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Divertissement et discipline de la vie infantile

Doaa Elhami , Mercredi, 21 août 2024

Les enfants revêtaient une importance capitale dans l’Egypte Ancienne. Plongeons dans ce monde fascinant de cette époque lointaine.

Divertissement et discipline de la vie infantile
(Photo: Doaa Elhami)

L’index dans la bouche, une tresse de cheveux sur le côté et le corps nu sont les trois représentations que l’on trouve sur les parois des temples, des tombes, sur les stèles ou reflétées par les statues symbolisant l’enfant dans l’art de l’Egypte Ancienne. Ces images représentent l’innocence, la jeunesse et la pureté des enfants. Elles sont souvent représentées ensemble à travers la statue familiale du nain Snèb. Tandis que ce dernier est représenté avec les jambes croisées, ses enfants sont sculptés en dessous, nus, avec une tresse et l’index dans la bouche. « La statue en granite du roi Ramsès II enfant, nommé Ramessou, en est l’exemple par excellence », souligne Loutfi Abdel-Hamid, directeur adjoint du Musée égyptien pour les affaires archéologiques, notant que l’enfant, protégé par la divinité Horus, est assis l’index dans la bouche et la tresse de cheveux à côté. Selon le professeur Osama Abdel-Wareth, directeur général du Musée de l’enfant, la représentation nue de l’enfant est un reflet de la vie dans l’Egypte Ancienne, notamment à la campagne, « où les enfants étaient souvent laissés nus pour profiter des rayons du soleil et acquérir la vitamine D qui fortifie les muscles ».

Depuis l’aube de l’Histoire, la société égyptienne accorde une importance majeure aux enfants, de la formation du foetus jusqu’à la jeunesse. « Comme de nos jours, on prêtait une importance majeure à la nourriture et à la santé de la femme enceinte pour avoir un enfant en bonne santé », explique la conservatrice au Musée égyptien Heba Elmostaeenbellah. Le professeur Abdel-Wareth souligne que les femmes appartenant aux couches sociales aisées bénéficiaient de soins médicaux particuliers pendant leur grossesse. Quant à celles du grand public, elles suivaient plutôt les conseils de leurs mères et ceux des femmes mûres de leurs villages. L’enfant jouissait d’une protection totale de ses parents, notamment de la mère qui l’allaitait. « Les musées renferment beaucoup de statues représentatives de la divinité Isis allaitant l’enfant Horus », reprend Elmostaeenbellah. La mère déploie également un grand effort pour calmer son fils à l’aide de ballons de bambou aux cailloux fins qui produisent des sons ressemblant aux hochets de nos jours. Cette protection était accompagnée de tendresse et d’amusement. Cela est clair dans un grand nombre de représentations. Que ce soit sur les parois des temples et des tombes ou à travers les statues qui se trouvent dans les différents musées. Voilà une statue de la reine Nefertiti qui embrasse sa fille et aussi une stèle décrit le couple royal Akhenaton et Nefertiti au trône portant sur le genou et l’épaule deux de leurs filles, alors que la troisième est en train de jouer avec la boucle d’oreilles de sa mère. Le musée renferme beaucoup de jouets qui datent d’époques différentes comme les poupées en bois ou en paille couvertes de tissu, les statuettes en bois représentant un cheval ou encore la statuette d’une personne à dos de cheval.


Statue familiale du nain Sneb. (Photo: Doaa Elhami)

A un âge précoce, les enfants maîtrisaient différents jeux comme les sauts du pouce et des deux travers, ainsi que les jeux de billes ou encore le « bawawa ». « Ces jeux sont transmis d’une génération à l’autre », reprend la conservatrice. Cette observation est partagée par l’égyptologue Christian Leblanc, affirmant que ces jeux perdurent jusqu’à nos jours parmi les enfants des campagnes, notamment en Haute-Egypte, qui apprennent également à cet âge les disciplines sportives telles que la boxe, l’équitation, la natation, l’athlétisme, le jeu de bâton et bien d’autres. « Les parois de Béni Hassan ornées de ces jeux en témoignent parfaitement », ajoute la conservatrice.

Les parois des temples montrent également les jeux des enfants pendant les cérémonies et les festivités sociales et publiques. Les parents emmenaient leurs enfants à la campagne pendant la saison de la récolte. « Sur la paroi d’un temple, on peut voir, par exemple, deux garçons assis au sol, chacun tirant les cheveux de l’autre, tandis qu’un homme passe à un autre un panier de blé récolté », explique Riham Abdel-Wahab, conservatrice au Musée de l’enfant.


