Des manifestations ont eu lieu cette semaine pour réclamer le refus d'un quatrième mandat du président Bouteflika.
(Photo:AP)
La classe politique et la rue algériennes sont en ébullition depuis l’annonce, la semaine dernière, de la candidature du président Abdelaziz Bouteflika aux prochaines présidentielles, malgré des problèmes de santé qui alimentent les doutes sur sa capacité à diriger le pays. Samedi dernier, la police a dispersé à Alger une manifestation contre un 4e mandat de M. Bouteflika, au pouvoir depuis 15 ans. Les manifestants ont été empêchés par la police de se rassembler devant la faculté centrale d’Alger. Les forces de l’ordre, présentes en nombre, ont procédé à plusieurs arrestations, selon des témoins. Les manifestants répondaient à un appel lancé sur la Toile par un groupe d’opposants à un quatrième mandat du président Bouteflika, regroupant notamment des journalistes et des militants des droits de l’homme, selon la presse. Ils scandaient notamment «
non au 4e mandat » ou encore «
15 ans barakat » (15 ans ça suffit). Une autre manifestation a lieu le jour même à Paris devant l’ambassade d’Algérie.
C’est donc dans une atmosphère crispée que se déroule la campagne électorale. Trois partis d’opposition algériens ont d’ores et déjà appelé à boycotter l’élection présidentielle du 17 avril. L’ex-président du Rassemblement pour la Culture et la Démocratie (RCD), Saïd Sadi, figure majeure de l’opposition en Algérie, a appelé ses compatriotes à se mobiliser pour « délégitimer » la présidentielle. « Il faut peser politiquement pour discréditer ce scrutin, de sorte à laisser l’actuel président candidat à sa propre succession se concurrencer lui-même », a déclaré M. Sadi. « La seule riposte à ce funeste projet est politique. Il faut délégitimer ce scrutin par une mobilisation citoyenne massive pour un boycott à même de raccourcir le terme de cette opération », a ajouté l’ancien président du RCD, candidat à la présidentielle en 1995 et en 2004. M. Sadi a plaidé en faveur d’une « période de transition », citant l’exemple de la Tunisie voisine qui a été « capable de légiférer une nouvelle Constitution autour d’un consensus ».
Plus virulent, Mouloud Hamrouche, ancien chef de gouvernement, a appelé jeudi à faire tomber le régime du président Bouteflika « dans le calme », avec l’aide de l’armée, estimant qu’il n’était plus en mesure de diriger le pays. M. Hamrouche, qui faisait partie des six candidats qui se sont retirés de la présidentielle de 1999 — remportée par M. Bouteflika — car que les « jeux étaient faits », a d’ailleurs annoncé qu’il ne se présenterait pas pour celle de 2014. Pour lui, l’armée doit jouer un rôle dans ce changement, car « il n’y a aucune chance d’élaborer la démocratie sans l’aval de l’armée ». « Je ne demande pas un coup d’Etat. Je n’appelle pas l’armée à empêcher Bouteflika de se représenter. Je l’appelle à sauver l’Algérie de l’impasse », a indiqué M. Hamrouche, qui a été chef de gouvernement entre 1989 et 1991.
Un scénario à l’égyptienne peu probable car au sein de l’armée, l’unanimité fait défaut. Avant même l’annonce de la candidature de M. Bouteflika, des informations circulaient faisant état de divisions profondes au sein de la puissante armée algérienne. La presse algérienne en a fait l’écho, évoquant d’un côté des conflits entre les pro et les anti-Bouteflika, et de l’autre entre les différents appareils de l’Etat : la présidence de la République, l’armée et le Département du Renseignement de la Sécurité, (DRS, qui dépend de l’armée). Mi-février, le chef d’Etat algérien était d’ailleurs monté au créneau pour dénoncer des tentatives de « déstabilisation » visant la présidence et l’armée qui font croire, selon lui, que l’institution militaire est en proie à des divisions.
Or, il semble que les appareils de l’Etat profond sont vraiment à couteaux tirés. Et c’est sans doute leur incapacité à désigner un candidat commun qui les a poussés à opter pour un 4e mandat de Bouteflika .
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