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Décodage- Que signifie l’annonce de l’armée israélienne de la fin des opérations militaires dans la bande de Gaza ?

Chaïmaa Abdel-Hamid , Samedi, 17 août 2024

Les médias israéliens ont annoncé samedi 17 Août que les opérations militaires dans la bande de Gaza ont pris fin, après avoir réalisé leurs objectifs, conformément à l’armée israélienne. Ahraminfo étale les hypothèses qui pourraient justifier une telle annonce, ainsi que les dits et les non-dits de la décision israélienne.

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Archives - La police des frontières israélienne détient un Palestinien avant les prières du vendredi à la mosquée Al-Aqsa dans la vieille ville de Jérusalem. Photo : AP

La télévision publique israélienne Kan TV a annoncé vendredi 16 août que les combats de l'armée israélienne dans la bande de Gaza ont pris fin. Selon la chaîne qui a cité de hauts responsables de la sécurité, ces propos avaient été tenus au niveau politique lors des discussions sur l'évaluation de la situation sécuritaire de ces derniers jours.

Dans leur annonce, les responsables israéliens cités par la chaîne ont déclaré que l'armée israélienne a confié que les membres du Hamas à Rafah ont été vaincus.

Cependant, toujours selon les déclarations des responsables, Israël pourrait revenir de nouveau à sa guerre « lorsqu'il y aura de nouveaux renseignements ».

— L’annonce de la fin des conflits à Gaza signifie-t-elle la réalisation des objectifs annoncés ?

— Sur le terrain, l’armée israélienne n’a réalisé aucun de ses objectifs annoncés. Celle-ci avait, quelques jours après le début de la guerre, annoncé que le but de ses opérations militaires à Gaza consistait à éliminer le Hamas de la bande de Gaza, détruire une grande partie du vaste réseau de tunnels que les militants palestiniens avaient construits sous Gaza et obtenir la libération des otages israéliens.

A chaque phase des opérations, l’armée israélienne annonçait avoir atteint l’un de ses objectifs, mais la réalité est tout autre.

Après presque onze mois de guerre, le bilan réalisé par Israël a dépassé les 40 000 morts, des civils dont la plupart sont des femmes et des enfants. Où sont donc les objectifs avancés par les Israéliens ?

D’ailleurs, si d’après l’armée israélienne, les opérations militaires devaient passer par plusieurs phases, aucune déclaration officielle n’a dévoilé les détails ni les accomplissements qui ont été atteints.

Le plan de la guerre a commencé le 7 octobre par une attaque aérienne contre Gaza. L’armée israélienne a étendu son attaque le 27 octobre par une incursion terrestre, qui a conduit jusqu’à aujourd’hui à la destruction quasi totale de l’infrastructure dans la bande de Gaza. Maisons, hôpitaux, écoles, tout a été détruit. L’eau potable, la nourriture et les médicaments sont introuvables.

En mai 2024, l’armée israélienne avait annoncé avoir terminé son opération militaire à Jabalia, au nord de la bande de Gaza. Les militaires se seraient retirés après la destruction de plus de 10 kilomètres de tunnels, entre autres. Laissant derrière elle une destruction intense après plus de deux semaines d’attaques continues, l’armée israélienne a justifié : « Le Hamas a transformé Jabalia en un complexe de combat fortifié ». Mais son combat est toujours resté sans résultat tangible contre les militants du Hamas.

Plus tard, le 26 juin 2024, le premier ministre israélien, Benyamin Netanyahu, a annoncé que « la phase intense des combats contre le Hamas est sur le point de se terminer », laissant entendre que la guerre à Gaza pourrait encore durer plusieurs mois, l'objectif toujours réitéré avoué étant d'écraser complètement le Hamas.

Aujourd’hui, voilà que l’armée annonce la fin des combats dans la bande de Gaza. Le but y a-t-il été réalisé ? Des doutes s’imposent quant à ses intentions, car dans son communiqué, l’armée israélienne a également annoncé la possibilité d’y revenir de nouveau « lorsqu'il y aura de nouveaux renseignements », selon le communiqué.

 

— A Gaza, les bombardements quotidiens se poursuivent. L’annonce de la fin des combats dans l’enclave est-elle donc une nouvelle manœuvre ?

Toujours prétendant y chercher les dirigeants du Hamas, Israël a à plusieurs reprises agi avec traîtrise, attaquant des centres des réfugiés palestiniens et même des écoles d’abri suivant l’UNRWA, les blessés ont même été bombardés dans les hôpitaux.

Une scène qui se répète samedi 17 août, juste quelques heures après l’annonce israélienne de la fin des opérations militaires dans l’enclave de Gaza. La Défense civile a annoncé que 15 membres d'une même famille, dont trois femmes et neuf enfants, avaient été tués dans une frappe israélienne, dans la nuit de vendredi à samedi, sur le centre de la bande de Gaza. Une attaque imposant des doutes sur les réelles intentions israéliennes concernant de mettre fin à ses agressions contre Gaza.

