Le nouveau gouvernement entame sa mission sur fond d'attentats terroristes.
«
Je ferais tout ce qui est en mon pouvoir pour restaurer la sécurité et l’unité nationale, deux facteurs indispensables pour avancer vers une amélioration des conditions de vie des familles égyptiennes », a lancé le nouveau premier ministre, Ibrahim Mehleb, quelques heures après sa nomination, en affirmant qu’il concentrera ses efforts sur les moyens de faire cesser les grèves et de restaurer le calme dans le pays. Il définit lui même les tâches du nouveau gouvernement, à savoir préserver la sécurité et lutter contre le terrorisme, pour établir un contexte de retour des investissements et du tourisme.
En effet, le chef du gouvernement démissionnaire, Hazem Al-Beblawy, a été critiqué pour son incapacité à faire face aux défis de la sécurité dans le pays, entré dans un engrenage de la violence à la suite de la destitution du président Mohamad Morsi en juillet dernier. Les observateurs affirment que Beblawy s’est retrouvé dans l’embarras à cause de l’échec de son gouvernement à mettre fin à cette insécurité. « Il serait injuste de faire assumer au ministère de l’Intérieur seul la responsabilité de l’insécurité. Le gouvernement de Beblawy aurait dû démissionner depuis plusieurs mois, car il a échoué à trouver une solution politique pour sortir de la crise que traverse le pays », explique le politologue Hassan Nafea.
L’Egypte ne vit pas une seule crise, mais des crises sécuritaires. Des groupes djihadistes multiplient les attaques contre les forces de l’ordre, tuant des dizaines de policiers et de soldats dans des attentats et assassinats ciblés. Des attentats aussi contre des touristes dans le Sinaï. Tout ceci sans parler du trafic d’armes, des manifestations et des grèves dans le secteur industriel, dans les transports publics et la santé. En plus, ce nouveau gouvernement sera chargé d’organiser les futures élections, pour la présidentielle prévue en mi-avril, puis législatives.
Al-Beblawy quitte le gouvernement et, paradoxalement, le ministre de l’Intérieur, premier responsable de la sécurité, garde son poste, alors que des voix s’élèvent réclamant sa traduction en justice pour ses services rendus sous Morsi et après la chute de celui-ci.
En janvier dernier, Amnesty International avait dénoncé le niveau de violence en Egypte et condamné le fait que « les forces de sécurité sont totalement libres d’agir au-dessus de la loi et sans risque d’être tenues responsables de leurs abus. L’Egypte connaît un niveau de violence d’une ampleur sans précédent », cite le rapport d’Amnesty, qui dénonce aussi des arrestations de masse, des pressions sur la liberté d’expression et des restrictions sur le droit de manifester. Selon l’organisation, depuis l’éviction de Mohamad Morsi, policiers et soldats répriment implacablement les manifestations de ces partisans islamistes, dont au moins 1400 sont morts en 7 mois (selon les pro-Morsi, ce chiffre est multiplié par trois). « Ces morts sont imputables principalement à un usage excessif de la force par les services de sécurité. Plusieurs milliers de personnes ont été arrêtées ». A l’époque, Al-Beblawy s’était défendu en affirmant que ce rapport était une « image déformée » de la réalité.
Dans un communiqué conjoint, plusieurs partis politiques, dont Al-Dostour et l’Egyptien social-démocrate, ont demandé au nouveau premier ministre de remplacer Mohamad Ibrahim, parce qu’il « est incapable de poursuivre la lutte contre le terrorisme, et que son ministère est accusé de commettre de nombreux actes de violence contre les activistes ». Selon le colonel Khaled Okacha, ex-officier spécialisé dans la lutte contre le terrorisme dans le Sinaï, si Mohamad Ibrahim conserve son poste, c’est qu’il « comprend bien les défis sécuritaires du pays ». Okacha croit que « ce nouveau gouvernement est la dernière chance pour Mohamad Ibrahim, sinon, il sera remplacé après la présidentielle », même s’il reconnaît que la police a abandonné « sa fonction principale et les services aux citoyens ».
Le communiqué des partis politiques a appelé aussi à la restructuration du ministère de l’Intérieur. Car les mesures de réformes du ministère de l’Intérieur et de ses départements annoncées depuis la révolution de 2011 restent lettre morte, comme le démantèlement du service de la Sûreté d’Etat en mars 2011 et le licenciement de ses généraux et officiers le 1er août de la même année. Le service est en réalité de retour, comme si de rien n’était.
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