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Les pièges de la lutte contre le terrorisme

May Al-Maghrabi, Mardi, 08 avril 2014

Les attentats de l’Université du Caire, ayant fait un mort et une dizaine de blessés, relancent le débat sur le terrorisme en Egypte et les moyens d’y faire face.

Terrorisme en Egypte
Les enquêteurs sur les lieux d'attentat.

Depuis la destitution de Mohamad Morsi le 3 juillet dernier, l’armée et la police sont les cibles privilégiées des attaques terroristes. Mais cette stratégie semble toutefois changer. Une série d’explosions a secoué cette semaine l’Université du Caire faisant un mort et une dizaine de blessés. Trois bombes ont explosé, mercredi dernier, devant l’Université du Caire, tuant un officier de police, Tareq Al-Mergawi, et blessant 5 autres policiers.

La veille, la page de la faculté d’ingénierie sur Facebook mettait en garde les étudiants de se retrouver dans les environs de l’université à l’heure précise de l’explosion. Ce qui soulève des interrogations sur l’implication des étudiants des Frères musulmans dans ces attaques. Dans un changement de tactique, les terroristes ont implanté des engins explosifs dans des arbres, pour rendre difficile leur détection et pour que l’explosion ait un impact plus grand. Deux bombes auraient été placées dans un arbre à proximité du portail d’entrée et une troisième a éclaté plus tard. Pour les services de sécurité, l’inspection des arbres ne faisait pas partie de la stratégie sécuritaire.

Face à ce nouveau tournant qualifié de « dangereux », le gouvernement est à pied d’oeuvre pour endiguer cette vague terroriste frappant de plein fouet le pays. Une réunion d’urgence s’est tenue en présence des ministres de la Défense, de l’Intérieur, de la Justice et des services de renseignements généraux et militaires. Il a été décidé, suite à cette réunion, d’intensifier les mesures de sécurité dans les abords des universités, d’augmenter le nombre de patrouilles conjointes de police et de l’armée ainsi que d’adopter de nouvelles lois plus rigoureuses pour mettre un terme au terrorisme.

Au lendemain de ces attaques, les interrogations fusent de partout. Qui se cache derrière ces actes de violence? Cette vague terroriste va-t-elle prendre de l’ampleur à l’approche des élections? Pour l’analyste Mohamad Noureddine, c’est le laxisme du gouvernement qui a mené à cette prolifération du terrorisme. « Face à une situation exceptionnelle, il fallait procéder à des mesures exceptionnelles. En élargissant les pouvoirs de la police, on aurait pu asséner des coups préventifs à ces groupes terroristes », pense-t-il. Quant à Mohamad Qadri Saïd, chercheur au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram, il affirme que les attentats de l’Université du Caire marquent un nouveau tournant et nécessitent plus de vigilance. « Il y a une volonté d’entraver à tout prix l’arrivée d’Al-Sissi à la présidence. C’est pourquoi les terroristes cherchent à étendre le champ de leurs opérations, pour faire tomber le plus grand nombre possible de victimes et semer la terreur. Le changement de cibles vise à épuiser les services de sécurité et prouver leur incapacité à gérer la situation », décrypte Al-Saïd.

