Al-Ahram Hebdo : Comment réagissez-vous au verdict interdisant les activités du Hamas en Egypte et le considérant comme une organisation terroriste ?
Sami Abou-Zohri: Ce verdict est politique. La justice égyptienne a, certes, le droit de juger tout contrevenant sur son territoire, mais elle n’a pas le droit de juger une organisation qui n’existe pas sur le sol égyptien et qui ne dispose ni de siège, ni de bureau en Egypte. Ce qui veut dire que la décision est purement politique et elle vise la résistance et la cause palestiniennes. Cette décision est un précédent. L’objectif serait bien sûr d’affaiblir la résistance palestinienne.
— Quelles sont les répercussions de cette décision sur le Hamas et la bande de Gaza ?
— Cela augmentera les souffrances des Palestiniens dans la bande de Gaza et affaiblira la résistance palestinienne. L’Egypte a toujours soutenu le peuple palestinien et a fait beaucoup de sacrifies pour la cause. Nous tenons au rôle égyptien et nous tenons encore à la stabilité parce que cela impliquerait parallèlement la stabilité de la cause palestinienne. Le récent verdict écarte l’Egypte de la cause palestinienne et neutralise son rôle dans le conflit arabo-israélien.
— Aura-t-elle un impact sur la réconciliation interpalestinienne, lancée au Caire il y a trois ans ?
— Cette décision isole l’Egypte de la cause palestinienne et met un terme à son rôle dans la réconciliation. Ce que nous ne souhaitions pas. Nous tenons au rôle égyptien et avons confiance dans la médiation du Caire, car nous estimons que les positions de l’Egypte vis-à-vis de la résistance palestinienne ne peuvent pas faire l’objet de marchandages. Ce verdict porte atteinte non pas seulement au Hamas, mais également à la cause palestinienne, et son impact sera négatif sur la réconciliation entre les frères palestiniens. Nous devons à tout prix parvenir à une solution finale au sujet du conflit palestino-israélien. Nous avons entendu les déclarations du ministre des Affaires étrangères égyptien, Nabil Fahmi, selon lesquelles le verdict n’aura aucun impact sur la médiation égyptienne et que la réconciliation est un objectif en soi. Elle n’est aucunement liée au verdict. Nous souhaitons que l’Egypte continue à apporter son appui à la cause palestinienne comme elle l’a toujours été. Le mouvement de résistance du Hamas est soucieux de maintenir ses relations stratégiques avec l’Egypte. J’invoque Le Caire à assumer sa responsabilité morale et nationale à l’égard de la cause palestinienne. Je dirais que cette décision de justice va à l’encontre de la résistance palestinienne.
— Comment réagissez-vous aux accusations relatives à votre implication dans des actes de violence pendant la révolution de janvier 2011 en Egypte ?
— Ces informations véhiculées par les médias sont infondées. Le Hamas n’a jamais été impliqué dans des opérations menées sur le territoire égyptien avant ou après la révolution de janvier 2011. Le Hamas ne dispose d’aucun siège ou d’aucune branche en Egypte et n’a pas été non plus impliqué dans des actes de violence depuis la chute du président Mohamad Morsi. Le Hamas est un mouvement palestinien de résistance, et notre rôle et sa position sont connus. Nous ne serons impliqués dans aucun acte de violence en Egypte. Nous tenons au rôle de l’Egypte et à sa stabilité parce que cela est dans l’intérêt de la cause palestinienne. Tout le monde sait qu’Israël, qui cherche à affaiblir la résistance palestinienne, est l’unique bénéficiaire de la tension qui marque aujourd’hui notre relation avec Le Caire.
— La situation actuelle aura-t-elle des répercussions sur le terminal de Rafah, objet de discordes récurrentes entre le Hamas et Le Caire ?
— Certainement. La situation humanitaire va empirer, car la fermeture totale du terminal resserrera l’étau sur la bande de Gaza, assiégée depuis six ans. J’espère que le verdict n’affectera pas ce point de passage, surtout après la destruction de la plupart des tunnels à cause de la situation sécuritaire dans le Sinaï. Tout ce que nous espérons est que l’Etat égyptien prenne en considération les conditions humanitaires difficiles à Gaza, d’autant plus que le point de passage de Rafah est l’unique accès au monde extérieur pour des millions de Palestiniens .
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