Spontanée, l’archéologue agit sans affectation ; sa vaste culture, elle l’a cumulée depuis son enfance. Au Lycée de Maadi, Ola El-Aguizy se plaisait beaucoup pendant les cours d’histoire et de géographie. Ses professeurs restaient bouche-bée lorsqu’elle posait des questions curieuses et intelligentes, interrogeant les faits historiques.
Elle a découvert sa vocation pour l’archéologie lors d’une croisière sur le Nil entre Louqsor, Assouan et Abou-Simbel, qu’elle a effectuée avec ses parents à l’âge de neuf ans. « Une guide touristique très attentive nous donnait des explications très claires sur les sites les plus emblématiques de la région, notamment Kom Ombo, la Vallée des rois et le temple de Philae », raconte-t-elle. Plus tard, à ses onze ans, Ola El-Aguizy avait l’habitude de se rendre au sud afin de visiter la ville d’Assiout et ses environs et faire le circuit copte qui compte le monastère suspendu et les plus importants monastères chrétiens, ainsi que les vieux monuments coptes égyptiens. Dans la ville de Minya, elle se sentait comblée en découvrant davantage les merveilleux sites archéologiques du pays.
Vu son amour pour l’histoire de l’Egypte Ancienne, El-Aguizy a opté pour des études à la faculté d’archéologie de l’Université du Caire. Elle a fait partie du corps enseignant à partir de 1970. Elle a obtenu un master en archéologie en 1978 et a terminé sa thèse de doctorat en 1985. Puis, elle a grimpé les échelons jusqu’à devenir cheffe de département en 2002. Et un an plus tard, elle a été nommée doyenne de la faculté d’archéologie. Puis, entre 2006 et 2008, elle a enseigné les anciennes langues égyptiennes, avant de travailler jusqu’à présent comme professeure émérite.
En 2005, elle a conduit des travaux de fouilles à Saqqarah et son équipe a découvert des tombes de dignitaires qui remontent notamment au temps du roi Ramsès II, le troisième pharaon de la XIXe dynastie (1279 à 1213 avant notre ère), réputé pour ses prouesses militaires.
Ces découvertes se sont étalées sur plusieurs années. « Le travail sur le chantier me fascine et me passionne », lance l’archéologue, qui a découvert, avec une équipe de 30 personnes en 2014, les tombes — vieilles de plus de 3 000 ans — de deux dirigeants de l’armée. La première, en calcaire, date de la fin de l’époque ramesside, une subdivision du Nouvel Empire caractérisée par l’abondance de rois portant le nom de Ramsès. Elle appartenait à Paser, le chef des archives militaires et émissaire du pharaon à l’étranger. La seconde tombe, faite en briques crues, est celle de Ptahmes, chef de l’armée et de la trésorerie sous Seti Ier et Ramsès II.
La pandémie de Covid-19 ne l’a guère découragée de poursuivre ses recherches et les fouilles qu’elle mène dans la célèbre nécropole de Saqqarah, à une vingtaine de kilomètres au Sud du Caire.
En 2017, c’est grâce à elle que l’on a redécouvert la tombe d’Ourkhya, un puissant général de Ramsès II, dans la nécropole du Nouvel Empire située au sud de la chaussée d’Ounas à Saqqarah. Ourkhya, qui n’était pas d’origine égyptienne, a commencé son illustre carrière militaire sous le règne de Seti Ier, mais celle-ci a atteint son apogée sous Ramsès II.
En janvier 2021, le ministère égyptien du Tourisme et des Antiquités a annoncé la découverte de nouveaux trésors archéologiques, réalisée par l’équipe active de l’Université du Caire. « La sépulture qui appartient à Ptah-M-Wia, trésorier et scribe royal sous le règne du pharaon Ramsès II, est vieille de 3 200 ans », note Ola El-Aguizy, qui a orchestré cet exploit.
Avec les membres de son équipe, elle a découvert 250 sarcophages en bois renfermant des momies datant du Ve siècle av. J.-C. en 2022. « Au sein de l’un d’entre eux, nous avons trouvé un papyrus intact et scellé, qui a été immédiatement transféré au laboratoire du Musée égyptien, à la place Tahrir, pour y être restauré et analysé », précise fièrement El-Aguizy.
Les membres de la mission archéologique, qu’elle préside, travaillent tous les ans au cours d’une période déterminée allant du mois de novembre au mois d’avril, avec l’autorisation du ministère du Tourisme et des Antiquités. « En tant qu’archéologues, on préfère travailler pendant ce temps pour éviter la chaleur estivale et pour que les activités se déroulent durant l’année universitaire ». L’équipe doit être munie de tout un matériel de protection : chaussures de sécurité, bottes en caoutchouc, casques, gants, genouillère en mousse et pantalon de chantier. Et ceci, outre les outils indispensables au travail : truelle, pelle à poussière, balayette, grosse cuillère, mètre ruban métallique, ficelle élastique, fils à plomb ...
En fait, dès sa tendre jeunesse, Ola El-Aguizy a adoré les langues. Elle a appris le français depuis le jardin d’enfants, et en 3e primaire, elle a commencé ses cours d’anglais. Ses professeurs au Lycée avaient informé ses parents qu’elle était de nature très curieuse et qu’elle avait une grande capacité d’apprendre et de s’adapter.
A l’école secondaire, elle a fait la connaissance d’une jeune Espagnole. « Cette nouvelle amie m’a alors appris la langue espagnole en jouant avec des voitures en miniature et à travers les couleurs ... Puis, j’ai élargi mon vocabulaire au fur et à mesure et j’ai classé les mots par catégorie », dit Ola.
Après avoir obtenu le baccalauréat, la jeune polyglotte s’est posé la question : où faire les études universitaires ? « J’ai hésité beaucoup, mais un jour, j’ai appris qu’à la faculté d’archéologie, on enseignait les langues de l’Egypte Ancienne, ainsi que les différentes versions de l’écriture hiéroglyphique. Car celle-ci a évolué au fil du temps pour englober l’hiératique et le démotique », souligne l’égyptologue. Le démotique, écriture abrégée dépourvue de toute trace picturale, a progressivement remplacé l’hiératique.
Spécialisée en démotique, Ola El-Aguizy a publié de nombreux articles sur ce genre d’écriture ancienne. Elle est experte en langues anciennes et a traduit l’ouvrage de l’Allemand Markus Messling intitulé Les Hiéroglyphes de Champollion du français vers l’arabe.
En 2004, elle est partie à Paris pour donner des cours aux étudiants du « Collège de France » sur le temple égyptien à l’époque ptolémaïque et le régime administratif du clergé. « Etant francophone, je me suis facilement adaptée sans problème », dit-elle.
Dès 2006, elle a occupé la fonction de « chercheur associée » à l’Institut Français d’Archéologie Orientale (IFAO). Elle a été également membre du Comité administratif de cet institut.
En 2009, elle a été décorée par l’Ambassade de France comme officier des palmes académiques.
Depuis, elle participe régulièrement à des conférences internationales. « La toute dernière a eu lieu en Hollande en 2023. Et en 2019, la même conférence s’était déroulée au Caire ».
L’universitaire-archéologue ne cesse de changer de casquette, passant d’un rôle à l’autre, d’une mission à l’autre et multipliant les rapports avec l’étranger.
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