Samedi, 05 octobre 2024
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Irremplaçable Najet

Mercredi, 02 octobre 2024

Najet Belhatem, l’une des journalistes d’exception d’Al-Ahram Hebdo et l’une de ses fondatrices, nous a quittés dimanche 29 septembre. Polyvalente, d’une grande compétence, elle a marqué de son empreinte notre journal pendant près de 25 ans. L’équipe de l’Hebdo salue sa mémoire.

Irremplaçable Najet

L’Hebdo ne pouvait rendre hommage à Najet Belhatem sans cet écrit publié sur son propre blog.

Un texte court mais poignant. Un adieu fort en émotions qu’elle a elle-même signé.

« Elle regardait derrière elle, comme si elle lançait un regard d’adieu à un corps inanimé. Qu’il est lourd, ce fardeau qu’elle a porté jusque-là ! Il lui faut désormais trouver un coffre où mettre toutes ses valises qu’elle a soigneusement rangées et fermées. Mais elle n’a pas réussi à se débarrasser de ce fardeau. Chaque infime partie de son corps sonne l’heure du départ … Un départ sans bagage, sans billet d’avion, sans souvenirs …

Les prisons dans lesquelles on s’enferme jour après jour pèsent plus lourd que tous les objets que nous possédons. Elles n’ont ni couleur, ni odeur, ni barreaux, ni portes, ni serrures, ni gardiens. Elles se cristallisent dans la forme d’une douleur profonde et continue. Une douleur qu’on finit par apprivoiser, au point de ne plus vouloir la quitter ».

 Adieu Najet

Lorsqu’on prononce le nom de Najet, ce sont immédiatement de beaux souvenirs qui reviennent à l’esprit. Najet n’était pas un membre ordinaire de la grande famille de l’Hebdo, c’était un membre influent. Elle a laissé derrière elle une empreinte journalistique indélébile. Nous avons été pendant longtemps ses disciples et nous continuerons à apprendre d’elle, même après son départ.

Najet Belhatem a rejoint l’équipe d’Al-Ahram Hebdo à la fin de 1994. Au départ, elle travaillait dans la rubrique Enquête avant d’être promue au service de contrôle qualité du journal, le Desk comme on l’appelle. Elle était chargée de réviser les articles avant leur publication. En tant que journaliste, elle a signé une série d’enquêtes et d’articles qui ont attiré un large lectorat et qui ont suscité son admiration.

En tant que membre du Desk, elle avait l’habitude de parler aux journalistes, leur proposait des idées non conventionnelles, avant de mettre sa touche finale sur les articles. Elle avait toujours un plus à fournir dans chacun des articles signés par ses collègues et n’a jamais lésiné sur l’effort et le temps quand il s’agissait de revoir un article. Même si cet effort restait à l’ombre, cela ne la dérangeait guère. Je n’ai peut-être pas eu la chance de parler avec elle de son quotidien ou des détails de sa vie. Cependant, nous avons eu quelques conversations et nous n’arrêtions pas de rire et de blaguer.

Le jour de son anniversaire coïncidait avec celui de ma mère. Amusée, elle me disait que je lui devais une fête à cause de cette coïncidence et qu’il n’était pas question que j’y échappe. Nous avons partagé de longues et riches discussions professionnelles et humaines. Elle a toujours été modeste et sincère, et n’avait qu’un seul objectif, celui de présenter le travail de la manière la plus parfaite.

Najet travaillait en silence. Elle ne montrait pas ses moments de joie ou de tristesse. Elle était tenace et résistante. Son sourire ne la quittait jamais même dans sa maladie, l’un des moments les plus difficiles de sa vie qui remonte à quelques années. Elle n’a jamais voulu être un fardeau pour les autres. Ses conditions de santé l’ont empêchée de rester avec nous, mais elle ne nous a jamais quittés. Son travail restera parmi nous et continuera à éclairer les registres de notre journal.

