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Sharif El-Erian : L’Egypte mérite mieux que les trois médailles obtenues aux JO de Paris

Doaa Badr , Samedi, 24 août 2024

Sharif El-Erian, secrétaire général du Comité olympique égyptien et président de la Fédération égyptienne de pentathlon moderne, revient sur la performance de l’Egypte aux Jeux Olympiques (JO) de Paris 2024. Entretien.

Sharif El-Erian

Al-Ahram Hebdo : Comment évaluez-vous la performance de l’Egypte aux Jeux Olympiques (JO) de Paris 2024 ?

Sharif El-Erian : Je ne suis pas satisfait des trois médailles obtenues par l’Egypte aux JO de Paris. En effet, je suis un peu déçu. Cette performance ne convient pas étant donné la grande délégation de l’Egypte composée de 148 athlètes (22 disciplines) et la bonne préparation de nos athlètes. Il était prévu que l’Egypte décrocherait 6 médailles olympiques (plus ou moins). Six sports individuels avaient en effet des chances de remporter des médailles : l’escrime, le pentathlon moderne, l’haltérophilie, le taekwondo, la lutte et le tir. Puis viennent le handball et le football.

— Quelles sont les fédérations sportives qui ont réalisé leur but ?

— Bien sûr les trois fédérations qui ont remporté des médailles ont réalisé leurs objectifs bien qu’elles aient raté quelques chances. L’escrime égyptienne avait trois chances de médailles olympiques et l’Egypte a remporté une médaille de bronze par Mohamed Elsayed en épée. Son compatriote Ziad Elsissy était très proche d’une deuxième médaille et il a terminé 5e après avoir perdu son match pour la médaille de bronze.

Le pentathlon moderne avait deux chances de médailles et il a remporté une très précieuse médaille d’or par Ahmed Elgendy, tandis que son compatriote Mohannad Shaban a perdu sa chance de médaille après être tombé du cheval en finale et il a terminé à la 18e place.

L’haltérophilie était aussi candidate à deux médailles et l’Egypte a obtenu une médaille de bronze par Sara Samir, tandis que son collègue Karim Abokahla s’est blessé et n’a pas pu continuer la compétition.

— Et les fédérations qui ont raté des médailles alors qu’elles avaient les moyens de les obtenir ?

— La lutte avait deux chances de médailles par deux athlètes qui possèdent un grand palmarès avec des médailles internationales. Mohamed Ibrahim (Kisho), médaillé de bronze aux JO de Tokyo 2020 nous a déçus en perdant son premier match dans l’une des très mauvaises surprises. Le médaillé de bronze aux Mondiaux, Abdellatif Manei, a échoué lui aussi et a terminé à la 5e place. Mais la lutte nous a fait une belle surprise avec la bonne performance de Mohamed Gabr qui a joué le match de la médaille de bronze et s’est classé à la 5e place, réalisant ainsi la meilleure performance de cette discipline aux JO bien qu’on ne se soit pas attendu à une telle performance de sa part.

Le taekwondo et le tir avaient chacun une seule chance de médaille par, respectivement, le taekwondoïste Seif Eissa, médaillé de bronze aux JO de Tokyo et aux Mondiaux, et le tireur Azmy Mehelba, médaillé de bronze aux Mondiaux. Et les deux ont raté leur chance.

— Comment jugez-vous la performance des sports collectifs ?

— L’Egypte a disputé les JO avec trois sports collectifs : le handball, le football et le volleyball. Ce dernier n’avait aucune chance de remporter des matchs au premier tour. Tandis que nous nous attendions à une bonne performance du handball et du football. Après le premier tour, nous avons constaté que l’équipe égyptienne était dans une excellente forme et peut aller jusqu’à la médaille, puisque le Danemark était la seule équipe d’un niveau supérieur à l’Egypte. Mais les Pharaons ont raté la chance de monter sur le podium olympique tout comme dans le football, où les joueurs, après avoir réalisé de bons matchs, ont lourdement chuté contre le Maroc. Mais ainsi est le sport.

— En ce qui concerne les autres disciplines, comment évaluez-vous leur participation ?

— A part les six sports individuels et les deux sports collectifs, les autres disciplines ont participé aux JO de Paris en espérant bien représenter l’Egypte et le continent africain.

Notre but au début était de qualifier pour les JO la plus grande délégation de notre histoire. L’Egypte a qualifié pour les JO de Paris 148 athlètes dans 22 sports, c’est le plus grand nombre d’athlètes qualifiés pour les JO dans l’histoire de l’Egypte. La délégation égyptienne est aussi la plus grande d’Afrique et du monde arabe aux JO. Notre objectif était de qualifier 150 athlètes dans 24 disciplines sportives. Donc, seules deux disciplines ont échoué à réaliser le premier objectif, le badminton et le triathlon.