Ce n’est pas tout. L’UNRWA a publié samedi sur son compte X : « A Gaza, de nouveaux ordres d’évacuation ont été émis par les autorités israéliennes, même à l’intérieur de la zone humanitaire ». « Une fois de plus, la peur se répand, car les familles n’ont nulle part où se tourner. Les gens restent piégés dans un cauchemar sans fin de mort et de destruction à grande échelle », a poursuivi le compte de l’UNRWA, soulignant qu’environ 305 kilomètres carrés, soit environ 84 % de la bande de Gaza, ont été placés sous ordre d'évacuation émis par l'armée israélienne.

— L’annonce de la fin des opérations dans la bande introduit-elle l’approche d’un accord sur le cessez-le-feu ?

— L’annonce par l’armée israélienne de la fin de la guerre à Gaza coïncide également avec des chances de parvenir à une percée dans les négociations sur la conclusion d’une trêve. Cette probable trêve serait-elle donc derrière la fin du conflit à Gaza ?

Des discussions en vue d'une trêve se sont achevées vendredi 16 août à Doha et doivent reprendre la semaine prochaine au Caire, sur la base d'une nouvelle proposition américaine de compromis, soutenue par les autres médiateurs.

Le Hamas, pour sa part, avait rejeté de "nouvelles conditions" d'Israël, parmi lesquelles le "maintien de troupes" israéliennes à la frontière de Gaza avec l'Egypte et "un droit de veto" sur les prisonniers palestiniens susceptibles d'être échangés contre des otages.

Les discussions se basent sur un nouveau plan annoncé vendredi 16 août par Joe Biden. Un premier plan était annoncé en mai dernier, prévoyant, dans une première phase, une trêve de six semaines accompagnée d'un retrait israélien des zones densément peuplées de Gaza et de la libération d'otages israéliens en échange de celle de prisonniers palestiniens.

Entre-temps, le secrétaire d'Etat américain, Antony Blinken, s'est rendu samedi 17 août en Israël pour discuter avec Netanyahu de la "conclusion d’un accord de cessez-le-feu et la libération des otages et prisonniers via la proposition de compromis" présentée la veille à Doha.

— Israël met-il fin à son opération militaire à Gaza pour ouvrir de nouveaux fronts de guerre ?

— La guerre israélienne contre Gaza a attiré la région vers plusieurs nouveaux conflits. L’arrêt prétendu par Israël de sa guerre à la bande de Gaza ne signifie pas la fin des massacres. Les faits le prouvent.

A la veille de l’annonce israélienne de la fin de sa guerre à Gaza, les violences flambaient en Cisjordanie, territoire palestinien occupé par Israël depuis 1967.

Des dizaines de colons israéliens, dont l'un a été arrêté, ont incendié bâtiments et véhicules dans le village de Jit (nord), selon l'armée. L'Autorité palestinienne a fait état d'un Palestinien tué par balles, dénonçant un "terrorisme d'Etat".

"Ils étaient armés de couteaux, d'une mitraillette et d'un silencieux. Leur but était clair : brûler, tuer et détruire", a raconté à l'AFP Hassan Arman à Jit.

Au moins 633 Palestiniens y ont été tués par l'armée israélienne ou des colons, selon un décompte de l'AFP fondé sur des données officielles palestiniennes.

L'ONU, qui juge illégale la colonisation israélienne en Cisjordanie, a pointé "l'impunité dont jouissent les auteurs de violations aussi graves". Le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell, va proposer des sanctions contre des responsables israéliens.

Au Liban, la situation n’est pas plus calme. Le même prétexte avancé pour détruire le Hamas est le même conduit contre le Hezbollah libanais. Le Hezbollah pro-iranien a ouvert un front contre Israël dans le secteur frontalier pour soutenir le Hamas palestinien, son allié, en guerre contre Israël à Gaza depuis le 7 octobre. Depuis, les échanges de tirs sont quasi quotidiens entre le mouvement libanais et l'armée israélienne. Les violences se sont intensifiées avec la mort, le 31 juillet, du chef militaire du Hezbollah, tué dans une frappe israélienne à Beyrouth, la veille de l'assassinat à Téhéran du chef du Hamas, Ismaïl Haniyeh, imputé à Israël par l'Iran et ses alliés. L'Iran et le Hezbollah ont menacé Israël de représailles.

Alors qu’Israël a annoncé vendredi soir son intention de mettre fin à sa guerre à Gaza, elle a mené au lendemain une frappe dans le secteur de Nabatieh, dans le sud du pays, considérée par le ministère libanais de la Santé comme « l'une des plus meurtrières en plus de dix mois de violences à la frontière israélo-libanaise entre le Hezbollah libanais et l'armée israélienne ». Cette frappe a causé la mort d'au moins neuf personnes, dont une femme et ses deux enfants. Cinq personnes ont aussi été blessées dans cette frappe, dont deux sont dans un état critique, selon le ministère.

Selon l'agence de presse libanaise NNA, toutes les personnes tuées étaient des réfugiés syriens employés dans une "usine de blocs de béton" qui a été touchée par l'aviation israélienne, dans une zone industrielle de la région de Nabatieh.

Que la cible soit une école de déplacés à Gaza ou une usine de blocs de béton au Sud du Liban, les noms diffèrent, mais le scénario est le même.

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