Une courte sortie en public. Hazem Al-Beblawy annonce la démission de son gouvernement et prend à son compte sa défense. «
Toutes les décisions prises par le gouvernement sont intervenues après une étude approfondie de toutes les dimensions (...) mais ces dimensions ne peuvent pas être divulguées ». Très peu d’informations, presqu’aucune effectivement n’a filtré sur les raisons de cette démission. Aucun responsable n’annonce pourquoi le gouvernement «
a été poussé à partir ». La veille, Hazem Al-Beblawy était en réunion avec le président par intérim Adly Mansour. Ce dernier ne tarde pas à rencontrer le nouveau premier ministre, Ibrahim Mehleb, ministre du Logement dans le gouvernement sortant. Un ingénieur dont le nom circulait depuis au moins 3 mois dans les médias qui le présentaient comme le sauveur d’un pays en ruine (lire page 5).
En 48 heures, il forme le nouveau cabinet, mais le changement ne touche que 12 portefeuilles. Il garde les deux tiers du gouvernement sortant. Les sortants sont surtout les politiciens et les membres des partis qui représentent la révolution. Les ministres de la Main-d’oeuvre, Kamal Abou-Aita, de l’Enseignement supérieur, Hossam Issa, et de la Solidarité sociale, Ahmad Al-Borei, quittent leurs postes. Ziad Bahaeddine, vice-premier ministre, lui, avait démissionné quelques semaines auparavant. Il venait, comme Al-Beblawy, des rangs du parti l’Egyptien social-démocrate. Seuls deux ministres issus de partis politiques restent dans ce cabinet : Nabil Fahmi, du parti Al-Dostour, aux Affaires étrangères, perçu pourtant comme un homme très proche de Moubarak, et le ministre de l’Industrie, Mounir Fakhri Abdel-Nour, homme d’affaires wafdiste qui a siégé dans tous les gouvernements depuis 2011, avec différents portefeuilles.
Les spécialistes estiment que ce nouveau gouvernement « n’a aucune forme ». Il ne serait ni celui des technocrates, ni des politiciens, ni des hommes d’affaires. Il serait plutôt un cabinet de « techniciens ».
« La formation semble réunir simplement des personnes approuvées par les services de sécurité, disposant d’une certaine expérience et qui ne provoquent pas de problèmes pour le régime », explique Wael Gamal, chercheur en économie. Les ministres sont souvent choisis de cette façon, et il est facile de repérer des ministres qui ont servi dans des gouvernements aux antipodes. Sous les Frères, sous les militaires ou sous Moubarak même, « parce qu’il n’y a pas eu de changement de philosophie », précise Gamal.
Le ministre de la Défense, Abdel-Fattah Al-Sissi, potentiel candidat à la présidentielle, conserve ainsi son poste aux côtés du ministre de l’Intérieur, Mohamad Ibrahim, alors que les adversaires de Hazem Al-Beblawy affirment que le premier ministre sortant a été appelé à partir sur fond d’attentats et d’assassinats ciblés.
Le nouveau premier ministre n’a pas tardé à promettre de faire de la sécurité la « priorité » de son gouvernement. « La responsabilité est grande et les défis plus encore. Mais, nous allons mener le bateau à bon port », a déclaré Mehleb, ancien cadre du parti de Hosni Moubarak. La première priorité, selon lui, est de rétablir la sécurité et de combattre fermement le terrorisme. « Nous sommes engagés dans une bataille au nom de l’ensemble de la région et nous triompherons », a-t-il promis.
Les engagements de Mehleb
Dans son premier discours, Mehleb a déterminé les sept tâches du Conseil des ministres, appelant les Egyptiens à aider « à reconstruire le pays et à mettre un terme aux grèves et aux manifestations, qui secouent le pays depuis deux mois ». Sur la liste de ses engagements figure ce qu’il appelle « la réparation des anomalies structurelles de l’économie égyptienne » pour fournir des conditions favorables à l’investissement. Mehleb s’est également engagé à créer des emplois surtout pour les jeunes, à lutter contre la corruption, à mener une réforme administrative et à renforcer le secteur public. Mais le choix de ses ministres ne promet pas de remplir cette tâche grandiose. Son ministre des Finances, Hani Qadri, est, lui, partisan d’une politique libérale. Il avait servi sous le très influent ministre de l’ère Moubarak, Youssef Boutros-Ghali, aujourd’hui en fuite à Londres. Il avait aussi accompagné son successeur Momtaz Al-Saïd et devrait répondre aux demandes récurrentes réclamant le salaire minimum de 1200 L.E. promis— puis partiellement retiré— par le gouvernement. (lire page 4).
Parallèlement, Mehleb a désigné une ministre pour la Main-d’oeuvre qui entretient des relations assez troubles, voire hostiles avec les ouvriers, dont un grand nombre est aujourd’hui en grève, à la poste, dans le textile et avant eux dans les transports publics. Rien ne prouve que le gouvernement Mehleb se penchera plus sur la justice sociale, croit le politologue Wahid Abdel-Meguid.
Mehleb, qui a siégé au Sénat sous la présidence de Moubarak, a promis « la neutralité et l’intégrité » pour créer « un environnement politique démocratique ». Le gouvernement, dont le chef est signataire d’une demande appelant Al-Sissi à se porter candidat, devrait diriger la future présidentielle qui doit avoir lieu au printemps à côté de ces tâches grandioses qu’il s’est assignées et qu’il devra remplir en très peu de temps d’ailleurs, deux à trois mois, dit-on.
Le maréchal Al-Sissi devrait, selon ses collaborateurs, annoncer officiellement son intention de briguer la présidence, dans une dizaine de jours et sa victoire dans ce cas ne fait presque pas de doute. Une fois élu, il devrait théoriquement nommer un nouveau chef de gouvernement ou au plus attendre l’élection d’un nouveau Parlement en été. L’écrivain proche d’Al-Sissi, Abdallah Al-Sennawi, ne cache pas le nom du futur premier ministre sous l’éventuel président Al-Sissi. Il ne serait qu’un ancien candidat à la présidentielle, Amr Moussa, croit-il savoir. Mehleb ne serait ainsi qu’un nouveau premier ministre transitoire.
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