— Etes-vous toujours pour l’idée d’envoyer tous les athlètes qualifiés pour les JO et pas seulement ceux qui ont des chances de médailles ?

— Oui bien sûr. Je suis un ancien athlète olympique et je connais l’importance de la participation aux JO. Seuls 10 500 athlètes dans le monde entier ont pu se qualifier pour les JO de Paris, et ce, après des efforts qui ont duré trois ans. Si l’Egypte se qualifie pour la Coupe du monde de football, peut-on dire : n’envoyez pas l’équipe de football à la Coupe du monde car l’Egypte ne possède aucune chance de remporter la coupe ?

— La délégation égyptienne aux JO de Paris n’a jamais été autant critiquée par les médias et les réseaux sociaux, pourquoi selon vous ?

— A vrai dire, la délégation égyptienne a fait face à de nombreux problèmes. J’étais présent à un grand nombre de JO et c’était la première fois que nous soyons confrontés à autant de problèmes. Chaque jour, nous avions un problème à résoudre et la direction de la délégation a beaucoup souffert, notamment le président et le vice-président qui passaient leur temps à résoudre les problèmes comme ceux d’inscription auprès du comité organisateur, d’hébergement, de transport et aussi les problèmes des athlètes non disciplinés.

— Le président Abdel Fattah Al-Sissi a demandé un rapport détaillé sur la performance aux JO à chaque fédération. Est-ce le signe qu’il y a eu des négligences ou des manquements ?

— Après chaque JO, les fédérations préparent des rapports détaillés à la fois techniques et financiers. Ces rapports sont remis au ministère de la Jeunesse et du Sport. Mais je voudrais clarifier quelque chose. Les 1,3 milliard de L.E. qui ont été dépensées durant les trois dernières années n’étaient pas destinées à la préparation olympique seulement. C’est le budget total. Mais la somme versée aux 28 disciplines olympiques était de 500 millions de L.E. en trois ans et ce n’est pas une grande somme en comparaison avec les autres fédérations. A titre d’exemple, l’équipe de basketball des Etats-Unis a payé 15 millions de dollars (750 millions de L.E.) pour son hébergement au village olympique.

— Comment, selon vous, peut-on améliorer la performance des sportifs égyptiens à l’avenir ?

— C’est le travail de chaque fédération. Il y a des programmes pour améliorer le niveau des athlètes. Par exemple à la Fédération de pentathlon moderne, nous sommes parvenus à la médaille d’or grâce à un travail scientifique qui a duré 10 ans. Il faut travailler sur les athlètes, l’encadrement technique, la nutrition, la préparation mentale, etc. Les fédérations qui veulent arriver au niveau mondial et olympique doivent travailler de manière scientifique.

— Après avoir remporté la seule médaille d’or de la délégation égyptienne à Paris, que pensez-vous de l’avenir du pentathlon moderne égyptien ?

— La Fédération égyptienne de pentathlon moderne a remporté des médailles internationales dans toutes les catégories d’âge, et maintenant la médaille d’or olympique. Je suis très optimiste pour l’avenir, d’autant que l’Egypte s’est nettement distinguée dans l’épreuve de l’obstacle qui remplace l’équitation. Notre but aux JO de Los Angeles 2028 sera de remporter l’or et d’augmenter le nombre de médailles.

— Comment jugez-vous l’organisation des JO de Paris ?

— Paris a organisé des JO inoubliables malgré quelques difficultés au village olympique concernant l’hébergement sans climatisation et l’alimentation. Mais l’organisation des événements dans des lieux historiques était magnifique. Jouer le beach volleyball au pied de la Tour Eiffel, le taekwondo et l’escrime au Grand Palais et le pentathlon moderne et l’équitation au Château de Versailles était sublime. Les athlètes et le public ont été admiratifs. Imaginez si on organisait les JO au pied des pyramides et dans des endroits historiques en Egypte.

— Voulez-vous dire quelques mots pour conclure ?

— Je remercie l’Etat égyptien et le président Abdel Fattah Al-Sissi qui accorde une grande importance au sport et à son développement. Et je remercie Dr Ashraf Sobhy, ministre de la Jeunesse et du Sport, pour ses efforts et son soutien au sport et à la délégation égyptienne à Paris. Je remercie encore mes collègues au Comité olympique égyptien qui ont fourni un grand effort durant la participation de l’Egypte aux JO, notamment le président du comité, Yasser Idriss, le président de la délégation, Alaa Gabr, le vice-président de la délégation, Abdel-Aziz Ghoneim, et la direction du Comité olympique. De même, je remercie tous les athlètes qui ont représenté l’Egypte et les staffs techniques. Enfin, je remercie infiniment l’ambassadeur d’Egypte en France, S.E. M. Alaa Youssef, qui a déployé de grands efforts pour le confort de notre délégation, résolvant beaucoup de problèmes.

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