Cette année, alors que nous nous préparons à célébrer le 30e anniversaire de l’Hebdo, Najet est à la tête des personnes à qui nous devons rendre hommage. Malheureusement, elle est partie avant de connaître la place qu’elle occupe dans nos coeurs.

Najet est partie, son corps uniquement, mais elle sera toujours avec nous, avec ses prises de positions humaines et l’empreinte qu’elle a laissée. A bientôt la militante qui a toujours été une source d’inspiration pour ses collègues et amis. Nous ne t’oublierons jamais.

Névine Kamel

 Une soeur et bien plus

 J’ai perdu une soeur, un repère dans les méandres de mon coeur, un colosse qui s’est battu jusqu’au dernier souffle. Abandonner ne faisait pas partie de son vocabulaire et même lorsque les mots lui manquaient et que les maux la torturaient, elle continuait le combat pour elle, pour sa famille, pour son fils, pour nous tous … elle me manque terriblement. Merci à vous tous d’avoir été là tout ce temps et de l’avoir tant aimée.

Ilhem Belhatem-Schneider

 Un au revoir … puis un adieu

 On s’était dit au revoir il y a quelques années, lorsque la maladie l’a obligée à rentrer en Algérie, parmi les siens. C’est là-bas que je l’ai vue la dernière fois, il y a déjà cinq ans. C’est là-bas qu’elle est partie, entourée de sa famille. Loin de son autre famille, tout aussi éprouvée par son départ, celle de l’Hebdo, dont elle était l’un des principaux piliers et l’un des fondateurs. Le vide que Najet a laissé à l’Hebdo, on le sentait déjà depuis des années, même si on avait toujours l’espoir, un peu fou, de la revoir un jour dans toute sa forme … Car Najet était un personnage central de notre journal, une belle plume, un véritable professionnalisme, un dévouement sincère, une vive intelligence. Najet, c’était aussi la capacité à aller de l’avant avec force et détermination, le sourire aux lèvres toujours, malgré tout. Malgré la douleur et les déceptions de la vie. Un coeur tendre et une extrême sensibilité cachés derrière un air parfois dur.

Adieu Naj, tu nous manquais déjà, tu nous manqueras encore plus.

Abir Taleb

 A celle qui maîtrisait les mots

Toi qui aimais et maîtrisais si bien les mots, tu me laisses sans mots. Tu es partie mais tu laisses derrière toi tes écrits, des souvenirs doux et toute ton amitié.

Nabila Massrali

 Najet la battante

 Celui qui ne la connaît pas doit probablement penser qu’elle était juste une femme forte et sérieuse. Mais derrière cette force se cachait une personne très délicate. Il y a des gens qui décident de garder toujours un air de sérieux et une apparence robuste, une sorte de protection afin que personne ne découvre à quel point ils sont fragiles. Je pense que Najet était de ce genre. Cette femme, maman, amie et collègue exceptionnelle était toujours prête à tendre la main à ceux qui avaient besoin avec tout ce qu’elle possédait au niveau professionnel et au niveau humain. Pour moi, elle était une collègue, une amie et une enseignante qui ne semblait jamais lésiner sur ses connaissances, ses conseils et son expérience tant sur le plan personnel que professionnel. J’ai beaucoup appris d’elle en tant que journaliste, mais aussi sur le plan personnel au fil des ans, et je me souviens encore jusqu’à aujourd’hui de ses paroles.

Une combattante têtue qui ne connaissait ni faiblesse ni reddition, et malgré tout, elle avait toujours un sourire confiant sur son visage et soulevait le slogan « I will survive ».

Aimant la vie, elle était toujours en mouvement, faisait de nouvelles connaissances, découvrait de nouveaux métiers, changeait de lieux.

Même après sa dernière chute, elle a gardé une forte volonté de guérir. Malheureusement, la maladie l’a emporté. Non pas parce que son corps s’est effondré, mais parce que son âme était brisée.

