A moins de deux semaines de la présidentielle, la tension est palpable en Afghanistan, et l’avenir incertain. Les menaces talibanes n’augurent rien de bon.
L’entêtement du président afghan, Hamid Karzaï, à ne pas signer le traité de sécurité bilatéral encadrant la présence des forces de l’Otan après 2014 ne fait que compliquer le paysage politique à la veille d’une présidentielle qui revêt une importance particulière. Depuis la chute des talibans en 2001, Karzaï était le seul homme à avoir dirigé le pays. Selon la Constitution, il ne peut pas briguer un troisième mandat, ce qui ouvre la voie à une première transition démocratique dans un pays miné par la violence.Selon les experts, le scrutin du 5 avril s’annonce difficile sous la menace des talibans qui ont promis de tout faire pour le torpiller, ce qui pourrait avoir de lourdes séquelles sur la participation populaire. « Les rebelles saisiront l’occasion de ce désordre pour s’emparer du pouvoir. Les forces afghanes sous-équipées et minées par les problèmes d’organisation ne réussiront pas à casser l’épine talibane après le retrait de l’Otan. Dès que les Américains plieront bagage, le pays retournera à la case départ », analyse Mohamed Farahat, spécialiste de la région au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram.
D’ores et déjà, endeuillant la campagne électorale, un attentat taliban perpétré près d’un commissariat à Jalalabad (est) a fait 18 morts, dont 10 policiers, alors qu’un raid d’un commando taliban contre un hôtel de luxe à Kaboul, réputé pourtant pour sa sécurité, a fait 9 morts, dont des étrangers et un journaliste de l’AFP, Sardar Ahmad. « Ces attaques sont liées aux élections. L’objectif des talibans est clair : ils veulent discréditer les élections, créer une crise de légitimité et ainsi arriver à la table des négociations en position de force », estime Ahmed Rashid, auteur de nombreux ouvrages sur les talibans.
Bien que les rebelles talibans aient revendiqué l’attaque contre l’hôtel, le gouvernement afghan a affirmé dimanche que des « services secrets étrangers » en sont l’auteur, une accusation semblant viser le Pakistan accusé régulièrement de soutenir les talibans afghans.
Quel que soit l’auteur des attaques, le paysage politique ne promet rien de bon pour un Afghanistan qui fera seul ses premiers pas dans le monde de l’indépendance début 2015. Le président Barack Obama ne cesse de menacer d’un retrait total d’Afghanistan fin 2014, si l’accord de sécurité n’est pas rapidement signé avec le nouveau président afghan.
Des défis majeurs
La course à la présidentielle qui se joue entre dix candidats, après le retrait du frère de Karzaï, bat son plein. En tête des favoris figure Abdullah Abdullah qui a formé une coalition avec les ténors de l’opposition, dont le seigneur de guerre Abdul Rashid Dostum.
Cette semaine, Abdullah a intensifié sa campagne et affirmé espérer « remporter la victoire dès le premier tour. Nous ferons en sorte que cette élection soit juste ». Lors de la présidentielle de 2009, Abdullah était arrivé en deuxième position au premier tour, mais il s’était retiré du second tour après avoir dénoncé des fraudes massives.
Pour prendre les commandes du pays, Abdullah se présente désormais comme le candidat de la « paix » et de « la réconciliation » avec les talibans. Né d’une mère tadjike et d’un père pachtoune, deux des principaux peuples d’Afghanistan, ce candidat pourrait tirer profit de ce métissage dans une élection où le vainqueur devra engranger des suffrages hors de sa communauté. « En Afghanistan, ce qui détermine les élections c’est l’appartenance ethnique. Il est toujours préférable que le président soit pachtoune », explique l’expert Mohamed Farahat.
Outre Abdullah, Ashraf Ghani, un économiste de stature internationale qui a occupé le poste de ministre des Finances sous le gouvernement Karzaï de 2002 à 2004, semble en bonne position. Cet ancien cadre de la Banque mondiale avait déjà été candidat à la présidentielle de 2009 : il était arrivé en quatrième position au premier tour.
Pour l’heure, il est farouchement soutenu par Karzaï, réputé très proche de lui. En troisième position arrive l’un des plus célèbres seigneurs de guerre, Abdul Rasul Sayyaf. Selon les experts, une victoire de Sayyaf plongera le pays dans l’anarchie, car les chefs de guerre possèdent leurs propres milices et l’armée afghane ne pourra s’y opposer. Quel que soit le vainqueur, le nouveau président aura à assumer des tâches herculéennes .
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