Édification de clôtures et battues pour contenir les sangliers, confinement des élevages de cochons: l'Italie, critiquée par Bruxelles, met les bouchées doubles pour lutter contre la peste porcine africaine (PPA), qui préoccupe aussi la France.
L'Italie a enregistré entre janvier 2022, date de la réapparition de la PPA sur son territoire, et le 17 septembre 2024, 2.464 cas de sangliers positifs au virus ainsi que 24.712 porcs dans 50 élevages, selon les chiffres officiels.
Rien qu'en 2024, entre 50.000 et 60.000 porcs ont été abattus dans les élevages de la péninsule.
La maladie, mortelle pour les porcs et désastreuse pour l'économie, touche en particulier les régions septentrionales de la Lombardie, du Piémont et de la Ligurie.
La France est surtout préoccupée par la situation en Allemagne, mais Paris a également mis en place une surveillance renforcée, depuis janvier 2022, dans les Hautes-Alpes, les Alpes de Haute-Provence et les Alpes-Maritimes, des départements frontaliers de l'Italie du Nord.
Un groupe de contact technique italo-français a été mis sur pied en juin. Ce groupe "pose les bases d'un renforcement de la coopération transfrontalière pour une gestion plus efficace de la PPA, menace majeure pour les filières porcines des deux pays", indique le gouvernement français.
- Critiques -
Un groupe d'experts de l'Union européenne, en visite d'inspection début juillet en Italie, a exprimé des critiques sur la gestion de la crise par Rome et formulé plusieurs "recommandations".
"La stratégie globale de lutte contre la maladie dans le nord de l'Italie doit être améliorée. Chaque région met en oeuvre ses propres mesures avec une coordination minimale avec ses voisins", ont regretté les experts dans un rapport, préconisant une stratégie unique pour tout le nord de la péninsule.
Depuis, Rome et les régions ont renforcé leur dispositif. Le commissaire extraordinaire du gouvernement italien pour la lutte contre la PPA a pris une série d'ordonnances qui interdisent, entre autres, tous les mouvements de porcs dans les zones infectées et limitrophes (sauf vers l'abattoir), l'entrée de véhicules ou personnes autres que ceux strictement indispensables au fonctionnement de l'élevage, ou encore la tenue de foire ou marchés agricoles.
"En ce moment (...) nous édifions des barrières le long des axes autoroutiers" pour limiter les déplacements des sangliers, a expliqué à l'AFP Francesco Feliziani, un responsable du Centre national de référence pour les pestes porcines (Cerep).
- "Centaines d'éleveurs" touchés -
La filière porcine italienne, qui dégage un chiffre d'affaires annuel de 20 milliards d'euros et emploie 100.000 personnes, est "très préoccupée", a assuré à l'AFP Ettore Prandini, président de la Coldiretti, la principale confédération agricole du pays.
Alberto Cavagnini, éleveur de Brescia (nord), a dû abattre 1.600 bêtes. Il possède lui-même plusieurs élevages et n'a pas trop souffert économiquement, "mais beaucoup d'éleveurs n'ont qu'un seul élevage" et ont dû faire abattre tous leurs animaux, explique-t-il au téléphone à l'AFP.
Les éleveurs recevront un dédommagement de l'Etat, versé en moyenne deux ans plus tard. Pour eux, le manque à gagner est estimé à quelque 25 millions d'euros, selon M. Cavagnini.
Les dommages indirects, comme l'impossibilité de transporter des porcins d'un élevage à un autre en raison des restrictions sanitaires, touchent "des centaines" d'éleveurs, les obligeant à envoyer à l'abattoir de jeunes animaux, et se chiffrent par "centaines de millions" d'euros, mais ne sont couverts par aucune institution, assure M. Cavagnini.
Les élevages italiens comptent environ 10 millions de porcs.
"Si nous ne parvenons pas à éradiquer totalement la présence de sangliers dans ces zones, le risque est que (...) la crise passe mais revienne", explique M. Prandini.
Outre des dédommagements rapides pour les éleveurs, la Coldiretti demande la suspension du paiement des charges patronales ainsi qu'un moratoire sur le remboursement des emprunts, précise M. Prandini.
"Nous avons adopté toutes les mesures pour éviter la transmission du virus (...). Nous n'avons pas eu ces derniers jours de nouveaux foyers", a assuré jeudi le commissaire pour la lutte contre la PPA, Giovanni Filippini, dans un communiqué du gouvernement.
Selon les dernières données disponibles, 29 foyers étaient recensés dans les élevages de porcs domestiques au 20 septembre.
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