Qui est Zahwa ? La question se pose d’emblée. « Zahwa est une amie », répond Lara Kanso, auteur de la performance Les Noces de Zahwa. Et d’ajouter : « Nous étions étudiantes en troisième année de la faculté à l’Université Saint-Joseph à Beyrouth. Elle a été tuée dans son lit, à 19h30, alors qu’elle était encore réveillée ». La cause ? Ce qu’on appelle un crime d’honneur.
Elle a aimé quelqu’un qui n’est pas du même rang social que sa famille. Depuis, la vie a repris pour les autres son cours normal, mais Zahwa a longtemps habité Lara Kanso. Elle est restée dans sa mémoire et dans son coeur. Et comme elle avait un projet de théâtre qui se développait parallèlement, elle a décidé d’évoquer toutes sortes de violences commises sur la planète Terre. « Les guerres, les crimes perpétrés contre la planète, cette terre qui a mal, qui souffre et dont on n’écoute jamais les gémissements », lance-t-elle. Jusqu’au jour où, assistant à un documentaire diffusé sur les viols collectifs commis en Egypte, et passant des nuits blanches, elle décide de parler de Zahwa. L’idée était claire et mûre. « Comment peut-on violer la vie de l’Autre, violer l’oeuvre de Dieu ? ».
Mise en scène en trois tableaux
Trois tableaux composent la performance. Le premier raconte l’histoire de Zahwa. Lara Kanso met en scène la petite histoire accompagnée d’un texte écrit par Abbas Beydoun, poète et écrivain libanais, et responsable de la section culturelle dans le journal As-Safir. « Dans ce tableau, précise Lara, je mets l’accent sur la femme-amour, la femme-désir, la femme-corps ». Un dialogue est engagé entre Jean-Marc Nahas le peintre, Wafaa Halawi pour la danse contemporaine, Marwa Khalil qui interprète les textes, et Daline Jabbour qui interprète trois chansons, dont une soufie et deux orientales. Le dialogue est engagé entre ces trois formes artistiques, pour célébrer les noces de Zahwa, ces noces qu’elle n’a jamais eues.
Le deuxième tableau est essentiellement composé de danses contemporaines. « Dans ce tableau, dit Lara Kanso, je parle de la femme-terre ». Cette danse incarne métaphoriquement l’éternel combat avec la mort, la destruction et la résurrection. A ce niveau, « je fais intervenir des vers de Mahmoud Darwich, le poète palestinien ».
Quant au troisième tableau, Lara parle d’une autre facette de la femme-mère, de la maternité et de la Terre mère. Elle évoque la femme et la Terre mère en mettant en scène un texte de Marguerite Duras intitulé La Mort du jeune aviateur anglais. Une projection vidéo accompagne cette scène. Dans ce tableau, « j’évoque quelque chose de très ancien qui me rappelle La Pietta ou la Vierge qui a perdu son fils et qui me parle tout particulièrement », signale Lara Kanso. Il ne faut cependant pas croire que la performance prenne fin sur une note pessimiste, mais plutôt sur une note d’espérance, un genre de salut à travers l’art.
Le beau et l’humain
Le beau et l’humain se retrouvent dans les oeuvres de Lara Kanso. C’est un besoin qu’elle a ressenti après la guerre de 2006 contre le Liban. Elle avait besoin de faire dans sa vie quelque chose qui lui correspondrait réellement, quelque chose qui réunirait le beau et l’humain. Elle crée alors sa propre agence événementielle « Ô de Rose » spécialisée dans la création d’événements atypiques, loin du faste débordant et du luxe froid. En 2011, elle organise un défilé de mode au Music Hall, réunissant de nombreux créateurs libanais autour du thème du peintre Gustav Klimt, avec la soprano nippone Akiko Nakajima. L’événement s’est tenu au profit de l’association Faire Face soutenant les femmes atteintes d’un cancer du sein. Et ainsi, les événements se suivront.
Sensible au beau, Lara l’est aussi à la poésie, présente dans ses oeuvres. « Le monde manque cruellement de poésie. D’authenticité aussi », remarque-t-elle. C’est ainsi qu’on retrouve dans ses spectacles un savant mélange artistique de photos, de peinture et de contes.
A l’occasion du mois de la Femme, elle offre, du 13 au 16 mars au théâtre Monnot à Beyrouth, sa dernière performance, Les Noces de Zahwa .
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