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Réforme du Conseil de sécurité : Enjeux et perspective

Ola Hamdi , Mercredi, 25 septembre 2024

Réformer le Conseil de sécurité pour le rendre « plus efficace », un point-clé du « Pacte pour l’avenir » adopté par les Etats membres de l’ONU. Une demande de longue date réclamée par l’Afrique, mais qui attend toujours.

Réforme du Conseil de sécurité : Enjeux et perspective

La question de la représentation équitable et la réforme du Conseil de sécurité sont à l’ordre du jour des débats du Sommet de l’avenir et de la 79e session de l’Assemblée générale des Nations-Unies. L’Egypte a maintes fois défendu une représentation plus équitable des pays en développement, en particulier africains, au sein du Conseil de sécurité.

Quelques heures après le coup d’envoi de la 79e session de l’Assemblée générale des Nations-Unies, les Etats-Unis avaient annoncé leur soutien à la création de deux sièges permanents pour les pays africains au Conseil de sécurité de l’ONU, mais « sans droit de veto », comme l’a déclaré l’ambassadrice des Etats-Unis aux Nations-Unies, Linda Thomas-Greenfield, qui a clairement indiqué que « les Etats-Unis ne soutenaient ni l’extension du droit de veto pour de nouveaux membres, ni son abolition pour les membres actuels ». Bien que la majorité des Etats membres de l’ONU rejettent la représentation injuste au Conseil de sécurité héritée en grande partie de l’après-Seconde Guerre mondiale, la question de sa réforme constitue un dilemme et ses résultats sont incertains en raison des divergences de vues sur la future formule à adopter et le sort du droit de veto.

L’approbation de la réforme nécessite qu’elle soit adoptée puis ratifiée par les deux tiers des 193 Etats membres, dont les cinq membres permanents du Conseil. « Cette réforme renforcera la légitimité et l’efficacité des résolutions du Conseil de sécurité, réduira les cas de paralysie politique auxquels nous assistons actuellement sur de nombreuses questions internationales importantes et garantira également que les résolutions internationales soient plus représentatives des intérêts de l’ensemble de la communauté internationale et non seulement les intérêts d’un nombre limité de pays », a affirmé Mohamed Mahran, spécialiste du droit international.

En effet, le Conseil de sécurité est responsable du maintien de la paix et de la sécurité internationales. Il a le pouvoir d’imposer des sanctions, d’interdire les armes et d’autoriser le recours à la force. Il a été composé de 11 membres lors de la création des Nations-Unies en 1945, avant que ce nombre ne passe à 15 membres en 1965, dont 10 pays élus pour un mandat de deux ans et cinq membres permanents avec droit de veto : la Russie, la Chine, la France, les Etats-Unis et la Grande-Bretagne.

L’Afrique a cherché pendant des décennies à obtenir des sièges permanents et a pris de nombreuses décisions depuis la Déclaration de Syrte en 1999 pour réformer les Nations-Unies et le Consensus d’Ezulwini qui en a suivi en 2005 et qui a été adopté par l’Union africaine et représentait à l’époque la position africaine commune concernant la réforme du Conseil de sécurité. « La revendication africaine est une demande juste et nécessaire, d’autant plus que le continent africain, avec sa population de plus de 1,3 milliard d’habitants et ses énormes ressources, mérite une représentation à la hauteur de sa taille et de son importance stratégique », souligne Mahran.

L’Afrique, une représentativité qui s’impose

Les crises africaines occupent environ 50 % des travaux du Conseil de sécurité et font l’objet de la majorité de ses résolutions. La Sierra Leone représente le Groupe africain aux Nations-Unies, qui comprend 54 pays du continent. « La présence africaine permanente contribuera à promouvoir la représentation équitable des questions africaines et à accroître l’efficacité du Conseil de sécurité dans la gestion des conflits dans le continent africain, en plus de parvenir à un meilleur équilibre dans les décisions internationales, notamment économiques et de développement », souligne Mahran.

De son côté, Dr Iman Al-Chaarawi, chercheuse spécialisée dans les affaires africaines, a noté que les questions africaines étaient traitées avec une extrême duplicité, notamment en ce qui concerne les conflits. « Si l’on observe l’ampleur prise par la guerre en Ukraine, à Gaza et au Soudan, on ne peut qu’être frappé par l’inaction du Conseil de sécurité. Ce constat vaut également pour la Somalie, où les tentatives de partition du pays se poursuivent. En parallèle, l’Afrique subit de plein fouet les conséquences du changement climatique, un phénomène dont elle n’est pas responsable. A cela s’ajoute la crise de la dette mondiale, qui a atteint des niveaux record de 315 000 milliards de dollars, avec des répercussions majeures sur le continent africain », explique Iman Al-Chaarawi.

De nombreux postulants

Les déclarations américaines en faveur de l’Afrique ont ouvert la porte, selon les observateurs, à une compétition entre les pays africains pour l’obtention des deux sièges, d’autant plus qu’un certain nombre de pays réclamaient depuis longtemps cette démarche. La liste est longue. Elle comprend l’Egypte, l’Algérie, le Maroc, l’Afrique du Sud, le Kenya, le Nigeria et l’Ethiopie.

L’Egypte voit la nécessité de représenter l’Afrique au Conseil de sécurité avec sept pays, deux pays permanents et cinq pays non permanents. La diplomatie égyptienne a toujours souligné l’importance de réformer le système d’adhésion au Conseil de sécurité et de reconsidérer l’utilisation du veto par les pays membres permanents.

Quant à l’Algérie, elle a accueilli le mois dernier une réunion qui a rassemblé 12 pays africains pour unifier les efforts et approuver la présence permanente de l’Afrique. « Si cette démarche s’ouvre à tous les pays africains, je pense que plus de la moitié des pays verront qu’ils en ont le droit. Je crois que la solution est dans l’idée de la rotation et de la soumission de la question à l’Union africaine. La rotation pourrait se faire selon le critère géographique », a confirmé Dr Iman Al-Chaarawi.

Mahran partage le même avis qu’Al-Chaarawi concernant le système de rotation et ajoute qu’un mécanisme pourrait être établi au sein de l’Union africaine pour sélectionner périodiquement le pays représentatif, tout en assurant une consultation continue avec le reste des pays africains.

Des défis persistants

La crise de sélection constitue le premier défi compte tenu de l’aspiration de nombreux pays africains à obtenir cette adhésion. Les observateurs pensent que les cinq pays s’opposeront à l’octroi du droit de veto à tout autre pays, et cela ouvrira la porte aux réclamations de pays d’autres continents qui estiment avoir droit à un statut de membre permanent, tels que le Japon, l’Allemagne, l’Inde et le Brésil.

Al-Chaarawi a également souligné la difficulté d’amender la Charte des Nations-Unies, car l’article 108 stipule que l’amendement nécessite le soutien de tous les membres permanents actuels et d’une majorité des deux tiers des Etats membres des Nations-Unies à l’Assemblée générale. Cela confirme que la Charte ne sera pas amendée et que l’adhésion permanente ne sera pas accordée à l’Afrique, à moins qu’une coalition ne soit établie au sein de l’Assemblée générale pour activer cet article et le mettre à l’ordre du jour. « Les cinq membres permanents du Conseil de sécurité pourraient bien entraver toute tentative d’accorder aux pays africains un siège permanent avec droit de veto, réduisant ainsi leur influence au sein de cet organe », conclut Al-Chaarawi.

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