Ajnad Misr en relation avec les Frères musulmans

Cet attentat a été revendiqué par un groupe djihadiste portant le nom d’Ajnad Misr. Un groupe qui semble être adoubé par Ansar Beit Al-Maqdess, cantonné dans le Sinaï et qui s’inspire d’Al-Qaëda. Les liens entre ces groupes et les Frères musulmans ne sont pas très clairs. Le fait que leurs opérations ne soient apparues qu’après la destitution de Morsi confirme pour certains analystes l’existence d’un lien avec les Frères, alors que d’autres pensent que ces groupes ne sont qu’un écran derrière lequel se cachent les Frères, pour se venger du nouveau régime. Ahmad Ban, spécialiste des groupes islamistes, affirme: « Plusieurs témoignages confirment que de hauts responsables de la confrérie ont tenté d’entrer en contact avec ces groupes. Ces groupes rejettent le pouvoir actuel, parce qu’il n’a pas proclamé l’Etat islamique ». Et d’ajouter : « Les coups durs que ces groupes djihadistes ont encaissés dans le Sinaï les ont poussés vers une sorte de partenariat avec les Frères contre l’ennemi commun: l’Etat, l’armée et la police ». Ce n’est donc pas par hasard que ces nouveaux attentats interviennent quelques jours après l’annonce de la candidature du maréchal Abdel-Fattah Al-Sissi à l’élection présidentielle prévue les 26 et 27 mai. Pour les observateurs, il ne fait pas de doute que ces explosions sont le résultat des menaces proférées par les Frères musulmans en vue d’entraver la campagne présidentielle. Mais pour Ban, ce qui retient surtout l’attention c’est le changement de tactique des terroristes, qui optent maintenant pour des opérations limitées mais sporadiques. Ce qui nécessite plus de compétence et de recours à des technologies de pointe en matière de sécurité.

La présence de la police autorisée

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L'Université du Caire est devenue un terrain de violence et d'attaques terroristes.

Mais depuis les attentats de mercredi, le débat focalise surtout sur les moyens de lutter contre ces actes terroristes. Le Conseil des curateurs de l’Université du Caire a décidé à l’unanimité d’autoriser la présence permanente de la police sur le campus universitaire. Une décision visant à sécuriser les étudiants et les professeurs. Pourtant, Mohamad Badran, président de l’Union générale des étudiants, bien qu’il ne nie pas la nécessité de trouver un moyen pour éradiquer la violence dans les universités, craint qu’une telle décision ne vienne jeter de l’huile sur le feu. « La présence permanente de la police au sein des universités, d'une part, donnera lieu à plus d’échauffourées entre les étudiants islamistes et les forces de l’ordre. D’autre part, elle peut être ressentie comme une provocation pour la majorité des étudiants qui, pour le moment, n’ont pas pris part au mouvement de contestation mené par les Frères musulmans. Il était préférable de maintenir la présence de la police à l’extérieur des universités tout en renforçant le contrôle, pour empêcher l’introduction d’armes ou d’explosifs », souhaite Badran.

Le règlement politique doit l’emporter

Malheureusement, ces dispositifs ont peu de chance de porter leurs fruits tant que les canaux politiques restent bloqués. C’est ce qu’explique Adel Soliman, politologue. « En affrontant le terrorisme, il faut écarter cet esprit de vengeance. Le gouvernement doit s’engager dans une démarche de règlement incluant les Frères musulmans, pour mettre fin à la polarisation au sein de la société. Il doit en outre trouver des solutions aux problèmes économiques et sociaux des Egyptiens, pour éviter que leurs souffrances ne soient instrumentalisées. Il doit enfin se défaire de la politique et se mettre à égale distance des différentes parties en conflit », pense Soliman. Toutefois, il regrette qu’en désignant les Frères organisation terroriste, le gouvernement ait enterré définitivement toute solution politique qui aurait pu remédier à ces profondes divisions. Mais Ahmad Ban croit que les Frères ont rejeté toute réconciliation politique et populaire en optant pour la violence. « On ne peut justifier le terrorisme par la répression sécuritaire ou politique que les Nassériens et les gauchistes ont subie par exemple. Ces derniers n’ont pas été radicaux pour répondre à cela. Les Frères musulmans ont été incarcérés à l’époque de Nasser à cause du terrorisme. Les idées de Sayed Qotb dévoilent cette idéologie fondamentaliste enracinée », explique Ban. Depuis la destitution du président Mohamad Morsi le 3 juillet dernier, 252 policiers, 187 soldats et 57 civils ont été tués dans des attaques terroristes.

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