A l’entrée de la galerie Falak est accrochée la peinture de l’artiste d’origine nubienne Shayma Kamel, la gérante de l’espace Falak qu’elle a fondé en 2014 dans le quartier de Garden City. Elle expose également six autres oeuvres réalisées à l’aide de matériaux mixtes. Voici l’autoportrait de Shayma, son chat, sa famille … « J’aime défier les conventions sociales, notamment celles qui concernent les femmes. J’ai réalisé mes sept peintures à Beyrouth, et du coup, je les ai intitulées Expatriation », précise Shayma Kamel. Ses coups de pinceau, dominés par le rouge, reflètent sa personnalité assez ferme, faisant fi aux diktats des sociétés arabes conservatrices. « Dans cette série, la couleur rouge signale la contradiction. C’est le feu divin et le feu de l’enfer. C’est l’amour et la passion destructive. C’est la sagesse et le conflit. C’est la vie, mais aussi le sang, la mort et les tabous … Le rouge est une couleur vivace, mais aussi une couleur qui peut incarner la mort et la destruction », ajoute-t-elle.
L’artiste juxtapose l’abstrait, la réalité et la fantaisie ; ce qui existe et ce qui n’existe pas. D’où des personnages fantasmagoriques qui suscitent de multiples interrogations. « C’est vrai que nous vivons dans une société qui étouffe nos rêves. Néanmoins, il faut toujours chercher à les concrétiser, en restant active », dit-elle.
Portraits et cafés cairotes
Les cinq peintures exposées de l’artiste-peintre Mervat Al-Chazli, également d’origine nubienne, portent un cachet traditionnel. Elles sont à l’image de sa terre natale, joyeuses, aux couleurs criardes, représentant des femmes du sud, en robes noires, dans un cadre dramatique différent, ornées de motifs populaires. Ce sont des femmes qui savent comment faire la fête en toute liberté.
Ensuite, les peintures de Omar Al-Fayoumi accentuent cet aspect local et très authentique. Sa toile de grand format, datant de 2012, dépeint une mère moderne, avec les cheveux en l’air et des yeux globuleux méditatifs. Elle est peinte en toute simplicité et chaleur familiale, sans trahir ni les proportions, ni les normes de la beauté qui définissent les portraits du Fayoum ; les regards profonds, perturbants, fixés sur un horizon inconnu caractérisent souvent ses personnages. Ceux-ci tiennent parfois une tasse de café et subissent courageusement les coups du destin.
Femme tenant sa tasse de café, par Omar Al-Fayoumi.
Les gravures de Mamdouh Al-Kosseifi revêtent un aspect caricatural, montrant des scènes de cafés populaires, avec leurs chaises, leurs tables et surtout ceux qui les fréquentent. Un homme et une femme fument le narguilé. « C’est leur passe-temps en été, assis dans un café populaire du Caire. Celui-ci est un sujet qui ne cesse d’inspirer les artistes, il permet de refléter un aspect de la personnalité égyptienne », commente Shayma Kamel.
Une femme, trois visages
L’oeuvre la plus triste de l’exposition est celle de l’Egypto-Arménien Vahan Telepian. Elle représente la tête d’une femme triste et accablée, à travers trois visages juxtaposés. Le visage à gauche incarne le passé, celui du centre, tout mince et pâle, dit long sur le présent, et le tout dernier se projette dans le futur, avec une face morne et inquiète. Il n’y a pas de moment de répit, semble dire Telepian, mettant l’accent sur les troubles sociopolitiques qu’a connus son pays natal, l’Egypte.
Femmes nues, par Bassam Al-Zoghby.
Nature vierge et nuances douces
A travers des peintures abstraites très colorées, Mohamed El Masry insiste sur l’amour parental et les réunions familiales.
Les femmes du sud peintes par Ghada Embarak flottent librement à la surface de la toile. Des visages beiges tout en douceur. C’est un peu le reflet de nos visages sur le miroir.
Rim Chakwir, pour sa part, met en scène, à l’aide d’une palette douce, aux nuances de beige et de bleu, des séquences de vie dans la ville de Louqsor, des mosquées, des églises, des dômes, des minarets, des maisons villageoises …
Personnages du sud, par Ghada Embarak.
Salah Al-Meligui et Esraa Kazem, un maître et son disciple, exposent des paysages. Les deux peintures d’Al-Meligui, intitulées Sur le Nil, révèlent la splendeur de la nature vierge. L’artiste ne retrouve son salut qu’en pleine nature. Sans la terre, l’homme risque de se perdre à jamais. Et Esraa Kazem dessine des oies, à l’aide d’une pâte à peinture blanche. Elle a choisi ces oiseaux sacrés dans l’Egypte Ancienne, lesquels avaient un rôle important dans les célébrations religieuses.
Enfin sont exposées les oeuvres des photographes Hamdi Réda et Bassam Al-Zoghby, usant de la technique du cyanotype, ce procédé photographique monochrome négatif ancien, par le biais duquel le photographe obtient un tirage photographique bleu de Prusse et bleu cyan. Le résultat ? Des photos très touchantes bien que simples. Les clichés de Réda mettent en valeur des portes en bois riches en ornementations, et Al-Zoghby, des femmes nues, assez énigmatiques.
Vernissage de l’exposition collective.
Jusqu’au 7 septembre à l’espace Falak, 7, rue Gamaleddine Aboul-Mahassen, Garden City, de 10h à 22h.
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