Al-Ahram Hebdo : La convention démocrate, tenue du 20 au 24 août à Chicago, intervient dans une situation particulière : le retrait de Biden et des divisions internes …
Dr Hanan Abou Skeen : C’était, en effet, une convention d’une grande importance pour plusieurs raisons. Tout d’abord, le Parti démocrate est divisé depuis le début de la guerre de Gaza. Plusieurs membres se montrent réticents au soutien inconditionnel de Washington à Israël dans cette guerre. C’était donc l’occasion pour les démocrates de se montrer unifiés derrière la candidature de Kamala Harris face au républicain Donald Trump. Ensuite, le parti a annoncé les grandes lignes de sa politique intérieure et étrangère pour convaincre les électeurs. Enfin, l’élection présidentielle américaine intéresse le monde entier, car Washington joue un rôle dans tous les dossiers épineux.
— Justement, qu’en est-il de l’avenir de la guerre de Gaza ?
— Il ne faut pas s’attendre à un grand changement. Kamala Harris a essayé de maintenir un certain équilibre en critiquant la mort de civils et en défendant en même temps le droit d’Israël à se défendre. Ainsi, elle veut gagner l’électorat pro-palestinien. En même temps, elle veut satisfaire le lobby juif qui finance la présidentielle américaine et jouit d’une grande influence. En analysant son discours, on peut en déduire que Harris continuera à soutenir Israël. En parallèleme, elle peut renforcer ses pressions sur les Israéliens pour stopper la guerre de Gaza. Washington possède plusieurs cartes de pression qu’il n’a toujours pas utilisées.
— Les manifestations pro-palestiniennes organisées en marge de la convention démocrate ont-elles une influence ?
— Certainement. Car les protestataires contre la politique américaine envers la Palestine sont surtout des jeunes qui se présentent comme le « Uncommitted » (non aligné) National Movement, lancé pour s’opposer à la guerre à Gaza et influencer le Parti démocrate sur la question. Ce mouvement veut montrer que ses voix comptent. L’évolution de la situation à Gaza a une certaine influence sur le choix du futur président des Etats-Unis. Cependant, la plupart des électeurs américains s’intéressent davantage à la politique intérieure, aux questions du chômage, de l’immigration, du pouvoir d’achat, des impôts, etc.
— Et qu’en est-il de la position de Donald Trump sur la guerre à Gaza ?
— Trump ne veut pas de cette guerre tout simplement parce qu’elle coûte cher. Il est vrai qu’Israël était largement bénéficiaire sous la présidence de Trump, mais la guerre actuelle porte préjudice aux Etats-Unis et à leurs intérêts dans la région.
Mais tout compte fait, l’Administration américaine, qu’elle soit démocrate ou républicaine, soutiendra Israël et continuera de lui accorder des aides financières, militaires et politiques.
— Y a-t-il des nuances entre les deux candidats dans les autres dossiers de politique étrangère ?
— Tous les quatre ans, l’Administration américaine trace les points essentiels de sa stratégie concernant sa sécurité nationale et quels pays représentent pour elle un vrai danger, dans tous les domaines, militaire, économique, politique, commercial … Et c’est selon cette stratégie que sont dessinés les contours de la politique étrangère américaine. Trump ne préfère pas l’intervention militaire américaine directe au Moyen-Orient. Il préfère accorder des aides à ses alliés dans la région pour jouer ce rôle. Selon lui, Washington doit se retirer de la région pour se concentrer dans sa rivalité avec la Chine et les relations avec l’Asie. Quant à Harris, elle opte pour un plus grand interventionnisme au Moyen-Orient et pour un renforcement du rôle américain.
— Quelles sont les chances de Trump et de Harris ?
— La concurrence est acharnée et on est presque à 50/50. Harris représente un espoir, celui de la première femme à diriger le pays. Ses promesses électorales conviennent avec les besoins d’un bon nombre d’Américains puisqu’elle plaide contre le racisme et promet de défendre les droits des minorités et ceux des femmes, notamment le droit à l’avortement. Cette question est centrale aux Etats-Unis. Quant à Trump, ses promesses électorales sont basées sur l’amélioration des conditions économiques. Lorsqu’il était président, Trump a joué un rôle efficace dans plusieurs questions internes comme la lutte contre l’immigration clandestine et la croissance économique. Chacun des deux touche donc un certain électorat.
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