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Khaled Al-Torgoman : les groupes armés dominent la scène 

Osmane Fekri, Mardi, 25 mars 2014

Khaled Al-Torgoman, conseiller du président du Conseil national libyen, estime que les milices et groupes armés sont aujourd’hui le problème majeur du pays. Il plaide aussi pour une extradition des anciens responsables sous Kadhafi, réfugiés notamment en Egypte.

Khaled Al-Torgoman
Khaled Al-Torgoman, conseiller du président du Conseil national libyen.

Al-Ahram Hebdo : Où réside la crise politique et sécuritaire en Libye ?

Khaled Al-Torgoman : C’est la crise la plus éminente et la plus compliquée des pays du Printemps arabe, même si la Syrie est plus problématique. La Libye souffre d’une faiblesse de la police et de l’armée depuis la fin du régime de Kadhafi, et leur anéantissement total pendant la guerre.

Effectivement, Kadhafi avait démantelé l’armée, parce qu’il pensait qu’elle représentait un danger pour son régime et l’a remplacée par des groupes armés qui lui étaient fidèles, en comp­tant sur des alliances tribales. Kadhafi tentait aussi de créer un état d’instabilité qui mettait la police en alerte continue, ce qui a nui à son efficacité.

Cette situation a fait que les groupes armés, et derrière eux les Frères musulmans ainsi que d’autres forces, dominaient désormais la scène. Ils refusent aujourd’hui de déposer leurs armes et de rallier l’armée ou la police. Ils refusent également les ordres du gouvernement provisoire. Parmi ces groupes, il y en a qui suivent les agendas de cer­tains Etats qui ont aidé la Libye durant la révolte et qui ont une influence à l’intérieur de la Libye, par l’intermédiaire de partis et d’élites politiques et sécuritaires.

Les radicaux estiment aussi que la présence des institutions sécuritaires entrave leurs ambitions. Ils tentent donc d’anéantir toutes les tentatives de restructuration de ces appareils. Citons également le conflit entre les partis politiques, notamment entre les Frères musulmans, les libéraux et les radicaux.

— Pourquoi, selon vous, le premier ministre a-t-il été limogé alors que le ministre de la Défense assure l’intérim ?

— Le changement de gouvernement transitoire devait avoir lieu depuis longtemps: depuis que le peuple est sorti dans les rues pour réclamer son départ. Il a été incapable de répondre aux revendications de la rue, dont notamment l’instau­ration de la sécurité, peut-être car ce gouvernement ne comprenait pas de ministre d’Intérieur.

Alors que le délai des deux semaines attribué par le Conseil national au ministre de la Défense, Abdallah Al-Theni, d’assurer l’intérim jusqu’à la nomination d’un nouveau chef de gouvernement, va prendre fin, il semble qu’il y a une tendance à maintenir Al-Theni à la tête du gouvernement, ce qui donne une connotation négative à ce chan­gement.

— Serait-ce possible de désarmer les milices et de mettre fin à leur contrôle sur les ports pétroliers ?

— Cette question est le plus grand problème du conseil, du gouvernement et des Libyens. Il est évident que nous avons besoin d’une coopération internationale pour lutter contre le phénomène de la propagation des armes. Le gouvernement transi­toire, par sa faiblesse, a échoué à régler ce dossier. Le Conseil national a aussi besoin de restructura­tion en adoptant la proposition de tenir des élec­tions pour un nouveau Parlement, où le gouverne­ment serait capable d’imposer son pouvoir.

— Quel est l’impact de la suspension de l’ex­portation du pétrole sur l’économie de la Libye ?

— Cette question a des influences négatives sur les projets de développement en Libye et qui pour­raient contribuer à instaurer une stabilité et à mettre un terme à la défaillance sécuritaire dans le pays. Il faudrait alors intégrer les milices et les révolutionnaires armés dans ces projets écono­miques. La baisse de la production de pétrole à moins de 250000 barils par jour influence le bud­get et impacte la capacité de fonder de nouveaux projets. Il se pourrait même que le gouvernement ne puisse payer les salaires des fonctionnaires. Espérons que la question des ports pétroliers sera résolue très bientôt.

— Pensez-vous qu’une sorte d’intervention internationale dans le dossier sécuritaire soit nécessaire ?

La Libye est encore à la 7e clause de l’Onu qui exige la protection des civils. Ces civils font face à des assassinats. La question de l’ingérence internationale n’est donc pas aussi simple et néces­site énormément d’objectivité qui ne peut être garantie dans les conditions actuelles. En tout cas, la communauté internationale a maintes fois expri­mé sa disposition à aider la Libye.

— Est-il possible d’appliquer un régime fédé­ral en Libye ?

— Cette décision revient aux Libyens qui choi­siront à travers un scrutin un régime fédéral ou non.

— Comment les relations étrangères de la Libye, en particulier avec l’Egypte, ont-elles été influencées par la crise ?

— Le dossier des ex-responsables qui se trou­vent dans les pays voisins a besoin de solutions tranchantes. Il y a aussi la question des frontières avec le Niger, le Tchad, la Tunisie, l’Algérie et l’Egypte, pays qui hébergent toujours des membres de l’ancien régime. Par exemple, la famille de Kadhafi et quelques-uns de ses hommes habitaient en Algérie, mais l’Algérie a coopéré. Il en est de même pour la Tunisie, qui a remis le dernier pre­mier ministre d’avant la chute de Kadhafi. Le Niger, qui est en étroite relation avec les incidents au sud de la Libye, a également remis des membres importants du régime, tels Abdallah Mansour, ex-responsable des services de sécurité, et Al-Saêdi Al-Kadhafi, qui gérait les conflits dans le sud de la Libye.

Des hommes du régime de Kadhafi ainsi que des fonds de compagnies libyennes sont encore en Egypte et sont employés pour semer des troubles dans l’est libyen. La Libye attend la coopération de l’Egypte pour conclure des accords visant à remettre des figures de l’ancien régime, dont des demandes d’arrestation ont été annoncées par l’In­terpole.

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