Bombardement, destruction, décombres et colonnes de fumées noires … De Gaza au Liban, le tableau est à peu près le même. Israël poursuit sans relâche sa politique de la terre brûlée au mépris du droit international. Mardi, le 1er octobre, à l’aube, Israël a franchi la frontière libanaise, une première depuis 2006, annonçant ainsi le lancement d’une opération terrestre « limitée et précise » dans les villes du sud du Liban, « soutenue par des frappes aériennes et d’artillerie ». Cette opération a pour objectif, selon le communiqué de l’armée israélienne, d’assurer « le retour des habitants du nord dans leurs foyers ». Les regards du monde sont tournés vers le pays du Cèdre plongé depuis des années dans un cauchemar sans fin. En effet, l’offensive intervient dans un contexte de chaos total marqué par un vide politique et une crise économique exacerbée. Elle intervient également après 12 jours de frappes aériennes intenses qui ont déjà fait des centaines de morts et plus d’un million de personnes déplacées.
Ces frappes ont aussi et surtout causé la mort du secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, et de plusieurs autres dirigeants du parti. Dans sa première déclaration officielle après l’assassinat de Nasrallah, Naïm Qassem, chef adjoint du Hezbollah, a insisté sur le fait que le « Hezbollah allait toujours poursuivre sa lutte contre Israël en soutien à Gaza ». « Si les Israéliens décident d’entrer au sol, nos forces de résistance sont prêtes pour une confrontation terrestre », a averti Qassem, en menaçant qu’une « longue bataille attend Israël ».
Dangereuse extension du conflit
Mais ce n’est pas que le Liban qui inquiète. Toute la région est sous le feu. Les attaques israéliennes ont dépassé les frontières libanaises, s’étendant sur plusieurs autres fronts. Israël a lancé, lundi, des raids aériens, utilisant des avions de combat et des drones, depuis le Golan syrien occupé, visant plusieurs points de la ville de Damas. En parallèle, deux missiles sont tombés aux alentours et à l’intérieur de l’aéroport international de Bagdad. L’armée israélienne a également lancé des frappes aériennes sur la ville portuaire de Hodeïda, contrôlée par les Houthis, causant la mort de quatre personnes. La question qui se pose alors : Jusqu’où ira cette offensive ? S’agira-t-il d’une opération limitée ou du déclenchement d’un conflit à grande échelle ?
Selon Ali Atef, « les objectifs d’Israël vont au-delà du simple retour des colons au nord. Israël cherche avant tout à affaiblir les capacités militaires du Hezbollah au minimum et à éliminer ses capacités de combat. Israël vise également à pousser le Hezbollah à se retirer au-delà du fleuve Litani, afin de modifier en profondeur la réalité sécuritaire de la frontière nord ». Face à l’offensive israélienne, les options du Hezbollah « seront déterminées par plusieurs facteurs : l’intensité des opérations militaires menées par Israël, la décision de l’Iran de s’engager militairement, une chose encore incertaine, et la possibilité de mener des attaques simultanées par les groupes pro-iraniens de la région », ajoute Atef.
Avant de lancer l’offensive terrestre, Israël a mis en oeuvre une « stratégie de choc » visant à étendre les opérations militaires d’une manière qui dépasse les prévisions du Hezbollah, semant ainsi la confusion au sein du parti. Selon Tamara Berro, professeure de relations internationales à l’Université libanaise au Liban, Israël a brisé toutes les lignes rouges. « La région sera toujours au bord d’une guerre totale tant qu’Israël cherchera à entraîner l’Iran dans la guerre et que les Etats-Unis continueront à apporter un soutien sans faille à l’armée israélienne en envoyant les navires de guerre et des porte-avions dans la région », souligne Tamara Berro.
