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Nouveau terrain d’influence pour le Golfe

Amira Samir, Mardi, 25 mars 2014

Par les armes, l'argent ou les médias, les pays du Golfe s'imposent comme des acteurs de poids dans la période post-Kadhafi

Golfe
(Photo : Reuters)

Les réactions des pays arabes sont variées à propos du conflit libyen qui a débuté il y a 3 ans par des manifes­tations à Benghazi et s’est, en partie, achevé le 20 octobre de la même année à Syrte, par le lynchage du colonel Mouammar Al-Kadhafi.

Les pays du Golfe avaient épaulé les rebelles libyens contre le pouvoir de Tripoli et ont fourni un soutien militaire, financier et politique. C’était notamment le cas du Qatar et des Emirats arabes unis. Aujourd’hui, les Frères musulmans de Libye appellent Doha et Abou-Dhabi, en conflit diplomatique ouvert, à cesser de se mêler des affaires libyennes, alors que les deux pays disposent de zones d’influence dans le pays.

Il y a trois ans, les coffres-forts des deux émirats et l’antenne qatari d’Al-Jazeera s’étaient rapidement mis au service des révoltés. Les deux pays du Golfe avaient également été les premiers pays arabes à recon­naître le Conseil national de transi­tion, et à participer à l’intervention militaire au sein de la coalition inter­nationale coordonnée par l’Otan.

« Le Qatar, qui a su s’imposer comme acteur majeur de la transi­tion, a envoyé en Libye la moitié de son aviation de chasse, des Mirage 2000. 5000 hommes des forces spé­ciales qatari ont aussi formé et guidé les rebelles libyens dans leur assaut de Bab Al-Aziziya, le QG fortifié de Kadhafi, fin août 2011 », explique Moataz Salama, chercheur au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram. On évoque aussi la somme de 400 millions de dollars, qui aurait été versée par l’Emirat.

L’engagement militaire des EAU en Libye a été, lui, particulièrement discret. Abou-Dhabi a engagé 12 appareils: 6 Mirage 2000-9 et 6 F-16 C/D Block 60. Il s’agit de versions très modernes et sophistiquées de ces avions déjà anciens.

La réaction de l’Arabie saoudite fut un peu différente. Elle a été réti­cente à s’engager contre la Libye, même si ses dirigeants étaient du côté des rebelles depuis le début de la révolution. En effet, le roi Abdallah d’Arabie avait un vieux compte personnel à régler avec le colonnel.

Kadhafi avait qualifié, en mars 2009 à Doha, Abdallah, alors prince héritier, de « marionnette » des Américains et des Britanniques devant tous ses pairs arabes, avant de quitter la salle. Toutefois, l’Arabie saoudite s’est opposée à une ingé­rence étrangère, tant politique que militaire, en Libye, qui ne pouvait, selon elle, qu’aggraver la situation et compliquer les problèmes auxquels le peuple libyen était confronté.

Les Saoudiens ne voulaient pas que leur présence militaire soit per­çue par Kadhafi comme un règle­ment de compte. Autre explication : l’Arabie saoudite a lâché du lest en Libye pour mieux réprimer à Bahreïn. Des spécialistes estiment que la solidarité sunnite face à l’Iran chiite a conduit l’Arabie à rester silencieuse face à la répression à Bahreïn, tandis qu’elle protestait bruyamment contre l’écrasement de la révolte en Libye.

« Riyad a troqué Bahreïn contre la Libye, car ce qui se passe chez son voisin est vital pour lui, alors que l’intervention militaire en Libye est secondaire pour les pays du Golfe, d’autant que leurs relations étaient très mauvaises avec Kadhafi », explique à l’AFP Bourhane Ghalioune, directeur du Centre des études arabes et de l’Orient contem­porain à l’Université de la Sorbonne (Paris).

Camp opposé

Mais plus tard, les sponsors du Golfe ont choisi un camp opposé en penchant un peu trop pour les isla­mistes. Tandis que l’Arabie saoudite soutenait les salafistes anti-Kadhafi, le Qatar était le protecteur de la confrérie libyenne des Frères musul­mans.

Le cheikh Hamad Ben Khalifa Al Thani du Qatar est persuadé que l’is­lamo-conservatisme des Frères musulmans correspond aux aspira­tions profondes des peuples arabes.

Si les pays du Golfe ont joué un rôle non négligeable dans la chute du régime de Kadhafi, ce rôle a fini par susciter des critiques chez certains dirigeants du Conseil national de transition libyen. « Aujourd’hui, des Libyens déplorent l’ingérence des monarchies du Golfe dans leur pays », souligne Moataz Salama.

En juillet dernier, l’ambassade des EAU à Tripoli a été témoin d’une attaque terroriste. Ce pays est accusé d’avoir orchestré un coup d’Etat libyen lors du 3e anniversaire de la révolution libyenne le 17 février der­nier. L’ex-président du bureau exécu­tif du Conseil national de transition, Mahmoud Jibril, est allé dans ce sens, en déclarant que les pétrodollars qata­ri alimentaient surtout « les rivalités et circuits de désaccords entre les rebelles et les divers courants qui gèrent la période post-Kadhafi, et ce, en répandant la sédition entre les Frères libyens ». Aujourd’hui, Tripoli propose de jouer le médiateur entre le Qatar d’une part, et l’Arabie saoudite, Bahreïn et les EAU d’autre part.

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