Dieu merci, l’esprit de Najet a finalement été libéré. Paix à ton âme, Najet.

Hanaa Al-Mekkawi

 Hymne à Najet

 Je me sens comme un oiseau impuissant dans une cage, tandis que le temps à l’extérieur est extrêmement beau. Il se peut que j’aille m’asseoir dans le parc pour contempler la laideur et la fatigue sur les visages des hommes. Sans doute j’ai dans mes yeux des mondes hideux parce que je vois des visages laids, sans âme et sans vertu, des visages sans marques ni traits ...

Je suis fatiguée du monde ... Je dois aller dans les terres reculées non pas pour se perdre mais pour se retrouver. On peut retrouver son soi partout. Mais dans les grandes cités, il faut lutter avec une épée afin de voir l’ombre de soi.

Amira Doss

 Un soutien à tous les niveaux

 Elle m’a appris beaucoup de choses sur le journalisme. Elle m’a appris à défendre mon point de vue. Quand j’écrivais quelque chose qu’elle n’aimait pas, elle me disait : « Tu peux faire mieux ». Elle était parmi les fondateurs de l’Hebdo et elle aidait tous ceux qui lui demandaient de l’aide. Elle avait l’air d’être très forte, mais elle avait un coeur très doux. Sa maison était ouverte à tous. Tous ceux qui avaient des soucis pouvaient aller la voir. On ressortait de chez elle avec plein d’énergie positive. En dehors du travail, nous avions une réunion hebdomadaire le mercredi au clubhouse d’Al-Jazira. Personne n’était au courant de cette réunion qui a duré des années. Nous nous rencontrions sans nous téléphoner ni nous donner rendez-vous. Mais nous rechargions nos batteries pour le reste de la semaine. Elle m’a soutenue dans de nombreuses situations personnelles et elle m’a encouragée à prendre des décisions importantes dans ma vie.

Aujourd’hui, elle est décédée après avoir vécu dans un corps mort.

Elle a dormi et s’est réveillée inerte.

Elle souffrait depuis des années.

Je ne sais pas si je dois pleurer ou remercier Dieu.

Ma seule consolation est que Dieu lui a épargné la douleur.

Mais la séparation est difficile.

Au revoir, Najet.

Chérine Abdel-Azim

 Tu as élu résidence dans mon Coeur

 Je me suis souvent interrogée sur la maladie soudaine, brutale, perfide, maudite qui t’a éloignée de nous, et sur la sagesse de cette soudaineté pour une femme travailleuse, professionnelle dans son travail de journaliste, amoureuse de la vie, croyant aux autres, à une maternité qui n’appartient qu’à elle et une amie fidèle.

Je ne trouve jamais de réponse à ma question et je la fuis souvent, imaginant parfois qu’il s’agit d’un message douloureux venu de loin.

Apprendre à se plier au destin, à atténuer les conflits, et peut-être à réaliser que chaque instant est une vie mortelle.

Où que tu sois, tu as depuis longtemps élu domicile dans mon coeur, et ta place ne bougera pas jusqu’à ce que nous nous rencontrions.

Dina Kabil

 Toujours présente

 Bien que je ne l’aie connue qu’au desk seulement, son influence a laissé de profondes empreintes dans mon coeur et son départ a laissé une plaie difficile à guérir. Son esprit ouvert m’a appris à voir les choses autrement, que ce soit sur le plan professionnel ou personnel. Pour Najet, chaque détail est important. Lorsque j’ai rédigé un article à l’occasion de « 150 ans du Caire khédivial », elle m’a félicitée et m’a dit que l’Hebdo devait publier un supplément sur ce sujet avec mon reportage comme base. Et ça a été fait. Elle nous a consacré, nous membres de la rubrique Voyages, un peu de son temps pour développer notre maîtrise journalistique. C’était un stage court mais formidable. Une personne très active, enthousiaste et pleine d’espérance. Elle était aussi une remarquable artiste-peintre. Ses oeuvres, qui ornaient les murs de sa maison, finement réalisées, en témoignent. Ses yeux et ses regards reflétaient tous ces caractères, malgré la maladie qui l’a affaiblie.

