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Les femmes ont enfin leur festival

Névine Lameï, Mercredi, 18 septembre 2024

Piloté dans sa totalité par des femmes, le festival She Arts, aujourd’hui à sa 4e édition, propose d’explorer les différentes formes de la création féminine contemporaine, du 26 au 29 septembre.

Les femmes ont enfin leur festival

Le festival international She Arts est de retour à l’ancien campus de l’Université américaine du Caire (AUC), à l’Institut Français d’Egypte (IFE), antenne de Mounira, et au Centre des Jésuites à Alexandrie. Dédié aux arts féminins, le festival invite cette année 100 artistes de 9 pays. Son programme compte plus de 23 concerts, deux spectacles de théâtre, des ateliers de chant, une exposition de photos intitulée Somoudahonna (résilience) sur les prouesses des femmes, ainsi qu’une autre réservée à l’artisanat soudanais. L’orchestre She Arts, exclusivement composé de musiciennes professionnelles et dirigé par une maestro femme, Donia Deghedy, sera au rendez-vous à la cérémonie d’ouverture, prévue le 26 septembre à l’Ewart Hall à 19h30. Il rendra hommage à la diva Oum Kalsoum dont on célèbre les 100 ans de la première apparition sur scène et ce, avec la participation de la chanteuse égyptienne Marwa Nagui. Car en 1924, la diva a chanté sur les planches du théâtre d’Al-Ezbékiyeh, au centre-ville du Caire, et ne cesse depuis de plonger le public dans un état d’extase. Nagui a la réputation d’exceller dans le répertoire de la Dame, comme on l’appelle dans tout le Moyen-Orient.

« Oum Kalsoum est l’exemple féminin le plus parfait de l’autonomie, de la résistance, de la persévérance … Sa carrière l’a placée parmi les femmes les plus inspirantes au monde. Elle a lutté pendant des années pour échapper à la tutelle du patriarcat et est passée du chant religieux aux mélopées amoureuses. Elle constitue un phénomène à part », déclare Neveen Kenawy, directrice et fondatrice du festival.


La Tunisienne Ameni Riahi.

Toujours à l’occasion de l’ouverture, à 21h30 dans le jardin du campus de l’AUC, le groupe espagnol La Prenda Roja, composé de Cristina Lopez, Sara Sambola et Ana Brenes, jouera une musique mêlant le flamenco traditionnel aux rythmes électroniques. « Le flamenco possède un charme à même de transcender les frontières, avec ses mouvements et ses sons issus de la musique urbaine de l’Andalousie et des musiques méditerranéennes proches du public oriental », ajoute Kenawy, très heureuse d’accueillir la mezzo-soprano de renommée internationale Farah El-Dibany, qui animera des ateliers de chant lyrique, ainsi que la chanteuse Fatma Adel pour les chants populaires égyptiens. Ensuite, le 27 septembre, Céline Rudolph se produira à 18h à l’Ewart Hall. Chanteuse, compositrice et parolière allemande, elle mélange le world jazz (chanté en anglais et en français), fusionnant agréablement les styles. Avec son groupe SONIQS, Rudolph propose une performance complexe, mais légère, intégrant des boucles et des effets sonores, des percussions et des guitares électroniques, dans le même style de son album Pearls (perles). « S’agit-il d’un drame, d’une comédie ou d’un documentaire relatant une passion ? Les perles rares que Rudolph a décidé de nous faire découvrir sont faites de sensualité », souligne Neveen Kenawy. Et d’ajouter : « Le jazz évolutif euro-afro, qu’elle aime jouer, défie les barrières culturelles. Cela va de pair avec les objectifs de She Arts, qui favorise les musiques métissées, un peu hybrides. Et ce, loin de l’Oddmusic qui abrite des instruments et des ressources de musique expérimentale, inhabituelle, bruitiste, qui se situe en dehors des conventions et des normes. Bien au contraire, nous nous penchons vers les musiques qui ne perdent pas leur cachet identitaire », explique Kenawy.


Le quatuor FANEKA.

Chacune sa musique

A l’aide d’une musique « folk magique », à la touche onirique, le quatuor FANEKA, basé entre la Catalogne et Madrid (Espagne), crée des paysages sonores assez complexes. Il se produit le 27 septembre, à 19h15, dans le jardin de l’ancien campus de l’AUC, regroupant Inès (guitare), Bruna (violoncelle), Anika (violon) et Alan Denis (batterie). Le quatuor explore différents genres, allant du folk nord-américain et latino-américain (folklore espagnol traditionnel) au rock psychédélique et au folklore ibérique. FANEKA est décrit par ses fans comme étant un groupe « d’âmes bouillonnantes, femmes d’instinct et têtes de chercheuses ».

« A chacune des musiciennes sa manière de s’exprimer dans sa propre langue, loin des sentiers des chanteuses pop et des carcans de l’industrie, réduisant parfois les femmes à des objets de désir. She Arts promet à ces dernières une plus grande égalité des genres dans la musique », affirme Kenawy.

