L’occupation a dépassé toutes les lignes rouges en Cisjordanie. D’un côté, l’armée israélienne y mène une opération militaire de grande envergure, la première d’une telle ampleur depuis près de 20 ans, pour chasser, dit-elle, des « terroristes ». De l’autre côté, les violences perpétrées par des colons israéliens (quelque 500 000) se sont intensifiées, atteignant un niveau de cruauté surprenante. Des familles entières ont été brûlées vives dans leurs propres maisons, puis les colons se sont emparés des maisons.
Depuis le déclenchement de la guerre à Gaza, Israël, profitant de l’inattention générée par cette guerre, a accéléré ses plans visant à redessiner la carte de la Cisjordanie en s’appropriant des terres palestiniennes et en étendant les colonies dans le but de mettre fin à toute possibilité d’établir un Etat palestinien.
Selon un rapport récemment publié par Amnesty International, « à partir du 7 octobre dernier, les forces israéliennes et les colons ont tué près de 622 Palestiniens dont 142 mineurs ». La multiplication des attentats et la brutalité utilisée contre les Palestiniens de la Cisjordanie s’expliquent essentiellement par le fait que le premier ministre israélien veut à tout prix réaliser la vision de l’extrême droite, qui constitue le noyau dur de sa coalition, concernant le « grand Israël ». C’est pourquoi l’armée israélienne détruit, au cours de son opération actuelle en Cisjordanie, quasi systématiquement les infrastructures de ses principales villes comme Jénine, Tulkarem, Naplouse et Tubas, ainsi que les camps des alentours. Objectif : forcer les Palestiniens à abandonner leurs terres, rendant leur vie quotidienne quasi impossible afin d’empêcher l’établissement d’un Etat palestinien indépendant. Un objectif que Netanyahu et ses ministres ont promis à plusieurs reprises de réaliser par tous les moyens. Raison pour laquelle le gouvernement israélien s’est emparé de quelque 6 000 acres appartenant à des familles palestiniennes et a soutenu la construction des colonies illégales.
En plus, « au cours des 19 derniers mois, le Conseil suprême du plan d’Israël a autorisé la construction de presque 12 000 unités de logement dans les colonies, contre 8 000 unités construites au cours des deux années précédentes », selon l’organisation Peace Now. D’ailleurs, la politique d’occupation israélienne basée sur l’annexion et la colonisation a également conduit au déplacement de 40 communautés et villages en Cisjordanie, le dernier étant le village d’Umm Al-Jimal, dans le nord de la vallée du Jourdain.
Imposer une nouvelle réalité
La Cisjordanie occupe une place prépondérante dans l’agenda de l’extrême droite israélienne. Premièrement, elle constitue la Judée dans la tradition biblique, d’où son importance religieuse. Deuxièmement, elle est riche en matières premières et en ressources, à l’encontre de Gaza, pauvre en ressources naturelles, ce qui attise la convoitise des colons.
Pourtant, si le statut politique de la Cisjordanie a été identifié dans les accords d’Oslo comme faisant partie du territoire palestinien, le gouvernement d’extrême droite arrivé au pouvoir en 2022 a visé de contourner ces accords pour y imposer une autre réalité. Outre le recours au nettoyage ethnique au sens propre du terme.
Selon le projet colonial israélien, le changement de la démographie en Cisjordanie repose sur deux principes fondamentaux : il s’agit premièrement d’annexer la zone C qui comprend 60 % de la Cisjordanie et d’imposer progressivement une souveraineté israélienne globale sur ces territoires, comme le souligne le Centre palestinien pour les études israéliennes, Madar. Tandis que le deuxième objectif est d’élever le nombre de colons à un million de personnes au cours des deux prochaines décennies, afin d’instaurer un nouveau fait accompli. D’autres études publiées par des centres d’études israéliens soulignent que « l’occupation avait transformé la nature de la gouvernance en Cisjordanie en utilisant des mesures bureaucratiques en secret ». Et ce, en transformant le régime de la région d’une forme d’occupation militaire avec des obligations envers la population, conformément au droit international, en un système dans lequel les institutions civiles israéliennes gèrent la plupart des aspects de la vie quotidienne palestinienne en Cisjordanie.
Des colons qui font la loi
L’influence politique et militaire des colons israéliens en Cisjordanie et dans l’armée israélienne s’est considérablement accrue à la suite de la guerre israélienne contre Gaza. Ils ont exploité le chaos qui en a résulté pour renforcer leur contrôle sur les terres et s’étendre dans de nouvelles zones. En effet, le gouvernement de coalition dirigé par Benyamin Netanyahu s’appuie sur les partis soutenus par les colons, ce qui fait craindre qu’ils ne puissent faire obstacle à tout accord de cessez-le-feu. C’est pourquoi les autorités israéliennes renforcent le contrôle des colonies en Cisjordanie, en dépit des critiques de la communauté internationale.
Que ce soit à travers des méthodes cruelles ou discrètes, la politique d’épuration ethnique appliquée à l’égard des Palestiniens de la Cisjordanie est flagrante. Ce qui a poussé les alliés indéfectibles d’Israël à durcir le ton à son égard en imposant des sanctions à l’encontre des colons impliqués dans des actes de violence en Cisjordanie. Ainsi, les Etats-Unis, l’Union européenne, la France et le Canada ont imposé des sanctions contre un certain nombre de colons, allant d’une interdiction de voyager dans la zone Schengen aux sanctions économiques contre tout produit agricole en provenance de la Cisjordanie et portant des labels israéliens.
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