Najet, tu es toujours présente dans les salles du journal, les coulisses du travail et surtout dans le coeur de tes amis, de tes collègues et de tes disciples dont je fais partie.

Doaa Elhami

 Fini l’aventure !

Ensemble, nous avons vu des éléphants roses… Tu t’en souviens ? C’était un jour d’été, il faisait une chaleur torride, et on devait effectuer le travail de deux semaines en 3-4 jours, comme avait l’habitude l’ancienne équipe choc du service Enquête : toi, Nabila Massrali, Heba Zaghloul et moi-même. Au volant, je te taquinais en fredonnant la chanson de Gainsbourg : « Je bois. A trop forte dose. Je vois des éléphants roses. Des araignées sur le plastron… ».

Le soleil avait tapé fort, et on n’avait plus la tête pour nous mettre à écrire, alors on est rentrées chez moi pour faire une petite sieste avant d’enchaîner jusqu’au lendemain. Faire une enquête à deux voulait dire aussi rigoler beaucoup, manger et boire, mener toute une vie pendant quelques jours, en étant sur le terrain, passant souvent d’une aventure à l’autre, d’un sujet à l’autre.

Une fois, on se retrouve avec un certain Qadhafi dans une voiture ringarde, roulant lentement entre les oasis de Kharga et Dakhla. Il nous fait visiter la ville médiévale d’Al-Qasr, tu en as pris des photos, mais tu les as gardées… Je n’en ai aucune !

Plein de rencontres fortuites avec des gens intéressants, d’autres un peu moins, parfois collants. Certains nous exaspéraient en nous disant qu’on avait toutes les deux un nez de Cléopâtre ! Et nous, on ne savait plus comment le prendre ! « Un nez proéminent voulait-on dire finalement ! »

On rentre de je ne sais d’où dans un bus de nuit, portant chacune une statue en terre cuite, l’œuvre d’un artiste naïf qu’on avait découvert par hasard… Je penserai à toi, à chaque fois je préparerai un couscous aux légumes, puisque c’est toi qui m’as initiée aux exquis plats algériens, qu’on dégustait chez toi entre amis, ceux que tu as cumulés depuis ton arrivée en Egypte durant la décennie noire. C’est là qu’a commencé ton aventure cairote, dont tu étais fière, car représentant ton côté récalcitrant.

Dalia Chams

Najet la maman

Entre Najet et moi il y avait un grand secret : celui d'être les mamans de 2 garçons nées en 1999. On partageait les joies, les soucis, les déceptions et les  rêves qui doublaient au fur et à mesure que les garçons grandissaient. Quand il s'agissait de Nidal, il y avait une autre facette de Najet, douce, tendre mais toujours aussi forte et prête à se battre pour son enfant. Une maman peuseuse et intellectuelle comme Najet était toujours préoccupée par l’avenir de  cette génération, née dans un monde caractérisé par l'injustice et la cruauté. Quel espoir nous avons ressenti quand  la révolution de Janvier a éclaté en   
2011! Enfin nos enfants pourrons avoir un avenir meilleur. Ce qu'elle a sacrifié pour son fils peut surprendre tout le monde, même ceux qui pensait bien la connaître. Elle me disait "Nidal est ma raison d'être, c'est ce que je lui dois". Quand elle pensais trop, c'etait à lui et pour lui, il était son unique source de joie. 
 J'ai toujours gardé l'espoir de ton retour, car les rêves et les soucis ne sont pas finis même si les garçons semblent avoir grandi, J'avais trop de chose à  te raconter. Adieu mon amie, repose toi bien dans le beau paradis que Allah a promis aux mamans.

Rim Darwich

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