Yahya Sinouar, désigné mardi soir comme le nouveau chef politique du Hamas, est un militant pragmatique, un "mort en sursis".
Il a fait toute sa carrière dans l'ombre: celle des prisons israéliennes où il a passé 23 ans, puis de l'appareil sécuritaire du mouvement palestinien où il se chargeait des purges.
Chef depuis 2017 du mouvement palestinien à Gaza, il est, à 61 ans.
L'homme ascétique, à la chevelure blanche mais aux sourcils fournis noirs, "a imposé son tempo pour changer le rapport de force sur le terrain et a pris tout le monde par surprise", selon elle.
Celui qui est désormais "le visage du diable" ou le "mort en sursis", selon les termes de l'armée israélienne, n'est pas apparu en public depuis octobre.
"C'est l'homme de sécurité par excellence" qui, avec un "charisme de leader", "prend des décisions dans le plus grand calme", affirmait à l'AFP Abou Abdallah, un ex-codétenu du Hamas, en 2017.
Radical, pragmatique
En 1987, la première Intifada (le soulèvement contre l'occupation israélienne) éclate dans un camp de réfugiés du nord de la bande de Gaza. L'enfant, né à Khan Younès, un camp du sud du territoire, rejoint le Hamas tout juste fondé.
A 25 ans, il dirige déjà l'Organisation du jihad et de la prédication, l'unité de renseignement du Hamas qui punit les "collaborateurs", ces Palestiniens châtiés pour intelligence avec l'ennemi israélien.
En 1988, il fonde Majd, le service de sécurité intérieure du Hamas.
Incarcéré en 1989, il s'impose en leader des prisonniers. Condamné plusieurs fois à la perpétuité, il sort en 2011 avec un millier de détenus libérés par Israël, en échange du soldat Gilad Shalit, otage du Hamas pendant cinq ans.
Yahya Sinouar voit Israël éliminer ses mentors, notamment le cheikh Ahmed Yassine, fondateur du Hamas, et Salah Chehadé, fondateur des brigades Ezzedine al-Qassam, branche armée du mouvement, dont il passe pour le bras droit.
Sinouar a fait l'objet de multiples tentatives d'assassinat.
Elu en 2017 chef du Hamas à Gaza, il impulse une stratégie "radicale sur le plan militaire et pragmatique en politique", décrypte Mme Seurat. "Il ne prône pas la force pour la force" mais "pour amener (les Israéliens) aux négociations".
Sur le plan politique, il prône une direction palestinienne unie pour tous les Territoires occupés: la bande de Gaza, tenue par le Hamas, la Cisjordanie, administrée par le Fatah de Mahmoud Abbas, et Jérusalem-Est.
"Il a fait savoir qu'il punirait quiconque tenterait d'entraver la réconciliation avec le Fatah", rappelle le European Council on Foreign Relations (ECFR).
A son élection à la tête du Hamas à Gaza, le mouvement accepte le principe d'un Etat palestinien dans les frontières de 1967, mais conserve comme but ultime la "libération" de tout le territoire de la Palestine de 1948, incluant le territoire israélien actuel.
Coûte que coûte, il entend forcer Israël et le monde à s'intéresser au sort des Palestiniens. La stratégie de la respectabilité des "politiques" du Hamas échoue: il choisira la violence.
Sur fond de désintérêt mondial pour la cause palestinienne et d'une normalisation naissante des relations entre des Etats arabes et Israël, il pousse en 2018-19 pour les "Marches du retour". Les affrontements le long de la barrière de séparation avec Israël font près de 300 morts à Gaza.
La guerre à Gaza a déjà fait près de 40.000 morts, selon le ministère palestinien de la Santé à Gaza.
*Article modifié par Ahraminfo
Lien court: