Mercredi 5 mars, les autorités égyptiennes ont interdit l’entrée en Egypte de plus de 80 activistes étrangères. Elles voulaient rejoindre Gaza à travers le terminal de Rafah qui sépare l’Egypte du territoire palestinien. Ces militantes de la Coalition internationale des femmes contre le blocus de Gaza, dont Mairead Maguire, une activiste irlandaise âgée de 70 ans et prix Nobel de la paix en 1976, prévoyaient de soutenir les Gazaouis en leur rendant visite à l’occasion de la Journée internationale de la femme.
Le porte-parole du ministère égyptien des Affaires étrangères, Badr Abdel-Aati, a toutefois indiqué dans un communiqué que Le Caire avait expliqué aux militantes que « le calendrier n’était pas approprié, compte tenu des conditions de sécurité exceptionnelles dans le Nord-Sinaï et de la difficulté d’assurer leur sécurité jusqu’à leur arrivée au passage de Rafah ».
Le point de passage de Rafah, principal couloir bordant la bande de Gaza, est fermé du côté égyptien depuis plus d’un mois, laissant des milliers de personnes bloquées des deux côtés. Depuis le 3 juillet dernier, le passage ne s’ouvre que rarement, mais c’est la première fois depuis des années qu’il reste fermé pour une si longue durée.
Suite à la décision d’une cour égyptienne d’interdire toute activité du Hamas en Egypte, les autorités ont décidé de maintenir la fermeture du poste-frontière « jusqu’à nouvel ordre ».
« On est comme des oiseaux enfermés dans une cage et on attend que quelqu’un nous ouvre la porte », déplore une Palestinienne très âgée et bloquée depuis 15 jours du côté palestinien.
Le terminal de Rafah, qui est le seul point de passage vers le territoire palestinien qui ne soit pas contrôlé par Israël, est devenu une sorte de baromètre, pour mesurer la tension entre Le Caire et le Hamas. Si les relations sont bonnes, le terminal est ouvert, sinon, il est fermé.
Il se ferme fréquemment du côté égyptien au gré de la situation sécuritaire. Sous Moubarak, le terminal était fermé la plupart du temps. Après la révolution du 25 janvier 2011, il est resté ouvert de manière permanente avec toutefois certaines restrictions sous le Conseil militaire et sous Morsi.
L’attaque sanglante tuant 16 soldats égyptiens dans le Nord-Sinaï et l’enlèvement de 7 autres avaient conduit à la fermeture du passage pour 20 jours sous Morsi. Depuis l’éviction de l’ancien président en juillet dernier, l’Egypte a rarement ouvert le point de passage.
Problèmes sécuritaires accrus
Les services de sécurité ne cachent pas leur inquiétude vis-à-vis de l’insécurité croissante dans le Sinaï. Ils ont mis en avant des liens entre certains militants de la bande de Gaza et des groupes qui se revendiquent d’Al-Qaëda dans le Sinaï, aujourd’hui sous déploiement militaire renforcé.
Des membres du Hamas sont aussi accusés d’entrer illégalement à travers le poste-frontière avec de faux visas et d’être derrière les attentats terroristes qui secouent le Sinaï suite à la destitution de Morsi. Ainsi, selon le Hamas, depuis le début de l’année, le terminal de Rafah n’a été ouvert que pendant 9 jours.
L’Egypte est au bord de s’isoler complètement de ses voisins gazaouis alors que les relations diplomatiques avec les Palestiniens du Hamas sont quasiment interrompues.
En visite à Ramallah, l’actuel ministre égyptien des Affaires étrangères, Nabil Fahmi, aurait clairement fait savoir que « l’Egypte aimerait voir les forces de Abbas contrôler à nouveau le passage frontalier ».
Le maintien de la fermeture du terminal semble être lié à des considérations sécuritaires. Mais cette fermeture a également des conséquences humanitaires et signifie l’enfermement total d’un million et demi de Palestiniens, et consolide le blocus imposé par Israël sur la bande de Gaza.
« La fermeture du passage pendant plus d’un mois d’affilée est illogique. Il y a des milliers de malades palestiniens partis se faire soigner ou opérer d’urgence ainsi que des détenteurs de la double nationalité qui ont besoin de voyager. Et avec la rentrée universitaire, des centaines d’étudiants palestiniens attendent de pouvoir passer », regrette Ghazi Hammad, vice-ministre des Affaires étrangères du Hamas.
M. Hammad prévient que la fermeture continue du passage de Rafah conduira à « une grave crise humanitaire », appelant les autorités égyptiennes à rouvrir immédiatement le seul accès des Gazaouis au monde extérieur.
Mohamad Gomaa, chercheur au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram, souligne que « l’Egypte est poussée à fermer le passage de Rafah en raison des circonstances difficiles que traverse le pays, surtout avec les attaques terroristes dans le Sinaï. L’Egypte a le droit de fermer le passage pour protéger sa sécurité ».
La situation s’est encore compliquée, car le Hamas a depuis quelques mois refusé d’utiliser le passage d’Erez avec Israël comme alternative au terminal de Rafah. Plus de 90% des Gazaouis ne peuvent pas voyager à travers Erez, en raison des contrôles de sécurité drastiques imposés par Israël.
Début 2008, confrontés à une pénurie suite au blocus israélien, des Palestiniens avaient détruit à l’explosif une partie du mur en béton situé côté palestinien de la frontière, avant de faire sauter des pans d’un autre mur situé du côté égyptien. Le Sinaï avait vu une ruée de plusieurs dizaines de milliers de Palestiniens venir faire des provisions. Aujourd’hui, les Gazaouis doivent se sentir plus seuls que jamais.
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