Des visées israéliennes plus larges
En effet, dès le début du conflit, le Hezbollah s’est engagé activement dans la guerre en soutien au Hamas. Si, au départ, les frappes du Hezbollah étaient limitées et contrôlées, elles ont rapidement épuisé Israël en déplaçant environ 100 000 habitants du nord. En parallèle, Israël a mené une campagne meurtrière dans le sud du Liban, tuant plus de 540 membres du parti. Cependant, à partir du 30 juillet, Israël a radicalisé ses opérations en assassinant le commandant militaire du parti, Fouad Chokr, dans la banlieue sud, et le chef du bureau politique du Hamas, Ismaïl Haniyeh, au coeur de la capitale Téhéran. Ce changement qualitatif s’est encore accéléré il y a deux semaines avec l’attentat à l’explosif visant les téléavertisseurs du Hezbollah, causant la mort de 40 personnes. Mais l’attaque la plus meurtrière a eu lieu vendredi dernier, lorsqu’Israël a attaqué le quartier central du Hezbollah dans la banlieue sud à l’aide de bombes à pénétration profonde, assassinant Hassan Nasrallah, secrétaire général du parti.
Selon Mohamed Fawzi, spécialiste au Centre égyptien des études stratégiques (ECSS), à travers la dangereuse escalade actuelle avec le Hezbollah, Israël cherche à reproduire le scénario de Gaza au Liban dans le cadre de son plan qui vise principalement à se débarrasser de l’axe de la résistance, à entraîner l’Iran dans une guerre globale et à démanteler le concept de l’unité des arènes. Même avis partagé par Ahmed Sayed Ahmed, qui souligne dans son article publié à Al-Ahram qu’au Liban, Israël adopte une stratégie similaire à celle mise en oeuvre dans la bande de Gaza : annoncer les objectifs de la guerre et justifier sa poursuite. Tout en cherchant à affaiblir considérablement l’axe de la résistance. Israël a annoncé que ses objectifs à Gaza étaient de libérer les otages et d’éliminer les factions de la résistance. Or, son but réel était de détruire complètement cette région et de la rendre inhabitable. Par conséquent, sans se soucier du sort des otages, il a saboté les négociations en cours depuis des mois, les vidant de leur contenu. Il a délibérément mis des bâtons dans les roues afin de gagner du temps et de faciliter la mise en oeuvre de son plan global qui vise à empêcher la création d’un Etat palestinien.
Téhéran, le retrait tactique
Quelle est la position de l’Iran ? Nasser Kanaani, porte-parole du ministère iranien des Affaires étrangères, a déclaré que l’Iran n’enverrait de troupes, ni au Liban, ni à Gaza. « Il n’est pas nécessaire d’envoyer des forces supplémentaires ou volontaires de la République islamique d’Iran », explique Kanaani, ajoutant que les combattants au Liban et dans les territoires palestiniens « ont la capacité et la force à se défendre contre l’agression ». Selon Ali Atef, « l’Iran adopte un double langage. Souhaitant réduire les tensions avec les pays occidentaux et régler les dossiers controversés, notamment le dossier nucléaire, Téhéran ne semble pas vouloir entrer en guerre totale avec Israël ». Le président iranien, Massoud Pezeshkian, a déclaré le 23 septembre, devant l’Assemblée générale des Nations-Unies, que Téhéran était « prêt à entamer des négociations nucléaires si les autres parties ont la même volonté ».
Quels scénarios à venir donc ? Selon Fawzi, l’invasion terrestre peut transformer le Liban en un deuxième Gaza. Un scénario plus prévu que jamais, d’autant plus qu’Israël voit dans le contexte actuel une opportunité favorable pour atteindre tous ses objectifs au Liban. « Mais cela ne signifie pas que cette mission sera facile, compte tenu de plusieurs éléments principaux. Premièrement, les grandes capacités de combat et militaires du Hezbollah restent jusqu’à présent inutilisées. Deuxièmement, cette bataille sera existentielle pour le Hezbollah. Enfin, le principe de l’unité des champs de bataille pourrait être pleinement réalisé », conclut Fawzi.
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