Hani Raslan, spécialiste des pays du bassin du Nil au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques d’Al-Ahram.
Al-Ahram Hebdo : Que pensez-vous de la décision de l’Union africaine de poursuivre la suspension des activités de l’Egypte ?
Hani Raslan : L’Egypte a assisté au sommet cette semaine, sur invitation de l’Union, à travers un délégué. C’est une première pour un pays suspendu de toute activité. Quant à la suspension elle-même, c’est une décision de routine de la part de l’UA, comme stipulé dans la déclaration de Lomé qui considère que ce qui s’est passé le 3 juillet dernier est un acte anticonstitutionnel.
Il ne faut pas que l’Egypte se hâte d’y retourner. Il lui suffit de poursuivre l’application de la feuille de route et de tenir les élections présidentielle et parlementaires. Ensuite, l’Egypte récupérera automatiquement sa place au sein de l’UA. Il ne faut pas accorder à cela plus d’importance que cela ne mérite. L’annulation de la suspension de l’Egypte est certaine. C’est une question de temps.
— Mais l’Egypte a dernièrement déployé beaucoup d’efforts sur le plan diplomatique en Afrique. Et sans conséquences ...
— Je suis contre ces tentatives de chercher le soutien de certains pays africains, comme le Soudan, pour rejoindre l’UA. J’accepterai ces efforts s’ils sont faits dans le cadre de relations bilatérales entre l’Egypte et un autre pays, et non simplement pour un retour à l’UA. Le Caire ne doit s’intéresser actuellement qu’au redressement de ses affaires internes, même si les relations internationales sont nécessaires pour l’Egypte.
— Y a-t-il eu un changement dans la politique égyptienne vis-à-vis de l’Afrique après la révolution de 2011 ?
— On ne peut pas parler de réel changement. Sous Moubarak, les relations égypto-africaines s’étaient détériorées. Bien que l’Egypte ait un rôle important dans le continent, Moubarak n’accordait pas de grand intérêt aux pays africains. Sous Morsi, les choses étaient pires. Suite à sa visite en Ethiopie pour discuter du barrage d’Al-Nahda, le projet a été poursuivi. En plus, lorsqu’il a assisté au sommet africain, sur la photo-souvenir, il a été placé en second rang avec les petits pays d’Afrique, ce qui fut considéré comme une humiliation pour Le Caire. L’Egypte devra à l’avenir retrouver un vrai rôle en Afrique. Il faudra relancer les relations diplomatiques avec l’Afrique, mais l’Egypte a besoin de redéfinir et de réorganiser ses intérêts dans le continent.
— Cette mise à l’écart de l’Egypte n’est-elle pas dans l’intérêt d’autres pays africains ?
— Bien sûr. L’UA a agi avec l’Egypte avec la politique de deux poids, deux mesures. Après la chute de Moubarak et la transmission du pouvoir au Conseil militaire, l’UA n’avait pas parlé d’inconstitutionnalité. Pourtant, il s’agissait d’un même cas. Trois pays veulent que l’Egypte soit loin de l’UA : l’Ethiopie, l’Afrique du Sud et le Nigeria. Pour l’Ethiopie, cette volonté émane du projet du barrage de la Renaissance sur le Nil. Une Egypte sans soutien africain serait une garantie pour la poursuite du projet. Quant à l’Afrique du Sud et au Nigeria, ils veulent remporter les deux sièges de membres permanents au sein du Conseil de sécurité de l’Onu qui seront attribués aux pays africains, et ainsi éloigner l’Egypte.
— Quelles ont été les conséquences de cette suspension ?
— Contrairement à ce que certains pensent, les conséquences ne sont pas si graves que cela. Il s’agit uniquement de l’interdiction d’assister aux réunions de l’Union. L’Union africaine est incapable de parvenir à des solutions réalistes aux conflits sur le continent. Elle est incapable d’y faire face en raison de sa faiblesse. Lorsque l’Egypte a eu un problème concernant le barrage en Ethiopie, l’UA ne l’a pas soutenue. Si l’Egypte garde aujourd’hui de bonnes relations politiques et économiques avec certains pays africains, c’est grâce aux relations diplomatiques. L’adhésion à l’Union n’a rien à voir avec cela.
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