Après 10 mois de blocage, le Liban s’est doté d’un gouvernement de compromis réunissant les deux blocs rivaux. Le nouveau premier ministre, Tammam Salam, désigné depuis avril 2013, aura la lourde tâche de diriger un gouvernement dans un pays profondément divisé quant à l’implication du puissant mouvement chiite
Hezbollah dans les combats en Syrie aux côtés des forces du régime de Bachar Al-Assad. Répercussion de la guerre chez le voisin, le pays est secoué par une vague d’attentats sanglants, visant surtout le
Hezbollah, et accueille des centaines de milliers de réfugiés syriens.
Ce gouvernement devrait cependant être de courte durée en raison de l’élection présidentielle prévue au printemps après laquelle un nouveau cabinet doit être formé, selon la Constitution. « C’est un gouvernement rassembleur et c’est la meilleure formule pour permettre au Liban de faire face aux défis », a affirmé Tammam Salam, après l’annonce de la liste du gouvernement. Conscient des défis qu’il doit affronter, Salam a toutefois affirmé que le chemin est plein d’embûches. Il a affirmé qu’il oeuvrera pour renforcer la sécurité afin de faire face à toutes formes de terrorisme, traitera les problèmes socioéconomiques épineux, notamment celui de l’augmentation des réfugiés frères syriens et ce que cela suppose comme fardeau.
Pour la première fois depuis 3 ans, le gouvernement réunit les deux camps rivaux : celui du Hezbollah et la coalition dite du 14 Mars de l’ex-premier ministre, le sunnite Saad Hariri, qui soutient l’opposition syrienne. Grâce à un compromis à l’arraché, le gouvernement de 24 ministres accorde 8 portefeuilles au camp du Hezbollah dont 2 pour des membres du parti, 8 au 14 Mars et 8 à des ministres proches du président Michel Sleimane, considéré comme neutre, et du leader druze, Walid Joumblatt, considéré comme centriste. Selon cette formule, aucun des deux principaux rivaux ne peut bloquer les décisions gouvernementales.
Selon des sources proches du 14 Mars, Hariri a fait une grande concession en acceptant de participer à ce gouvernement avec le Hezbollah, un parti qu’il accuse d’être derrière l’assassinat de son père, le dirigeant Rafic Hariri. Hariri avait justifié sa décision d’y prendre part en affirmant que c’était pour sauver le pays de l’instabilité. Il a dû cependant retirer la candidature au poste-clé de l’Intérieur de son favori, le général à la retraite, Achraf Rifi, ancien chef influent de la police libanaise et bête noire du parti chiite qui a opposé son veto. Le choix pour l’Intérieur s’est fixé sur Nouhad Al-Machnouk, un député du courant du Futur de Hariri, et Rifi a été nommé ministre de la Justice.
En outre, le mouvement de l’allié chrétien du Hezbollah, Michel Aoun, obtient le poste convoité des Affaires étrangères, attribué à son gendre Gebrane Bassil, et celui de l’Energie, pour lequel est nommé un Arménien, Arthur Nazarian. Contrairement au gouvernement précédent, dépourvu de femmes, une seule a été nommée au cabinet, Alice Chabtini, une magistrate de premier plan qui s’est vu confier le portefeuille des Déplacés. Le principal courant chrétien allié de Hariri et farouche opposant au Hezbollah, les Forces libanaises, a refusé de participer au gouvernement. La formation d’un gouvernement au Liban doit tenir compte de l’équilibre confessionnel dans un pays où coexistent 18 communautés religieuses musulmanes et chrétiennes.
Ainsi, les postes au Parlement et au gouvernement sont attribués à parité aux chrétiens et aux musulmans, bien que les premiers soient minoritaires. Selon l’Onu, le nombre de réfugiés syriens a atteint plus de 900 000 personnes au Liban, soit près d’un cinquième de sa population. La formation du gouvernement intervient alors que le pays est pris dans un cycle de violences et d’attentats liés au conflit syrien qui a exacerbé les divisions politiques, mais aussi les tensions entre sunnites, en majorité pro-opposition, et chiites, qui soutiennent pour la plupart Damas.
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