Les dés archéologiques exposés au Musée égyptien. (Photo: Doaa Elhami)

Les enfants de l’Egypte Ancienne, y compris de l’époque prédynastique, s’amusaient également avec des jeux de patience. Le Musée égyptien propose à ses visiteurs deux jouets d’une grande importance. Le premier est le « mehen », accompagné d’un ensemble de dés colorés, qui ressemble au jeu actuel de « serpents et échelles ». Quant au deuxième jouet, c’est le « senet », qui est équivalent aux échecs de nos jours. « Jusqu’à présent, les égyptologues ne connaissent ni la manière d’utiliser ces jouets ni même leurs règles. Mais il est certain que ces jouets étaient utilisés par des enfants de 6 ou 7 ans », souligne Heba Elmostaeenbellah. Elle ajoute que ces jouets remontent aux civilisations de Naqada III (3200-3000 av. J.-C.).


Une scène représentant 2 enfants jouant à la campagne pendant la saison de la récolt . (Photo: Doaa Elhami)

Education et moralité

La société et la famille accordaient une importance majeure aux moeurs, à la morale et à la conduite des enfants. « L’Egypte Ancienne retrace les maximes du sage Ptah-Hotep de la Ve dynastie de l’Ancien Empire (2375-2350 av. J.-C.) », explique la conservatrice du Musée égyptien. « Ecoute puis parle » est l’une de ses maximes qui met en évidence la valeur de l’éducation. Ces maximes exigent également le respect des enfants envers leurs parents, tout en assurant la tendresse des parents envers leurs enfants. L’Egypte Ancienne nous livre également les maximes du sage Chechanq de la Basse-Epoque, soit environ 2 000 ans après Ptah-Hotep. Ses maximes soulignent toujours la morale et les moeurs qui doivent régner au sein de la société égyptienne, notamment parmi les membres de la famille.

En plus, les parents dans l’Egypte Ancienne donnaient à leurs enfants une éducation religieuse. Ainsi, on voit la mère envoyer ses enfants aux écoles annexées aux temples pour y apprendre la lecture et l’écriture. « A cette époque lointaine, les établissements scolaires étaient liés aux temples et les maîtres n’étaient autres que des prêtres », reprend Heba Elmostaeenbellah.

Ces établissements étaient réservés plutôt aux enfants de l’élite. Quant aux enfants du grand public, notamment ceux de la campagne en Haute-Egypte, ils apprenaient les sciences élémentaires en suivant des cours avec le sage du village. « Ces cours ressemblaient aux cercles d’étudiants ou kottab, qui existent encore dans certains villages », reprend Osama Abdel-Wareth.


Le centre de créativité et de civilisation relate la vie infantile de l’Egypte Ancienne. (Photo: Doaa Elhami)

Le Musée égyptien présente des dessins comme des figures animales et humaines sur des ostraca, ainsi que des représentations royales. « Les lignes sont encore irrégulières, révélant l’âge précoce de l’auteur », explique Elmostaeenbellah. Avis partagé par l’égyptologue Christian Leblanc : « Nous avons découvert un nombre considérable d’ostraca comportant des écrits et des dessins à la Maison de vie du Ramesseum ». « Ajoutons encore l’écriture sur la pierre, le bois, le parchemin et les papyrus. Ces derniers étaient étalés sur des tables rectangulaires afin de les rouler facilement après y avoir inscrit les événements scolaires quotidiens et étaient conservés dans des boîtes, qui formaient alors la bibliothèque scolaire », reprend Riham Abdel-Wahab. Et d’ajouter que les enfants se servaient des pierres colorées et du charbon pour écrire.

Selon elle, l’enseignement était répandu dans toutes les couches sociales dès le Moyen Empire. A partir de 10 ans, l’enfant apprenait à l’école quelques bases qui l’aidaient dans la vie quotidienne, comme la manière de calculer le prix et le volume de la récolte, les impôts, les achats quotidiens et autres. L’élève était initié à la littérature, à la médecine, à la géométrie, à l’architecture et à d’autres sciences. Les égyptologues affirment que les parents à cette époque aimaient que leurs enfants deviennent des scribes, métier qui jouissait alors d’un grand prestige dans la société égyptienne, notamment au sein de la cour royale. « Les maîtres choisissaient les élèves bien lettrés et dont l’écriture était claire et belle pour les éduquer afin qu’ils deviennent des scribes », indique la conservatrice. Les enfants passaient ensuite à l’étape suivante. « On les répartissait en deux groupes : le premier était destiné à l’éducation laïque afin que l’enfant fasse partie des employés de l’Etat. Sa fonction, une fois adulte, consistait alors à enregistrer tous les événements qui se déroulaient dans les coulisses de l’Etat. Et le second groupe était plutôt voué à l’éducation religieuse. Il suivait des études ecclésiastiques pour devenir des prêtres », explique la conservatrice du Musée de l’enfant.

L’enfant, à cette époque lointaine, jouissait d’un grand intérêt sur le plan de la santé et de l’éducation. Ce qui reflète la grandeur de la civilisation égyptienne.

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