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25 janvier : les anathèmes pleuvent

May Al-Maghrabi, Mardi, 28 janvier 2014

C’est dans une profonde division que l’Egypte a commémoré le 3e anniversaire de la révolution du 25 janvier 2011, marqué par d’innombrables accrochages.

25 janvier
Il n’y avait pas de terrain commun entre ceux qui ont célébré le 25 janvier.

Les attaques terroristes du 24 janvier n’ont pas dissuadé des millions d’Egyptiens de fêter le 3e anniversaire de la révolution du 25 janvier 2011. Les célébrations ont pris deux aspects cette année : l’un festif, notamment sur la place Tahrir, et l’autre violent, avec des affrontements en série et des victimes. Au Caire, comme dans plusieurs autres gouvernorats, célébrations et manifestations violentes se sont alternées. Les divisions sur les objectifs de la commémoration entre les forces révolutionnaires étaient palpables. Sur l’emblématique place Tahrir, des dizaines de milliers de personnes étaient rassemblées pour défier les actes terroristes qui avaient frappé Le Caire la veille. Des mesures de sécurité draconiennes avaient été mises en place pour ce 25 janvier.

Sur la place Tahrir, une véritable marée humaine s’était rassemblée, hissant les drapeaux de l’Egypte et les photos du général Sissi. Seuls les partisans du général étaient les bienvenus sur la place où des chansons patriotiques et la fanfare de la police ont retenti à longueur de journée. « Le peuple veut l’exécution des Frères », et « Sissi mon président », scandait la foule venue dénoncer le terrorisme et apporter son soutien au chef de l’armée à sa probable candidature à l’élection présidentielle. « Ceux qui sont sur la place Tahrir aujourd’hui veulent mettre un terme à 3 années de chaos qui ont épuisé l’économie de l’Egypte. Nous trouvons que Sissi est l’homme du moment et qu’il est le seul capable de rétablir la stabilité et de stopper la violence des Frères », explique Adel Sami, membre de la campagne Kammel guémilak (accomplis ta faveur) qui collecte des mandats populaires en faveur de la candidature de Sissi. Mais pour Hassan Chahine, porte-parole du mouvement Tamarrod, cette journée devrait être consacrée seulement au soutien des revendications de la révolution. « Je respecte la volonté d’une majorité d’Egyptiens voulant voir Sissi président, mais nous devons réaffirmer les revendications de la révolution », estime Chahine.

Divisions palpables

L’absence des forces révolutionnaires qui ont été le fer de lance de la révolution de janvier était remarquable. Seuls le mouvement Tamarrod, le parti des Egyptiens libres et les mouvements pro-Sissi, comme le front Misr Baladi et Kammel guémilak, étaient présents. En revanche, le parti salafiste Al-Nour et le mouvement Kéfaya ont estimé que « les circonstances tendues ne permettent pas de tels rassemblements ». Amira Al-Adly, membre du Front national de salut, avoue que les partis politiques n’ont pas pu s’entendre sur une position unie sur la commémoration du 25 janvier, parce que leurs objectifs étaient très différents. « Il n’y avait pas de terrain commun entre ceux qui ont célébré le 25 janvier. Beaucoup étaient descendus pour soutenir Sissi, d’autres étaient venus pour la fête de la police. Il y avait même des gens qui pensaient que cette révolution était un complot et qui hissaient des photos de Moubarak ! », s’explique Al-Adly.

Deux poids deux mesures

Face à ces « Moubarakistes », une minorité de mouvements libéraux comme le mouvement du 6 Avril et les socialistes révolutionnaires étaient descendus ce 25 janvier pour revendiquer la « remise sur les rails » d’une révolution qu’ils qualifient de « détournée ». Ils scandaient des slogans hostiles aux militaires, aux policiers, aux caciques de l’ère Moubarak et aux Frères musulmans. « Le peuple veut la chute du régime ! », « A bas les militaires ! », des slogans qui ne rimaient pas avec l’ambiance générale, flatteuse pour le régime. La présence parmi eux de certains manifestants de la confrérie des Frères musulmans a donné aux forces de sécurité le prétexte pour les disperser. « Le régime protège ses partisans et réprime ses opposants. Cette guerre entre l’armée et les islamistes n’est pas la nôtre. Nous avons des revendications légitimes que nous voulons exprimer pacifiquement. La révolution n’a pas eu lieu pour substituer un régime dictatorial par un autre théocratique ou militaire », s’insurge Amal Charaf, du mouvement du 6 Avril, qui trouve qu’après trois ans de révolution, c’est un retour à la case départ qui se profile. Le mouvement a annoncé la mort d’un de ses membres par les balles de la police et l’arrestation de 10 autres.

Un retour à la case départ ? C’était bien l’enjeu de ces célébrations du 25 janvier. Le président par intérim, Adly Mansour, a déclaré cette semaine : « Le pouvoir reconnaît la révolution du 25 janvier et oeuvre pour satisfaire ses revendications ». Selon Mahmoud Mansour, politologue, un retour à l’ancien régime reste difficile. « La conscience politique accrue des Egyptiens, les textes de la nouvelle Constitution élargissant la marge de liberté et restreignant les pouvoirs du président de la République et la vivacité des forces politiques et révolutionnaires empêcheront un tel scénario ». Nul ne sait vers quel avenir se dirige l’Egypte.

Un lourd bilan

Le bilan officiel du 25 janvier a été de 49 morts, 247 blessés et 1 079 arrestations. C’est au Caire que le bilan a été le plus lourd, avec 18 morts, tandis que 8 personnes sont mortes à Guiza, 2 à Minya et une à Alexandrie. Des affrontements sanglants ont opposé les Frères musulmans à la police et aux citoyens un peu partout en Egypte. Au Caire, un cortège du mouvement du 6 Avril et de Frères musulmans qui devra partir de la mosquée Moustapha Mahmoud vers la place Tahrir a été dispersé à coup de grenades lacrymogènes. La police est arrivée sur les lieux après des accrochages entre les habitants et les Frères musulmans. Ces derniers se sont mis à lancer des pierres et des cocktails Molotov, et à tirer des coups de carabine et des balles réelles sur la police et les habitants du quartier de Mohandessine. Une bataille rangée a alors éclaté où les deux camps se sont affrontés à coup de gourdins et d’armes à feu. Le même scénario s’est produit sur le pont de Orabi, à la rue Ramsès et à la rue Talaat Harb, à proximité de la place Tahrir. Les quartiers de Hélouan et de Aïn-Chams ont été aussi le théâtre d’une violente bataille où les Frères musulmans, réfugiés derrière des barricades, ont tiré à balles réelles sur les forces de l’ordre. Même violence à Matariya, où les Frères ont tenté d’entamer un sit-in et ont résisté aux tentatives de les disperser en jetant des cocktails Molotov et des bombes artisanales sur la police et sur les habitants qui s’en sont pris à eux. La police est autorisée à faire un usage progressif de la force face aux rassemblements non autorisés pouvant aller jusqu’au recours à la force létale en cas d’utilisation par les manifestants d’armes à feu.

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