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Vidéo - Un patrimoine millénaire

Doaa Elhami , Mercredi, 04 septembre 2024

Le Centre d’art de Ramsès Wissa Wassef, dans le village de Harraniya, met en valeur et conserve le patrimoine égyptien grâce à la créativité de ses artistes. Reportage

Un patrimoine millénaire
(Photo : Doaa Elhami)

Nombreux sont les téléphones levés, soit pour prendre en photo le paysage fascinant orné d’oeuvres d’art variées, soit pour enregistrer les contes et les récits des tisserands assis en pleine oeuvre. Nous sommes au Centre d’art de Ramsès Wissa Wassef, situé en pleine campagne, dans le village de Harraniya, à environ 45 km à l’ouest du Plateau des pyramides. Ce lieu a été soigneusement sélectionné dans les années 1950 par le fondateur Ramsès. « D’une part, c’est près de son domicile situé à Guiza, et d’autre part, les habitants de Harraniya ignoraient alors tout métier artisanal et ne savaient que cultiver la terre. Harraniya était à l’époque un village primitif par excellence », souligne Suzanne Wissa Wassef, propriétaire et directrice du centre. Grâce à la création de ce centre spécialisé dans le tissage et la tapisserie artisanaux, métier hérité depuis des milliers d’années, le village de Harraniya est désormais inscrit sur la carte touristique d’Egypte, attirant ainsi des visiteurs du monde entier.


Les tisserandes mettent plusieurs mois pour achever une oeuvre.(Photo : Doaa Elhami)

 Dès que le visiteur franchit le seuil du centre, il se trouve face à un vaste jardin, un complexe d’édifices reliés par des couloirs voûtés dont le style architectural rappelle les anciens bâtiments égyptiens. « Vous êtes priés de ne pas monter au deuxième étage. Les voûtes sont fragiles. En plus, il est conseillé de ne pas aller au bout du jardin pour éviter les attaques des chiens féroces », prévient M. Alfonse, directeur exécutif du centre. La plupart de ces édifices renferment des salles étroites où des femmes sont installées, chacune devant une machine à tisser. « Je suis en train de composer une tapisserie représentant le marché du village. Il s’agit d’une scène de marchandage entre la vendeuse et deux clientes. Je dois utiliser une couleur appropriée », explique la tisserande Oum Mahmoud, faisant pénétrer un fil vert pour continuer son oeuvre. Sa collègue s’occupe de créer une scène reflétant la récolte des dattes, tandis que la troisième, Réda, travaillant avec sa fille Malak, a choisi de couvrir l’arrière-plan de sa tapisserie avec une couleur dorée avant de commencer son sujet composé d’un groupe de cactus. Toutes les trois font partie des tisserands qui travaillent avec des fils de laine, dérivés des moutons locaux, et fabriquent la tapisserie en utilisant des machines à tisser manuelles verticales.


Liberté de pensée

Malak n’est pas le seul enfant travaillant au centre, il y en a plusieurs qui y travaillent soit pendant les vacances d’été, soit parce qu’ils ne vont pas à l’école. En effet, le centre a été créé en 1952, avec 15 filles et garçons dont l’âge variait entre 9 et 10 ans. « Nous croyons que chaque personne a une puissance innée à découvrir, qu’il faut encourager, développer et faire épanouir. Ainsi, il faut éviter toute critique adressée aux enfants et à leurs oeuvres. Il faut les libérer pour qu’ils découvrent leurs potentiels. L’oeuvre tissée ne doit jamais suivre une conception spécifique, mais doit plutôt suivre une imagination développée et créative, depuis la première ficelle jusqu’à l’achèvement de la tapisserie. Finalement, il ne faut pas influencer les enfants avec des arts étrangers à leur environnement », explique Suzanne Wassef, conceptrice du centre, soulignant que les scènes ornant les tapisseries de Wissa Wassef sont uniques. « Jamais deux pièces ne se ressemblent, c’est ce qui rend nos produits artistiques particuliers », assure-t-elle, ajoutant que les tisserands découvrent les résultats de leurs efforts après plusieurs mois de travail, lorsqu’ils exposent leurs oeuvres une fois terminées.


(Photo : Doaa Elhami)

C’est l’une des caractéristiques qui distinguent les oeuvres du Centre Wissa Wassef. En effet, chaque oeuvre porte la signature du tisserand et le logo du Centre « WW ». Les couleurs des tapisseries sont vives et proviennent des plantes qui poussaient en Egypte au IVe siècle. « Mon père préférait retourner aux origines des choses. Il a donc cultivé le jardin du centre pour produire les couleurs », explique Suzanne, donnant l’exemple de la culture de l’indigotier pour obtenir l’indigo, des racines sèches de garance pour le rouge, des feuilles de camphre pour le jaune et du pécan pour l’ocre. « Nous consacrons une semaine par an à la coloration des fils, avec leurs degrés, afin de les utiliser dans la fabrication de nos oeuvres », reprend Oum Mahmoud.


(Photo : Doaa Elhami)

En poursuivant la visite du centre, le touriste découvre des ateliers de teinture de tissus de coton blanc achetés par les propriétaires. Les artistes y dessinent à main levée sur les tissus pour créer de belles scènes avec des motifs floraux et géométriques. Ce dessin n’est qu’une première étape avant de teindre le tissu blanc. Dans ces salles, ils suivent la méthode du batik basée sur la cire liquide. « Le centre a intégré cet art dans les années 1960. En effet, lorsque mes parents ont voulu couvrir le sol de l’une des salles de leur maison avec un grand tapis et n’ont rien trouvé de convenable sur le marché, ils ont décidé d’apprendre l’art du batik aux enfants du centre, et les résultats étaient là », raconte la directrice, assurant que chaque art intégré par le centre révèle de nouveaux potentiels chez ces jeunes artistes. En effet, le centre, qui fonctionne depuis 70 ans, a le mérite de préserver un art bien connu du patrimoine égyptien, que ce soit par le tissage artisanal, la fabrication de couleurs dérivées des plantes égyptiennes, ou encore la teinture selon l’art du batik.


(Photo : Doaa Elhami)

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