Le 27 septembre, à 20h30 à l’Ewart Hall, se produira la chanteuse italienne Gold Mass, qui est aussi une productrice indépendante de musique électronique. Nommée « meilleur talent émergent en Europe », au festival Eurosonic, Groningen, en 2021, elle joue une musique aux sons raréfiés, aux paroles suspendues et aux atmosphères explosives. Une musique électronique, trip hop et avant-pop qui alimente l’aura mystérieuse de l’interprète.

L’Egyptienne Yousra El-Gendy participera à la même soirée avec des chansons qui évoquent des sujets peu conventionnels tels que le trafic chaotique du Caire et la Révolution de Janvier 2011. Ses longs cheveux bouclés, la bizarrerie de son style vestimentaire et ses beats électroniques lui attribuent un genre plutôt occidental. « El-Gendy fait partie d’une nouvelle génération avide de changement et de liberté. Les paroles de ses chansons, teintées de sarcasme, sont chantées dans un argot urbain moderne, peu soucieux des normes sociales. Ses chansons portent un cachet très égyptien, puisant leur inspiration dans les rues du Caire. Elle a un style proche de celui des membres de Sharmoofers », précise la directrice du festival.


Yousra Al-Hawary à l’ accordéon

Puis, dans une ambiance totalement différente, l’Ewart Hall accueille, le 28 septembre à 18h, le groupe hongrois JaMese, fondé par l’auteur-compositeur-interprète Emese Molnar. Celui-ci chantera les douleurs de la perte et ses chagrins, mêlant le folklore hongrois au jazz. Molnar chante la perte de sa mère, de sa soeur, ainsi que son deuil périnatal. « La musique de JaMese est jouée dans un silence complet, qui nous permet de contempler sa propre vie. C’est une femme courageuse qui a toujours eu la force de surmonter les défis et de vaincre ses peines, par le pouvoir étonnant de la musique », explique Kenawy.

La troupe égyptienne Ritmo (28 septembre, à 20h, Ewart Hall) rejoint toutes ces voix exceptionnelles. Ensuite, vers 20h, nous avons rendez-vous avec les six musiciennes du groupe égyptien Ritmo, présentant un beau mélange de musique égyptienne, libanaise et golfienne sur des rythmes différents.


Le groupe JaMese.

Toujours à 20h, mais dans le jardin, la multi-instrumentiste, chanteuse et compositrice tchèque Bara Zmekova mêle des éléments folks tchèques au jazz classique agrémenté d’un peu d’électronique. Ses chansons sont délicates mais ludiques. Elle passe avec souplesse du piano aux synthés. Même si elle chante en langue tchèque, sa musique emmène les auditeurs dans un voyage émotionnel captivant, pimenté par son humour espiègle.

 Le soir même se produira la chanteuse égyptienne Nouran Abu-Taleb, l’une des stars émergentes de la scène alternative, qui ne s’enferme pas dans les codes d’un genre en particulier. Elle interprète plutôt une musique plurielle mêlant l’ethno jazz oriental au pop arabe. De sa voix douce et mélodieuse, elle chantera dans le jardin quelques chansons tirées de ses albums Fawazir (devinettes) et Ya Negma (ô étoile), ainsi que des reprises des grands classiques de Fayrouz, Sayed Darwich, Oum Kalsoum et d’autres.


Julie Odell.

Du volcanique au romantique

La clôture du festival aura lieu le 29 septembre, à partir de 19h. She Arts invite deux artistes femmes engagées : la chanteuse, parolière, compositrice et militante tunisienne Ameni Riahi et l’Egyptienne Yousra Al-Hawary à donner les derniers rythmes de l’événement. La première a déjà remporté un grand succès à la suite de la sortie de son album Kima Al-Rih (comme un vent), qui traduit l’état d’esprit d’une jeune femme qui a vécu dans un environnement rejetant sa passion pour la musique et le chant. Les six chansons de l’album, composées sur un air jazzy, font écho à des expériences humaines très diverses. Et la seconde a choisi l’accordéon diatonique, il y a plusieurs années, pour se faire une place à part dans le paysage musical égyptien, post-révolutionnaire. Les chansons engagées et entraînantes qu’interprète Yousra Al-Hawary, en arabe dialectal, portent sur la vie de tous les jours. Avec un accordéon à anche libre, l’interprète respire l’émancipation et l’indépendance, oscillant souvent entre valse, tango, java ... et mélodies orientales. Les paroles sont toujours faciles à retenir, non sans humour ; elles tournent la société en dérision, avec l’espoir de faire bouger les choses. « Yousra Al-Hawary sera accompagnée par la brillante chanteuse et parolière américaine de La Nouvelle-Orléans Julie Odell, jouant, à son tour, des valses délicates au piano. Des valses, mais aussi des extraits énergétiques de rock, de folk, de pop, d’accents hawaïens, tirés de son nouvel album Autumn Eve, légèrement vintage », conclut la directrice du festival.

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