un président égyptien depuis 1990. A l’occasion, les deux dirigeants ont tenu des consultations sur des questions régionales et internationales-clés, avec en tête la crise en Somalie. Dans ce cadre, une réunion tripartite a réuni les dirigeants érythréen, égyptien et somalien, Hassan Cheikh Mohamoud, lors de laquelle ils ont convenu de collaborer étroitement à la sécurité régionale, dans un contexte de tensions dans la Corne de l’Afrique.
Un communiqué conjoint a souligné l’engagement des trois pays à renforcer leurs relations pour améliorer la stabilité régionale. Sans citer nommément de pays, ils ont déclaré la nécessité d’un « respect sans équivoque de la souveraineté, de l’indépendance et de l’intégrité territoriale des pays de la région ». Ils ont également mis l’accent sur l’impératif de « défier l’ingérence dans les affaires intérieures des pays de la région sous quelque prétexte ou justification que ce soit, de coordonner les efforts conjoints pour parvenir à la stabilité régionale et de créer un climat propice au développement commun et durable ».
Concernant la Somalie, ils ont convenu d’approfondir la coopération tripartite pour aider le pays « à faire face à divers défis internes et externes et pour permettre à l’armée fédérale nationale somalienne de lutter contre le terrorisme sous toutes ses formes, de protéger ses frontières terrestres et maritimes et de maintenir son intégrité territoriale ».
Une nouvelle alliance
Ce sommet tripartite « marque l’avènement d’une nouvelle alliance régionale dont les principaux objectifs seraient d’assurer la sécurité et la stabilité dans la région, notamment dans la Corne de l’Afrique », affirme l’ambassadeur Salah Halima, vice-président du Conseil égyptien pour les affaires africaines. Il souligne à cet égard le double impact résultant à la fois de l’agression israélienne contre Gaza et de son extension à la région de la mer Rouge, ainsi que dans le contexte du protocole d’accord illégal signé entre l’Ethiopie et le Somaliland, qui menace l’unité et l’intégrité de la Somalie. « La menace vient donc du nord du côté israélien et du sud du côté éthiopien, ce qui renforce l’importance de cette synergie entre l’Egypte, la Somalie et l’Erythrée », explique l’ambassadeur.
Ainsi, les résultats de cette visite se cristallisent dans un partenariat stratégique basé sur une coopération aux niveaux sécuritaire, politique et économique entre les trois pays. « Ces trois axes sont régis par un ensemble de principes, dont les plus importants sont la préservation de l’unité des Etats souverains, la non-ingérence dans leurs affaires internes, la lutte contre le terrorisme et le rejet des pratiques unilatérales et de l’imposition du fait accompli », explique Halima, ajoutant qu’en ce qui concerne l’aspect économique, « il est basé sur la coopération en matière de commerce et d’investissement dans la région de la mer Rouge ».
Sur la même voie, le professeur de sciences politiques à l’Université du Caire Tarek Fahmy analyse l’importance du timing de cette visite, expliquant qu’elle reflète le rôle crucial de l’Egypte dans la Corne de l’Afrique. Les relations stratégiques et la coordination entre l’Egypte et les pays de cette région sont essentielles ; c’est pourquoi l’Egypte a commencé par la Somalie, puis l’Erythrée et enfin Djibouti. « L’objectif de promouvoir les relations de l’Egypte avec les pays de la Corne de l’Afrique est de consolider la stabilité et la sécurité dans cette région et d’envoyer un message à tous ceux qui essaient de menacer ou de porter atteinte à la sûreté et à la sécurité dans cette région, en particulier l’Ethiopie », explique Fahmy.
Le politologue souligne également l’importance des transformations liées au maintien de la paix, qui représentent un enjeu majeur de cette visite : « L’Egypte accentue aujourd’hui son rôle avec les pays africains, notamment la Somalie, à travers l’envoi de forces de maintien de la paix, ainsi qu’à travers la reconstruction de l’Etat somalien et de ses institutions, dans le contexte des conflits dans cette région ». Les prochains jours marqueront, selon Fahmy, le début d’une nouvelle phase dans les relations avec l’Erythrée et Djibouti. Pour le politologue, cette visite annonce une alliance politico-militaire nécessaire et importante pour l’Egypte. Il s’agit de la première réunion au niveau tripartite, et d’autres rencontres entre ces trois pays devraient suivre.
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