Al-Ahram Hebdo : Votre nouveau film, Fatat al-masnaa (l’ouvrière de l’usine), ne cesse de récolter les prix des festivals internationaux, tout en ayant l’estime des critiques d’un peu partout ... Est-ce le troisième volet d’une trilogie sur la jeune femme égyptienne ?
Mohamad Khan : Dieu merci, c’est l’une des expériences les plus chères à mon coeur. Fatat al-masnaa (l’ouvrière de l’usine) constitue pour moi une bouffée d’oxygène offerte par la scénariste Wessam Soliman. Elle m’a permis, en tant que réalisateur, d’exprimer tant d’idées et de sentiments, longtemps emprisonnés en moi.
Il y a plus de trois ans, Wessam Soliman m’a présenté l’idée de ce film, avec un synopsis de scénario qui n’était alors pas assez mûr, ce qui a nécessité plusieurs discussions et recherches pour en arriver à la forme actuelle. En ce qui concerne l’appréciation du public et des critiques, je pense qu’ils ont bien ressenti l’idée. Pour moi, l’amour ne s’explique pas, c’est le grand portail par lequel toute oeuvre artistique peut décoller directement vers le succès. C’est d’ailleurs ce que j’essaie de transmettre à travers mes films, et je pense que le public aime mes oeuvres car il connaît les valeurs et les bonnes intentions que je me plais à transmettre quand je suis derrière la caméra.
— Depuis le début de votre carrière, vos films visent à défendre certains groupes marginalisés, notamment la femme comme vous montrez comme une héroïne oppressée. Est-ce une mission pour vous ?
— Pour moi, c’est trop simple : être cinéaste, c’est avoir quelque chose à quoi dire et à défendre. C’est pourquoi je pars de mes certitudes que la femme égyptienne est ligotée par son entourage, que ce soit la famille ou la société, l’une aussi masculine que l’autre. Mes films essaient de défendre les femmes puissantes et de les encourager à prendre leur destin en main. Malheureusement, peu de films s’intéressent aux femmes courageuses et obstinées ... Je trouve important de parler de la discrimination contre la femme en montrant sa bravoure.
— Certains trouvent dans vos films un excès de réalisme ... Mais vous ne plongez jamais dans la laideur, bien au contraire vous réussissez à conserver la beauté du naturel. A vous de vous expliquer ...
— Je ne tiens pas à ce que mes films soient entièrement inspirés de faits réels, mais l’art et la fiction sont toujours là. Ce que vous voyez dans le film sont des événements qui peuvent se passer réellement, des sentiments universels et des visages de tous les jours qu’on peut croiser partout. Il est essentiel de créer une atmosphère réelle plutôt que de reproduire un événement quelconque. Je dois reconnaître que j’adore les choses qui sont vraisemblables, et c’est à travers des détails qu’on peut transmettre cet effet de réalisme.
— Vous avez obtenu la nationalité égyptienne, après de longues années d’attente : votre mère est égyptienne et votre père pakistanais de nationalité britannique. Est-il si important pour un artiste d’avoir la nationalité du pays où il vit et dont il parle ?
— Je pense et répète toujours que l’artiste gagne sa nationalité de par ses idées et de par ses oeuvres. C’est pourquoi j’ai vécu toujours parmi vous en tant qu’Egyptien alors que je ne l’étais pas sur mon passeport. Maintenant, ayant la nationalité égyptienne sur les deux plans, artistique et civil, je suis devenu un vrai citoyen égyptien, avec tous les droits et les devoirs qui en résultent. Cela n’influencera certes pas mes oeuvres, déjà naturellement très égyptiennes.
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