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Pays du Golfe : « L’option Al-Sissi est-elle la meilleure ? »

Mavie Maher, Mardi, 28 janvier 2014

Appuyant franchement l'instauration d'un nouveau régime dirigé par l'armée, les pays du Golfe restent pourtant réticents à la candidature du ministre de la Défense à la magistrature suprême égyptienne.

Pays du Golfe
Le ministre de la Défense, Abdel-Fattah Al-Sissi, en rencontre avec le chef de la diplomatie émiratie, Abdallah Bin Zayed Al-Nahyan. (Photo : Al-Ahram)

Depuis l’évincement de Mohamad Morsi le 3 juillet 2013 par l’armée, les monarchies du Golfe, à l’excep­tion du Qatar, cautionnent et soutien­nent le nouveau régime en place, l’Arabie saoudite et les Emirats arabes unis en tête. Riyad et Abu-Dhabi ont rallié leurs forces de frappe financières et diplomatiques pour soutenir le nouveau pouvoir incarné par le général Abdel-Fattah Al-Sissi. Ainsi l’Arabie saoudite, le Koweït et les Emirats arabes unis ont annoncé, dès le mois de juillet, des aides cumu­lées de 12 milliards de dollars à l’Egypte, dont 5 milliards promis par Riyad.

Ce soutien a renforcé la position de l’armée et du général Al-Sissi pour mater les Frères musulmans, surtout que cela s’est produit en parallèle à des pressions économiques menées par l’Union européenne et les Etats-Unis sur le gouvernement et l’armée.

Les raisons du soutien des pays du Golfe ne sont pas inconnues et sont animées par la volonté de ces pays de préserver leurs intérêts avec un retour au système ancien. « Tétanisées par l’arrivée au pouvoir des Frères musulmans en Egypte, les monar­chies du Golfe ont tout de suite pro­fité de la crise politique égyptienne, qui a atteint son apogée en juin der­nier, pour revenir à l’ordre ancien qui correspondait avec leurs intérêts », estime Karim Sader, politologue et consultant spécialiste des pays du Golfe. Ils voulaient donc empêcher l’exportation de la gouvernance des Frères musulmans.

Pour les pays du Golfe, l’armée est une institution avec laquelle ils ont une bonne expérience. De même, l’armée et les pays du Golfe partagent la même politique de sécurité régio­nale, explique Yasmine Farouk, maître de conférences en sciences politiques à l’Université du Caire. « En plus, le gouvernement de Beblawy n’a aucun problème avec les pays du Golfe, au contraire il a tra­vaillé longtemps au Koweït, et en général le facteur personnel joue un rôle principal dans la politique étran­gère des pays du Golfe », ajoute Farouk.

Mais en plein suspense sur la poten­tielle candidature d’Al-Sissi pour l’élection présidentielle, un change­ment de position est noté. « J’espère qu’il restera dans l’armée, et que quelqu’un d’autre (se présentera) à l’élection présidentielle », déclare cheikh Mohammad bin Rached Al-Maktoum, vice-président et pre­mier ministre des Emirats arabes unis, dans une interview diffusée sur la BBC.

Le débat déclenché à la suite de ces propos pousse le porte-parole du Conseil des ministres, que préside le souverain de Dubaï, à rectifier la déclaration estimant qu’il s’agit sim­plement « d’un conseil », mais qu’Al-Sissi « est libre de se présenter en tant que civil, à la demande de son peuple et que les Emirats arabes unis soutiendraient toujours les choix du peuple égyptien ».

Ces déclarations peuvent être inter­prétées comme un simple conseil fraternel, soit par la peur de l’arrivée d’un président charismatique comme le général Al-Sissi qui n’aura plus besoin des pays du Golfe, « parce qu’un chef charismatique peut influencer le peuple pour qu’il accepte des conditions de vie diffi­ciles en faveur d’objectifs natio­naux », explique Yasmine Farouk.

« A qui vont-ils s’adresser ? »

L’Arabie saoudite ne tarde pas à apporter sa part avec un éditorial d’Abdel-Rahman El-Rashed, direc­teur de la chaîne Al-Arabiya et l’un des plus proches du roi saoudien. Il écrit dans Al-Charq Al-Awsat : « Il vaut mieux qu’Al-Sissi ne se présente pas à l’élection présidentielle ». Il énumère les raisons dont le fait que « les gens ont fait appel à l’armée quand ils ont protesté contre Morsi mais si les gens protestent contre Al-Sissi à qui vont-ils s’adresser ? ». Le lendemain, c’est Ghasan Sharbel, rédacteur en chef du journal saoudien Al-Hayat, qui formule la même idée à l’encontre d’Al-Sissi.

Mais les trois ne font pas l’unani­mité dans leur pays, tout comme l’Amérique dont ils traduisent en quelque sorte la position. « Il y a deux camps apparemment, l’un est contre l’arrivée d’Al-Sissi au pouvoir et l’autre estime que le général fait par­tie de l’institution de l’armée que les Etats-Unis connaissent très bien et qui adopte des politiques en faveur de celles des Etats-Unis. Bref, ils sont dans le dilemme », estime Farouk.

Pour comprendre la politique étran­gère des pays de Golfe envers l’Egypte, il faut mettre en évidence le dossier iranien et l’influence améri­caine. Les pays du Golfe craignent qu’ils ne soient remplacés par l’Iran et face au rapprochement américano-iranien, ils renforcent l’Egypte pour garantir l’équilibre de force régionale. Ils finiront par soutenir un candidat militaire en Egypte, Al-Sissi en tête. C’est du moins l’analyse apportée au général.

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