Au début de l’année, elle avait prédit que le gouvernement Beblawi partirait bientôt et que le chef des services de renseignement, le général Mourad Moafi, jouerait un rôle décisif dans l’histoire du pays. Elle avait également avancé que l’émission présentée par le journaliste Ahmad Moussa sur la chaîne satellite Al-Tahrir s’arrêterait et que le ministre de la Défense, Abdel-Fattah Al-Sissi, aurait toutes les chances de gagner l’élection présidentielle.
Abir Fouad n’est ni une diseuse de bonne aventure, ni une cartomancienne, mais une astrologue avertie. Son travail est basé sur des sciences exactes et des calculs précis. « Je n’aime pas le mot prévoir. Une voyante est plutôt une personne qui prétend avoir un don de Dieu, une faculté spéciale … Pour moi, cela relève du charlatanisme. Cependant, l’astrologue opère des calculs détaillés suivant la science de la numérologie et les mouvements des planètes », souligne-t-elle.
Abir Fouad part, dans ses études astrologiques, de la date de naissance d’une personne donnée et de son signe du zodiaque. Selon le mouvement des planètes et son emplacement sur le zodiaque, elle peut annoncer de bonnes ou de mauvaises nouvelles. « Le dilemme est que ce domaine est à l’origine composé de deux parties bien différentes : l’astronomie, qui appartient à la science pure, donc en rapport avec les découvertes spatiales et astronomiques, et l’astrologie, liée plutôt à la philosophie et à la vie des gens. D’habitude les astronomes s’opposent complètement aux astrologues et vice-versa. Le pire est que dans le monde arabe, il est facile d’accuser l’astrologue de charlatanisme et d’apostasie », déplore-t-elle.
Pour Abir Fouad, l’intérêt accordé à l’astrologie en Egypte en tant que science n’est pas suffisant. Les astrologues eux-mêmes se contentent de lancer des prédictions aléatoires, sans raisonnement logique. Quant au public, sa curiosité se limite souvent à consulter son thème astral au jour le jour. Son téléphone n’arrête pas de sonner. Il s’agit en fait d’une hotline auquel Abir répond en personne à ses interlocuteurs cherchant à connaître son opinion.
Elle reconnaît rencontrer des maniaques de toutes sortes. Certains l’appellent le jour, d’autres la nuit. Certains n’arrivent plus à avancer un pas dans leur business sans être rassurés et demandent des prévisions. L’astrologue tente alors de leur expliquer sa démarche, mettant l’accent sur l’importance de suivre un raisonnement logique.
« Souvent au téléphone je tombe sur un interlocuteur qui me passe sa date de naissance, suivie immédiatement de la question : Et alors que voyez-vous ? A maintes reprises je réponds que j’ai besoin d’un laps de temps pour faire mes calculs et que je ne peux pas donner des spéculations sur le vif », explique Abir Fouad, qui a acquis cette capacité de s’adresser aux gens selon leur niveau intellectuel. « C’est un don de communication que j’ai découvert en moi, en travaillant et surtout en répondant aux appels du public, tous les jours de 10h à 15h et de 20h à 22h », ajoute-t-elle.
Elle a affaire à des ingénieurs, des politiciens, des artistes, des paysans … Avec beaucoup de diplomatie, elle avance que ses prévisions ne garantissent pas le succès ou l’échec d’une personne, et qu’en partant des mouvements planétaires elle ne peut que connaître les moments forts ou faibles de chaque signe du zodiaque. Elle tient aussi à préciser qu’elle émet plutôt un avis, un conseil. S’il est question d’un moment critique, il faut faire attention. Et s’il s’agit d’une période de chance, elle attire l’attention des gens pour en profiter.
Abir Fouad fait partie des stars invitées sur les podiums des télévisions. Elle a publié en 2010 son premier ouvrage spécialisé sur les signes du zodiaque. Quelques mois plus tard, elle a publié un deuxième ouvrage d’études astrales La Philosophie des signes du zodiaque, où elle tâchait d’éclaircir le concept d’astrologie. En janvier dernier, elle a signé son troisième ouvrage Rassaël al-kawakeb (les messages planétaires, aux éditions Hawadit), partant d’une approche différente : on reçoit des messages qui nous sont adressés par les planètes.
« Le fait d’expliquer aux lecteurs comment se dessinent leurs trajets et quelle est l’influence des signes zodiacaux sur eux mène à une plus grande intimité avec les récepteurs », lance l’astrologue. Ce dernier ouvrage a connu un véritable succès et la maison d’édition a dû organiser 3 soirées de dédicace. La dernière a d’ailleurs pris place à la librairie Diwan, à Zamalek, la semaine dernière.
A l’origine, ingénieur en communication, Abir Fouad a toujours éprouvé une véritable passion pour les mathématiques et la physique. Pourtant, elle voulait devenir journaliste. « Mais ma mère m’a convaincue que le journalisme est une profession que je pourrais apprendre sur le tas, notamment que j’ai une belle plume. Mais ce n’est pas le cas si je veux devenir ingénieur, cela nécessite des études spécialisées, précise-t-elle. C’est grâce à mon travail en ingénierie que je me suis lancée dans le domaine astrologique. Ce sont les arrangements du destin. Dieu nous guide vers un sort que l’on ignore».
