Khaled Saïd, une icône de protestation contre la torture policière.
Sa photo publiée sur Internet ne s’efface plus des esprits des Egyptiens : visage battu et déformé, crâne fracturé, mâchoire disloquée et nez cassé. Le cas de la torture du jeune Khaled Saïd a été l’étincelle qui déclencha la colère populaire contre les abus de la police égyptienne, et qui mena, 7 mois après, à la révolution contre le régime de Moubarak.
Le 6 juin 2010 à Alexandrie, le jeune Khaled Saïd a trouvé la mort à 28 ans. Son tort ? Avoir diffusé sur Internet une vidéo montrant 2 policiers se partageant argent et drogue, après l’arrestation de dealers. Très vite identifié, des agents de police procèdent à son arrestation dans son cybercafé d’Alexandrie. Ils invoquent la loi sur l’état d’urgence, en vigueur depuis 1981, et qui donnait à la police des pouvoirs étendus comme le placement en détention sans inculpation ou sans jugement de tout individu soupçonné d’atteinte à la « sûreté nationale ».Saïd est alors battu et cogné à plusieurs reprise contre une table en marbre en pleine rue et sous le regard de tous les passants.
Selon un avocat du centre Al-Nadeem, la famille de Khaled Saïd, après avoir été informée de sa mort, n’était pas autorisée à voir le corps. Lorsque ses proches portèrent plainte le lendemain, ils découvrent qu’un rapport a déjà été rédigé : les autorités avancent une autre version de l’histoire. Un communiqué du centre d’informations de la sécurité égyptienne présente le jeune homme comme un délinquant et nie toute responsabilité des policiers dans l’affaire : Khaled Saïd aurait avalé un sachet de drogue. Il serait, selon eux, mort d’étouffement. Par accident. Mais des experts médicaux ont par la suite indiqué dans un rapport qu’il était mort par asphyxie après avoir été violemment battu et qu’un sac avait été placé dans sa bouche alors qu’il était inconscient.
L’indifférence et l’ignorance avec lesquelles a été traité le cas de Saïd n’ont fait qu’aggraver la colère de la rue égyptienne. Les manifestations se sont alors multipliées, à Alexandrie comme au Caire, pour dénoncer les brutalités policières et pour réclamer la levée de l’état d’urgence, en vigueur, sans interruption, depuis 1981.
Saïd ... une icône de colèresur la toile
Les choses ne s’arrêtent pas là. Sur le web, Khaled Saïd devient une icône. Le réseau social Facebook voit paraître des pages défendant sa cause. Ainsi apparaît la page dédiée à sa mort Nous sommes tous Khaled Saïd qui, une fois lancée par le cybermilitant Waël Ghoneim en juin 2010, a pu comptabiliser près de 500 000 membres, soit près de 10 % des utilisateurs de Facebook en Egypte. Sur le site de micro-blogging Twitter, les internautes se sont mis à utiliser le hashtag #khaledsaïd, au même titre que #egypt pour évoquer la révolte en cours dans le pays. D’ailleurs, l’un des facteurs d’émergence du « mouvement Khaled Saïd » a été l’existence d’un blog très complet, relevant jour après jour toutes les informations disponibles sur l’affaire et les circonstances de la mort du jeune homme.
Peu à peu, la réalité s’est imposée. Le phénomène Khaled Saïd s’est petit à petit propagé dans la société égyptienne, connectée ou non. Des artistes ont rallié la cause, des chansons ont été écrites à sa mémoire, des comédiens et des acteurs présents dans les médias égyptiens se sont mobilisés et ont même participé aux sit-in qui s’organisaient régulièrement sur la page Facebook, Nous sommes tous Khaled Saïd.
De manifestation en manifestation jusqu’au jour de la grande colère. Le 14 janvier 2011, la page lance un appel à manifester sur Facebook le jour de la Fête de la police, le 25 janvier … la révolution commence.
Si lors de manifestations précédentes le scénario classique s’imposait et les policiers antiémeutes étaient bien plus nombreux que les manifestants. Ce « Vendredi de la colère », les choses avait commencé à changer. La révolution commençait, et lorsque l’appel du « Moubarak, dégage ! » faisait vibrer les rues, le nom de Khaled Saïd n’en faisait pas moins. Des photos, des caricatures et des chants portant l’image ou le nom de ce jeune Egyptien sont devenus le symbole de la révolution.
Les deux policiers ont été arrêtés et condamnés à 7 ans de prison pour leur implication dans la mort du jeune Khaled. Cette affaire de Khaled n’a sûrement pas été la première et il semble qu’elle ne sera pas la dernière.
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