La résistance constitue une part des atouts de l’Iran dans la gestion de son conflit avec les Etats-Unis et Israël. En plus, le conflit avec Israël a toujours été la pierre angulaire des plans du Hezbollah, parallèlement au conflit interne au Liban. Cela a contribué à créer un fardeau militaire et politique pour Israël, bien que l’ampleur de ce fardeau varie selon l’évolution du conflit.

Le Hezbollah sera préoccupé pendant un certain temps par les conséquences de la disparition de Nasrallah et des autres dirigeants du parti, allant de la reconstruction de la structure de commandement interne à la révision des règlements internes (systèmes de communication interne, répartition des dirigeants sur le terrain, restauration de l’image du parti dans la région, etc.). Ces tâches se réaliseront certainement au prix de confrontations avec Israël. Ajoutons à cela que le succès d’Israël à exécuter une série d’assassinats de membres du Hezbollah prouve qu’Israël a réussi à infiltrer le Hezbollah, ou que ce dernier a commis une erreur fatale menaçant sa sécurité.

Toutes ces réalités sont indéniables. Cependant, l’hypothèse avancée par Netanyahu ne peut être tenue pour acquise. Celui-ci a déclaré, immédiatement après l’assassinat de Nasrallah, que « l’assassinat de Nasrallah est une étape nécessaire pour changer l’équilibre des forces au Moyen-Orient ». Bien que la disparition de Nasrallah représente une évolution importante, comme expliqué ci-dessus, le changement de l’équilibre des forces est une autre question. D’une part, la détermination de l’équilibre des forces est un processus complexe qui prend en compte les principaux éléments de puissance, dont la puissance militaire est le plus important. Ces éléments ne changent pas à court terme et sont de nature systémique. Par conséquent, l’assassinat d’un acteur non étatique, qu’il soit politique ou militaire, ne peut pas entraîner de changement radical dans l’équilibre des forces.

Par ailleurs, le concept d’équilibre des forces ne peut être compris que dans le cadre d’une définition claire de ses différents éléments. Il existe un équilibre de forces au niveau des grandes puissances de l’ordre mondial, ainsi qu’un équilibre de forces au niveau régional entre les principales puissances de la région. Par conséquent, lorsque Netanyahu parle d’un changement dans l’équilibre des forces après l’assassinat de Nasrallah, il est indispensable de déterminer avec précision les différents éléments de cet équilibre. Il se peut qu’il y ait un changement dans l’équilibre des forces dans deux éventualités. La première est un changement dans l’équilibre des forces entre Israël, d’une part, et les mouvements de résistance ou les acteurs non étatiques de la région (le Hezbollah et le Hamas), d’autre part. Ce changement pourrait survenir dans un avenir proche. La seconde est un changement dans l’équilibre des forces entre Israël et le soi-disant axe de la résistance dans la région, qui comprend l’Iran et ses mandataires ou amis, également des acteurs non étatiques. Cependant, il n’est pas possible de confirmer ces éventualités pour deux raisons principales. La première est que l’équilibre des forces doit prendre en compte la force globale, qui comprend la puissance militaire, économique et d’autres aspects. La deuxième raison est liée aux circonstances actuelles, qui impliquent des calculs précis régissant l’usage de la force par les différentes parties.

En plus, bien que le concept d’équilibre des forces soit lié aux capacités militaires ou à la puissance globale, cela ne signifie pas qu’il faut exclure les conjonctures internes et leur impact sur la force globale de l’Etat. Les conjonctures internes en Israël ont un impact significatif sur l’équilibre des forces entre celui-ci et les autres parties, y compris les acteurs non étatiques. Ainsi, l’état de fragilité politique à l’intérieur d’Israël affecte sans aucun doute l’équilibre des forces dont parle Netanyahu. L’hypothèse de ce dernier doit donc être placée dans un contexte politique lié à la situation interne israélienne et aux conflits politiques entre Netanyahu et ses adversaires.

Ainsi, l’hypothèse d’un changement de l’équilibre des forces régionales suite à l’assassinat de Hassan Nasrallah ou d’autres, ou même à l’élimination d’un acteur non étatique dans la région, est extrêmement exagérée, car elle n’a pas de véritable fondement selon la théorie de l’équilibre des forces. Par conséquent, la diffusion de cette hypothèse a une signification politique. Il s’agit d’une tentative de transmettre un faux message politique dans la région .