L’astronomie faisait partie des études primaires à la faculté. Comprendre la position des planètes dans leur orbite : de quoi avoir aidé Abir Fouad, plus tard, à devenir astrologue, au lieu de demeurer la passionnée des signes du zodiaque qu’elle était depuis sa tendre enfance. « Les signes du zodiaque m’aident à comprendre les gens. J’aime analyser les personnalités et savoir comment agir avec elles».
Une fois diplômée de la faculté d’ingénierie, Abir fut rapidement embauchée par une boîte de communication américaine. Durant un voyage d’affaires aux Etats-Unis, elle a visité plusieurs bibliothèques et librairies, achetant aveuglément tout ce qui lui tombait sous la main en matière d’astrologie. Elle a adoré surtout les livres de Linda Goodman. « A la bibliothèque, j’ai découvert que la rubrique astrologie renfermait des milliers de références. J’ai acheté plus tard un bon nombre d’ouvrages spécialisés. Et de retour en Egypte, j’ai commencé une lecture intense ». Fouad s’est intéressée à la numérologie, à l’astrologie pharaonique, à l’astronomie, etc.
« L’idée dépassait l’analyse des gens, suivant leurs signes. C’était tout un nouvel univers qui s’ouvrait à moi », dit-elle. Plus elle fouillait, plus elle s’abonnait à des revues et des périodiques, notamment celles de l’Association française d’astronomie.
« Le temple de Dandara est réputé pour ses dessins représentant le zodiaque pharaonique. Au plafond, on remarque un cercle regroupant les signes astrologiques. Ceux-ci sont représentés par des dieux pharaoniques symbolisant les traits d’Amon Rê. A travers ces signes pharaoniques, j’ai trouvé des réponses aux multiples questions sur les rapports humains entre deux personnes données, sur la compatibilité des signes, etc. », raconte-t-elle.
Afin d’attirer l’attention du public et des astrologues égyptiens vers le zodiaque pharaonique, Abir Fouad est en train de rédiger un nouvel ouvrage à paraître toujours aux éditions Hawadit.
Soucieuse du sort du pays et de son avenir, elle continue à faire ses calculs et à observer les mouvements des planètes ainsi que leur influence sur les signes du zodiaque. Son intérêt à la politique s’est manifesté ces dernières années. « Je m’intéresse à ma patrie. Sous le régime des Frères musulmans, je tenais à savoir les dates de naissance de leurs leaders, tout en effectuant mes calculs. En décembre 2012, à travers une émission télévisée, j’ai annoncé un changement autour du 26 juin 2013. A l’époque, le mouvement Tamarrod n’était pas encore lancé et l’on n’avait pas encore fixé la date du 30 juin pour descendre dans la rue afin de renverser Morsi. Je voyais que les planètes Neptune, Saturne et Jupiter se sont déplacés, de quoi correspondre aux signes Poisson, Scorpion et Cancer. Ces trois signes du zodiaque ont l’eau comme élément. Ce sont des signes de force et d’équilibre. Quand ils se retrouvent avec ces planètes de cette manière, quelque chose d’important doit arriver », annonce-t-elle.
Deux jours avant la révolution du 25 janvier 2011, Abir s’attendait à des événements de violence et de trouble. « A travers la numérologie et la géométrie, on peut préciser la position de chaque pays par rapport aux mouvements des planètes et les signes du zodiaque. Le monde arabe d’une manière générale passe par une période critique, où Pluton occupe le Capricorne et Uranus occupe le Bélier. De quoi créer un état d’agitation, de remous et de violence. Cela va encore durer jusqu’au 15 mai 2018. Ce même phénomène astrologique a existé au moment de la Seconde Guerre mondiale. Je vois qu’aujourd’hui on connaît une sorte de guerre mondiale latente : la Syrie est en guerre, l’Iraq a perdu son armée, en Egypte, le pays est déchiré par des attaques violentes, etc. », ajoute-t-elle
Mais malgré tout, Abir garde espoir. Face au chaos, des leaders égyptiens auront leur mot à dire. « On n’a qu’attendre le mois d’avril », lance-t-elle, avec assurance. Celle-ci lui attire parfois les foudres d’aucuns, d’ailleurs l’émission satirique de Bassem Youssef a tourné en dérision ses propos concernant Al-Sissi et sa charte astrologique.
L’astrologue tient quand même à mettre les point sur les i. « Croire en l’astrologie c’est aussi croire en Dieu », précise-t-elle en souriant.
Jalons
1994 : Naissance de sa fille aînée, Mariam.
2010 : Publication de son premier ouvrage sur l’astrologie.
2011 : Responsable du coin Les Signes du jour, au quotidien Al-Ahram.
2014 : Publication de son troisième ouvrage, Les Messages planétaires, aux éditions Hawadit
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