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« Une quenelle a quatre doigts »

Alban de Ménonville, Mardi, 11 février 2014

Le geste plus puissant que les discours ? En Egypte, les quatre doigts de Rabea Al-Adawiya sont désormais associés à une promotion du terrorisme. A peu près à la même période, la quenelle de l’humoriste Dieudonné en France était assimilée à un acte antisémite.

« Une quenelle a quatre doigts »

Deux gestes, deux assimilations, mais un même processus : comment en arrive-t-on d’un geste « antisystème » pour l’un, « anti-coup » pour l’autre, à un geste suscitant les foudres des autorités ?

C’est que derrière le geste, se cacherait le diable. Un diable bien pratique : il ne parle pas et l’on peut aisément lui faire dire ce que l’on veut : antisémitisme ou terrorisme. Les similitudes entre les quatre doigts et la quenelle sont riches en enseignements.

D’un côté les bien-pensants, une immense partie des médias, une classe politique soudée et déterminée et quelques « batailleurs acharnés ». De l’autre, une minorité déterminée, revendiquant ses droits et sa légitimé, quelques penseurs indépendants se risquant à défendre, en partie, ce que revendique le geste et quelques « neutres » qui sont contre le geste, mais pour le droit de le faire.

En Egypte et en France, on constate une répression quasi similaire : la quenelle peut être un motif de licenciement, les quatre doigts un motif d’emprisonnement. Quand une personnalité connue se risque à faire le geste interdit, on retrouve les mêmes conséquences : l’attaquant d’Ahli, Ahmad Abdel-Zaher, qui a fait les quatre doigts, s’est exposé aux mêmes sanctions que l’attaquant d’Albion, Nicolas Anelka, qui a fait la quenelle.

En France, comme en Egypte, le geste fait peur aux autorités. Dans les deux cas, elles se sentent attaquées, directement visées par ces gestes contestateurs. Dans les deux cas les autorités ont esquivé la réponse directe en assimilant le geste à quelque chose d’interdit : terrorisme pour l’Egypte, antisémitisme pour la France.

Comme les quatre doigts, il est devenu dangereux de faire la quenelle dans la rue ou en public. Ces gestes soulèvent l’agressivité de leurs détracteurs qui n’hésitent pas à lancer coups et insultes. En France, un barman qui a fait une quenelle s’est fait agresser sur son lieu de travail, en Egypte, ceux qui postent une main à quatre doigts sur Facebook se font insulter.

La question est la même dans les deux cas : pourquoi un geste qui ne représente au final qu’un engagement symbolique et non violent (beaucoup font les quatre doigts sans être Frères ou la quenelle sans glorifier Dieudonné) suscite-t-il de telles réactions ? Silencieux, ces gestes en disent plus que les longs discours. Ils sont la partie émergée de l’iceberg, symboles d’un rejet global de leurs sociétés respectives — qui le leur rendent bien, symboles aussi d’une lassitude quand les mots deviennent impuissants, sorte de derniers recours des damnés du Main Stream .

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